L’espace dont je puis disposer ici ne me permet pas de plaider, ni même de raconter l’affaire Gaston Rolland. Le vaillant « Comité de Défense Sociale » publiera bientôt, je pense, l’exposé nécessaire. Jusque-là, je suis contraint, malgré ma répugnance, à renvoyer les camarades à mes quatre articles du Journal du Peuple, le seul quotidien de Paris qui manifeste courage et esprit de justice (7mars – 14 mars – 2 et 10 juillet).
Pour la scélératesse de la loi et pour la stupidité bourgeoise, Gaston Rolland est un grand coupable. Il a été condamné, après des aveux affronteurs, pour insoumission, recel de déserteurs, faux et usage de faux. Devant les soldats qui devaient le juger, il s’est déclaré « insoumis par principe », croyant plutôt à l’humanité qu’à la Patrie. Il a affirmé : « Je me fais un devoir de ne pas prendre les armes contre mes semblables. »
Les faux qu’il a commis et dont il a fait usage ne ressemblent pas aux faux de Messieurs les notaires. Pour sa sécurité, ce sujet français a usé, pendant la guerre, d’un état civil espagnol. Il voulait travailler en paix, gagner honnêtement sa vie et celle de quelques autres. S’il ne se fut agi que de lui, il eut préféré l’attitude simple de « consciensious objector » et, sans se cacher, eut refusé de toucher une arme. Mais sa liberté et son travail étaient nécessaires à trop de camarades. Sa maison était l’asile des déserteurs et insoumis de la région marseillaise. Il touchait des journées de 100 francs et plus, et il marchait dans des souliers percés, ne buvait que de l’eau, se nourrissait de macaronis et de quelques légumes. Son argent servait à secourir les pauvres bougres traqués. Devant les juges militaires, il revendiqua hardiment, en pleine guerre, « le droit d’asile ». Il ne manifesta jamais ni rancœur ni regret, quoiqu’il eut été « donné » par un de ses obligés. Résultat : pendant que Bouchard, qui l’avait livré, était condamné, pour désertion, intelligence avec l’ennemi, faux et usage de faux, à 5 ans de prison, le noble Rolland, pour les mêmes illégalités, – sauf qu’il ne saurait être question avec lui d’intelligence avec l’ennemi et qu’il n’était pas déserteur mais seulement insoumis, – subissait une condamnation trois fois plus forte : quinze ans !
La générosité et l’attitude humaine de Gaston Rolland lui vaudront la sympathie agissante de tous les camarades. L’énormité haineuse de sa condamnation et l’inégalité des traitements appliqués à l’ignoble Bouchard et à cet homme bienfaisant feront rougir les bourgeois qui ont quelque reste de conscience. Camarades, faites connaître dans tous les milieux, Gaston Rolland, sa beauté humaine, la cruauté lâche de ses juges, la nécessité de le libérer sans retard.
[/Han Ryner/]
Pour tout ce qui concerne Gaston Rolland, écrire à Émile Pignot, 33 rue du château Landon, Paris, ou au Comité de Défense Social (Commission Gaston Rolland), 49 rue de Bretagne, Paris. Tout envoi de fonds doit être fait à cette même adresse.