La Presse Anarchiste

À nos Collaborateurs et Amis

Un « jour­nal » qui n’est ni une affaires mon­tée ni une entre­prise de publi­ci­té, qui n’a ni un finan­cier pour appui, ni un par­ti poli­tique pour pilote, qui ne se charge pas de liqui­der une mar­chan­dise, ni de fabri­quer des valeurs d’o­pi­nion, qui ne recherche pas une clien­tèle par­mi la foule, ce qui exclut le bluff et la flat­te­rie déma­go­gique ; un « jour­nal » qui s’a­dresse à l’homme, pour l’a­me­ner à voir clair dans la socié­té et dans lui-même, pour sti­mu­ler son libre exa­men, éveiller sa conscience, exal­ter ce qu’il y a en lui de noble ; un « jour­nal » qui sert un idéal encore loin­tain et impré­cis peut-être et qui n’en est que plus beau, qui ras­semble des maté­riaux pour des recons­truc­tions à venir tout en s’at­ta­chant à détruire ce qui dans le pré­sent doit être détruit, extir­pé, jeté racine en l’air (parce que pour­ri et pour­ris­seur), et qui, dédai­gneux des vains bavar­dages et des byzan­tines dis­cus­sions, fait entendre dans la mêlée humaine la voix de la rai­son, mais aus­si par­fois le rude accent de la révolte : telle est, telle sera encore davan­tage demain qu’au­jourd’­hui « la Conquête du pain ».

Mais il faut que nous disions, que si, en tant que groupe ini­tia­teur, nous avons ce désir opti­miste de faire de « la Conquête du pain » le meilleur ins­tru­ment qui soit de la pro­pa­gande anar­chiste, et un ins­tru­ment qui se per­fec­tionne sans cesse, cela ne peut dépendre exclu­si­ve­ment de nous. Nous n’a­vons pas cette pré­somp­tion de suf­fire à l’é­norme tra­vail qu’en­traîne la confec­tion d’un heb­do­ma­daire comme celui-ci, dus­sions-nous y consa­crer plus que nos loi­sirs. Nous serions vite épuisés.

Il est donc indis­pen­sable, et c’est à cette condi­tion seule­ment qu’en esprit comme en fait, « la Conquête du pain » devien­dra ce qu’elle doit être, ce que nous comp­tons qu’elle sera, que des efforts divers de col­la­bo­ra­tion, soit écrite, soit maté­rielle, vienne se conju­guer à nos propres efforts.

Ain­si, sur le carac­tère spé­ci­fique du jour­nal vien­dra se gref­fer un autre carac­tère : celui d’une œuvre commune.

Et si cette œuvre se bâtit, la démons­tra­tion sera faite que les anar­chistes peuvent, quand ils le veulent, dis­ci­pli­ner et coor­don­ner leurs efforts pour une tâche effi­cace et durable.

Alors notre besogne sera allé­gée dans toute la mesure où les col­la­bo­ra­tions seront plus actives ; le jour­nal sera plus com­plet, plus vivant ; il aura plus de chances de se dif­fu­ser, de rem­plir sa mis­sion édu­ca­tive, de répondre au but de pro­pa­gande qui lui est assigné.

Le rêve serait pour nous que les écrits de source diverse s’in­sèrent à leur place dans les colonnes et consti­tuent un ensemble har­mo­nieux, un bloc homo­gène ; mais ceci n’est pas réa­li­sable d’emblée. Et nous savons tous com­bien le fait de lais­ser les textes prendre place pêle-mêle dans un jour­nal nuit à sa qua­li­té et à sa tenue et va à l’en­contre de l’objectif.

Nous serons donc ame­nés, mal gré que nous en ayons, à tailla­der, à retou­cher, à éla­guer des copies pour en appro­prier le conte­nu au cadre du jour­nal et pour le rendre uti­li­sable. Nous nous en excu­sons à l’a­vance en sou­hai­tant que cela se pro­duise le moins sou­vent pos­sible, car ce genre de tra­vail n’est pas un plai­sir et il peut nous prendre un temps précieux.

Aus­si recom­man­de­rons-nous à nos col­la­bo­ra­teurs de sur­veiller par­ti­cu­liè­re­ment leur plume, de dire ce qu’ils veulent dire de la façon la plus concise ; de tenir compte qu’ils n’é­crivent pas pour eux-mêmes, mais pour des lec­teurs qu’il faut trai­ter en amis et avec res­pect ; de tenir compte éga­le­ment que la tech­nique du jour­nal auquel ils apportent leur col­la­bo­ra­tion peut être influen­cée fâcheu­se­ment par le lais­ser-aller d’une copie illi­sible ou mal pré­sen­tée sur des feuillets écrits sur deux côtés ; bref, de se péné­trer de l’es­prit du tra­vail en col­lec­ti­vi­té qui exige que la tâche de l’un ne retombe pas sur l’autre. C’est une ques­tion de dis­ci­pline individuelle.

Quant à nous, qui assu­mons la tâche ingrate de faire, ce qu’en terme de métier on appelle la « cui­sine du canard », nous croyons pou­voir comp­ter sur l’es­prit de cama­ra­de­rie de tous et nous consi­dé­rer comme à l’a­bri de ces crises d’a­mour-propre frois­sé, de ces mes­quines cri­tiques et de ces ineptes débla­té­ra­tions qui nous lais­se­raient d’ailleurs tout à fait insen­sibles du moment que nous aurions conscience de faire bien. Mais par contre nous prê­te­rons l’o­reille la plus atten­tive aux sug­ges­tions, aux conseils, aux cri­tiques même, dès lors qu’ils seront l’in­dice sin­cère de bonnes volon­tés ten­dues vers le mieux.

[/​Le Comi­té de Rédaction./]

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