… L’Intégrale est une colonie communiste libertaire individualiste, en ce sens que le communisme y est organisé de manière à ce que les droits de l’individu y soient maximum. Chez nous ce n’est pas l’individu qui doit se plier à l’organisation, c’est l’organisation qui doit être faite pour l’individu et lui donner le maximum de liberté. En fait, il y a bien un certain assujettissement, il y a pour les individus colons des devoirs élémentaires, mais aucun individu raisonnable ne se refusera à les remplir – et dans n’importe quel état social – même l’individualisme libertaire le plus échevelé – il y a des sujétions bien plus grandes. Le communisme permettra l’abondance et le bien-être, qui accroissent singulièrement la liberté.
Suppression de toutes les contraintes inutiles, telle est notre devise. Si comme le pensent certains de nos camarades, toutes les contraintes se montrent inutiles, nous supprimerons toutes les contraintes. En attendant les seules contraintes que nous conservions – vu les individus inéduqués que nous serons souvent forcés d’avoir avec nous, sont : 1) la tâche, chacun étant obligé de fournir une certaine somme de travail qu’il exécute d’ailleurs avec le maximum de liberté, et qu’il choisit lui-même autant que possible ; 2) nous exigeons aussi entre intégralistes la bienveillance qui n’exclut pas la critique amicale, mais exclut les polémiques et les questions de personnes si irritantes.
[/Victor
L’Intégrale – Groupe Morelly
à Such (Lot-et-Garonne)./]
– O –
… L’individualisme des temps présents est une particulière résistance, ou lutte, contre le milieu oppresseur, c’est une insurrection individuelle d’intensité variable. Mais dans les temps futurs, il est la libre expression de chaque individu, la plénitude de son originalité intégrale.
La transition entre ces deux époques, présent et avenir, est amenée le plus instamment et intégralement par l’anarchie.
Au fond, je soupçonne qu’entre communistes libertaires et individualistes, il n’y ait qu’une imprécision, un manque de vigueur sur les possibilités immédiates de l’anarchie ou affranchissement social.
Et c’est bien regrettable.
Le fédéralisme libertaire est insaturable au présent, et sa formule économique, qui est la coopération, peut être assimilée par tous.
Passé cette transition, je suis individualiste et stirnérien.
Dans le champ individuel, il y a fort à glaner et à semer. Votre petit livret peut prendre place avantageuse pour œuvrer, sainement, entre l’anarchisme sectaire – qui s’éloigne de l’anarchie – et l’individualisme mystique, père des résignations.
Les heurts de la vie, la misère quotidienne, un brin d’ignorance ont amené celui-ci et celle-là.
À ceux qui supportent plus allégrement le fardeau de la vie d’éclairer les autres dans une voie de calme naturel et de joies fortes.
[/Bordeaux, le 10 juillet
– O –
… Nous qui croyons à l’individualisme nous avons besoin aujourd’hui de réunir nos efforts afin de mieux affirmer notre foi vers une sagesse toujours plus haute et plus forte…
Il manque aujourd’hui une revue individualiste de philosophie qui sorte du domaine des idées métaphysiques et qui fasse une place plus large à toutes les manifestations de la pensée classique.
La philosophie individualiste et libertaire telle que je la conçois, doit s’opposer aux tendances romantiques et mystiques de la littérature actuelle.
[/Camille
– O –
… Sous la forme actuelle de ses vagues doctrines, de l’imprécision inhérente et fatale aux types sociaux de la révolte, il n’est guère possible de préciser le sens vraiment humain de l’anarchie.
Ceux du « Libertaire » appellent anarchie leur fédéralisme, et la plupart des individualistes, à l’opposé, rejettent l’idée anarchique dans le domaine philosophique, plutôt métaphysique. Les uns et les autres peuvent voir juste, mais paraissent soit bien tenir au présent, soit s’en écarter trop.
Pour moi, anarchie est formule sociale – cadre économique plus véritablement physique. Vouloir l’incorporer au domaine spirituel et psychique reste propre à l’individu, peu y parviennent ; et transposer ces états en nos relations sociales me paraît la dernière erreur.
[/Bordeaux, 27 juillet
[(La rubrique « correspondances » recueille, non seulement les lettres qui nous paraissent intéressantes, mais aussi les polémiques – courtoises – qu’elles peuvent amener.)]