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[/à Butaud/]
Insère donc, je te prie, ces quelques lignes pour rectifier les termes inexacts et l’interprétation fausse d’une correspondance qui t’a été adressée au sujet de la causerie que j’ai faite « Au Foyer » et qui avait pour sujet, « Les Bandits ».
J’ai exposé dans les grandes lignes les actes des illégaux individualistes ; j’ai discuté ces actes, j’ai cherché à me rendre compte s’ils étaient profitables à notre cause, ou plutôt préjudiciables. Je me suis demandé l’effet que produisent de telles actions sur la mentalité ouvrière, la seule qui m’intéresse. J’ai reconnu l’énergie féroce des acteurs de ce sombre drame ; j’ai apprécié à sa valeur leur audace dans l’action, mais j’ai dit qu’ils ne pouvaient en rien être donnés comme exemple.
Créés par le monstrueux état social dans lequel nous sommes tenus de vivre, ces hommes sont des victimes, mais non pas des martyrs. Le mobile qui les a fait agir, pas tous, — car j’extériorise quelques unités sur lesquelles je m’expliquerai quand le silence de la cour d’assises ce sera fait, — ce mobile n’a rien de noble, ne sert aucune cause de développement progressif, ne coopère à aucun affranchissement humain, à moins que ce ne soit celui de l’auteur de l’acte d’illégalisme terroriste.
On les arrête, on les assassine et on trouve de l’argent, toujours ce sale argent, dans les mains, dans les poches, cousu dans les vêtements et cogné dans les valises, quand il y avait autour d’eux tant de besoins qui les sollicitaient, tant de services qu’ils pouvaient rendre. Je ne souhaitais pas qu’ils jouassent aux philanthropes ; non ! non ! c’est insuffisant dans l’immense cloaque de misères où se débattent des milliers de victimes. Mais, avec des munitions prises à l’ennemi, on pouvait lui porter de terribles coups. La propagande orale, écrite et d’action pouvait être vivifiée. On pouvait faciliter les moyens employés pour semer des vérités, éduquer les attardés, coopérer à des expériences de culture humaine dans des milieux créés pour cela et même mettre en main des Brutus et des Aristogiton l’arme nécessaire pour frapper les tyrans.
Je viens de t’exposer, en substance, ce que j’ai dit dans ma causerie sur « les bandits ». Mais je ne suis pas descendu au terre à terre des appréciations mesquines exprimées par des épithètes triviales, comme le raconte ton correspondant peu loti de véracité.
[/Pierre