À cette question troublante sur l’origine des êtres vivants, qu’est ce que la Science nous permet de répondre… avec certitude ? Il n’est pas inutile d’ajouter ces deux mots, car une réponse incertaine est plus dangereuse encore que l’ignorance ; aussi nos lecteurs m’excuseront, s’ils ne retrouvent pas ici le cortège d’affirmations théoriques et les ingénieuses architectures d’hypothèses, dont la logique séduit l’esprit ; logique parfaite, trop parfaite, qui explique tout maie ne fait rien comprendre, puisqu’elle part toujours d’un postulat par définition invérifiable.
D’où vient la Vie… On peut se demander même, si cette question a un sens, si la Vie n’a pas existé de tout temps comme la Matière ou l’Énergie… Ce n’est pas sur ce terrain métaphysique que nous voulons entraîner nos lecteurs. Il est question seulement de l’origine de la Vie à laquelle nous appartenons, à la surface de la Terre sur laquelle nous vivons. L’Astronomie nous apprend que cette surface était, jadis, portée à haute température par le rayonnement propre de notre planète, et les êtres vivants caractérisés comme nous ne peuvent vivre à des températures dépassant notablement les moyennes de nos climats actuels ; les bactéries les plus résistantes meurent bien avant 200°. Il est donc nécessaire d’admettre que la vie a eu sur notre planète un commencement. Nous ne rappellerons que pour mémoire l’hypothèse, non moins poétique qu’invraisemblable des Pyrozoaires, ou animaux de feu, sortes de petites flammes mieux individualisées qui auraient donné, plus tard, quand la température baissa, les premiers êtres vivants.
Pour étudier objectivement l’origine de la vie, deux méthodes principales sont à notre disposition. Nous pourrons essayer de découvrir dans les roches les plus anciennes les vestiges des premiers êtres ; malheureusement cette méthode, comme nous allons voir, bute sur un obstacle infranchissable qui semble tenir à la nature des choses et non seulement à la faiblesse de nos moyens d’investigation.
Nous serons alors réduits à étudier ceux des organismes actuels, qui présentent l’organisation la plus élémentaire ; il est assez licite de supposer que les premières formes vivantes eurent une structure analogue ; nous chercherons à analyser les processus intimes de la vie de ces êtres et nous pourrons en induire quelques hypothèses sur ce qui s’est passé un jour… dans les temps dont nous ne pouvons avoir connaissance.
Je ne vous parlerai aujourd’hui que de la première méthode, la seule directe et purement objective, qui est ce qu’on appelle la Paléontologie.
C’est grâce à elle que noue avons pu reconstruire en gros, malgré les lacunes innombrables, la généalogie de notre race. Mammifères, Reptiles, Batraciens, Poissons, forment comme autant d’épanouissements successifs jalonnant la lignée des Vertébrés, dont nous sommes actuellement l’une des directions terminales.
Nous remontons ainsi à l’aurore des temps primaires, presque jusqu’aux plus anciennes couches fossilifères connues.
Mais si l’on veut chercher le point de départ de cette grande famille naturelle d’êtres, de ce Phylum, comme on dit ; lorsqu’on veut chercher si sont fondées les hypothèses que nous suggère l’anatomie comparée en étudiant certains animaux actuels (un tout petit nombre d’êtres étranges qui sont rebelles à toute classification et dont certains caractères rappellent ceux des vertébrés les plus primitifs), on se heurte à une impossibilité.
Les terrains formés des sédiments de l’ère dite primitive, ont été profondément bouleversés avant le dépôt des couches auxquelles on a convenu de faire débuter les temps primaires.
Convention illogique d’apparence, qui vient seulement de ce qu’à l’époque où fut adoptée la terminologie en usage, on considérait à tort ces terrains plus anciens comme des formations éruptives, sorte de première croûte solide formée sur notre globe.
Ces terrains, vases et sables des mers primitives où avaient vécu les premiers êtres, furent enfouis dans la profondeur, soumis à la température élevée des régions internes, à l’action chimique de l’eau et des sels sous des pressions formidables. Dans ces conditions, qui sont réalisées d’ailleurs encore aujourd’hui à quelques dizaines de kilomètres sous nos pieds, les sédiments ont changé de structure. Les argiles se sont feuilletées en schistes, sous la pression, puis sous l’influence de l’action chimique, de nouveaux minéraux ont cristallisé dans leur masse. On arrive ainsi à cette roche feuilletée et cristalline qu’on nomme le Gneiss, bien connue de ceux qui habitent les régions de massifs anciens.
Le Métamorphisme de la roche se poursuivant, on aboutit à une nouvelle roche homogène et entièrement cristalline où plus rien ne subsiste de la structure primitive, alors que la composition chimique totale a peu changé : le Granit. Ce granit sera seulement plus ou moins teinté de minéraux verts, si le sédiment originel était riche en calcaire.
Les Sables pendant ce temps se transformaient en grès, puis en quartzites, que leur structure microscopique permet souvent seule de distinguer d’un morceau de quartz homogène.
Et dans cette cristallisation progressive des terrains, les empreintes fragiles des premiers êtres ont cessé d’exister ; d’autant plus vite, que ces êtres étaient plus délicats et de plus petite taille.
Ceci n’est pas une série d’hypothèses, ce sont des faits rigoureusement établis ; de même les fossiles secondaires et tertiaires ont disparu de roches métamorphiques que nous rencontrons dans notre chaîne des Alpes, par exemple, de même sans doute, les couches qui contiendront nos débris et ceux de notre industrie, subiront cette action un jour, et ainsi de suite, en une succession sans fin de cycles géologiques, jusqu’à ce que le froid de l’espace ait glacé définitivement la Terre,
Dans ces roches très vénérables, recristallisées plusieurs fois peut-être, qui forment les plus anciens terraine connus (Amérique du Nord, Sibérie, Finlande), on retrouve encore parfois des nodules charbonneux, que l’on interprète comme des restes de végétaux, ils prouvent seulement que la vie existait déjà depuis des temps dont il nous est impossible d’évaluer la durée, lorsque furent déposées les premières couchée où nous ayons retrouvé jusqu’ici des fossiles déterminables. Peut-être une durée égale sinon supérieure à celle qui sépare elle-même ces terrains de nous.
Le fait est d’autant plus à regretter que dans les couches canadiennes, à la base du système Cambrien (premier échelon de la série Primaire), on trouve déjà des représentants de la plupart de nos grands embranchements actuels. On y voit des Mollusques de divers ordres, des Échinodermes primitifs, des Crustacés, des pistes de vers et divers autres vestiges de signification obscure…
Nous en sommes donc réduits à des hypothèses et aux méthodes d’analogie si nous voulons essayer de relier entre eux les divers Phylums ayant persisté jusqu’à nos jours, à plus forte raison, si nous prétendons remonter à l’origine (ou aux origines, si comme certains biologistes, on préfère admettre qu’il y en eut plusieurs des organismes actuels).
La science par l’observation directe ne peut donc rien nous apprendre sur l’origine première des êtres…
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Je dois m’excuser d’avoir avancé, que notre éminent ministre était à son aise dans l’explication des textes grecs, aux derniers renseignements je me suis laissé dire qu’il n’y entendait guère plus qu’aux mathématiques, auxquelles il garde (pour cause, paraît-il), une dent tenace.