La Presse Anarchiste

Dans la presse

Savourons ces lignes de Léon Blum, rel­a­tives au dis­cours d’Her­riot, à Lyon :
Pen­dant com­bi­en d’an­nées les social­istes se sont-ils désistés pour les rad­i­caux dans toute la France entière, sans nul espoir d’a­van­tage per­son­nel, avec la seule volon­té de bar­rer la route à la réac­tion ? Nous avons fait le lit de toutes les majorités rad­i­cales. En 1924, en autorisant les listes com­munes de car­tel, nous avons sauvé du désas­tre le par­ti rad­i­cal com­pro­mis devant le pays par sa longue col­lab­o­ra­tion avec le Bloc Nation­al, avec sa fis­cal­ité, avec sa poli­tique extérieure. Nous avons fait vivre avec une abné­ga­tion sans mesure le cab­i­net Her­riot que des rad­i­caux ont ren­ver­sé. Aujour­d’hui encore, com­bi­en de rad­i­caux ne sont passés au sec­ond tour qu’avec le don ou le cadeau des voix social­istes ? Que le par­ti rad­i­cal cherche aujour­d’hui d’autres appoints, c’est son droit, je le répète. Mais qu’il ne jette pas cette sorte d’hu­mil­i­a­tion rétro­spec­tive sur un passé dont il a prof­ité plus que nous. Tout, mais pas ça !

Nous avons de la peine à croire que Léon Blum soit un naïf. Quand de son pro­pre aveu, le par­ti social­iste « fai­sait le lit de toutes les majorités rad­i­cales », dont le rôle bien con­nu n’est plus a définir, ne savait-il pas qu’il fai­sait égale­ment le lit de la pire des réactions ?

Que l’on dise plus net­te­ment que le S.F.I.O., comme tout par­ti poli­tique, est soumis aux règles du jeu par­lemen­taire, et, comme tel enclin aux com­pro­mis­sions, élec­torales et autres. Mais le salari­at, qui attend des solu­tions immé­di­ates n’ap­pré­cie guère l’emploi « de la tac­tique élec­torale » que les social­istes jugeaient, comme l’écrit Blum « con­forme à l’in­térêt de la République ». Avant l’in­térêt de la République, il y a celui du pro­lé­tari­at. Les social­istes le com­pren­nent-ils mieux depuis le 6 févri­er et depuis les mas­sacres de Vienne ?

Paul Fau­re écrit égale­ment dans Le Pop­u­laire :

La seule con­clu­sion à tir­er, c’est que le rad­i­cal­isme aurait été une sin­istre imposture.

À vrai dire, nous étions quelques-uns à nous en douter.

Il aura fal­lu du temps pour le recon­naître, publique­ment du moins. Car le « poli­tique d’abord » fait taire et faire bien des choses…

Gas­tounet vient de pronon­cer un nou­veau dis­cours. Encore ? Eh oui ! le vieux per­siste, et notre Géronte nation­al rabâche et radote inter­minable­ment. De cette péro­rai­son con­tenue en seize feuil­lets dacty­lo­graphiés (notre Tourne­feuil­lard pou­vait-il faire moins ?) Que se dégage-t-il ? Ses amis et sou­tiens fidèles vont nous l’apprendre :

Nous lisons dans Le Jour :

C’est dans ces con­di­tions que M. Doumer­gue, qui voit cer­taine­ment ces choses aus­si bien que nous, a dû se trou­ver amené à souhaiter une réforme de l’É­tat par la révi­sion par­tielle des lois et de la Con­sti­tu­tion. Mais il sem­ble que déjà sa con­vic­tion soit moins établie.

Sans doute, il a tenu à pré­cis­er que, s’il réclame des pou­voirs plus éten­dus, c’est au prof­it, non pas seule­ment du prési­dent du Con­seil, mais du gou­verne­ment tout entier qui dirige les affaires. Il a voulu ain­si apais­er les scrupules de ceux des rad­i­caux-social­istes qui accu­saient M. Doumer­gue de rêver d’on ne sait quel pou­voir per­son­nel, ce dont il est bien éloigné.

M. Doumer­gue a résol­u­ment fon­cé con­tre le Front Com­mun, social­istes et com­mu­nistes étant con­fon­dus dans la même condamnation.

Cette attaque, enten­due en province et dans les cam­pagnes, sera de nature, espérons-le, à faire réfléchir les électeurs à la veille du scrutin can­ton­al. C’est là le prin­ci­pal mérite de la harangue prési­den­tielle dont nous con­naîtrons la réper­cus­sion au scrutin de dimanche prochain.

Le Jour, con­traire­ment à ce que son nom indique, ne désire pas toute la lumière. Aus­si éclaire-t-il faible­ment sa lanterne. Le dis­cours de Doumer­gue l’a vis­i­ble­ment déçu. Il le sera sans doute davan­tage quand s’af­firmera «  la réper­cus­sion du prin­ci­pal mérite » de ce ver­biage cacochyme… Et puis ces messieurs s’aperçoivent que le « sauveur du pays »» ne peut pas jouer les Mussolini…

L’Œu­vre paraît appréci­er sévère­ment les mérites prin­ci­paux de Tournesuez :

Nous avions donc espéré que M. Doumer­gue — qui pou­vait ren­dre à son pays un ser­vice ana­logue à celui que lui a ren­du en 1926 M. Poin­caré en dis­ant crû­ment des choses dif­fi­ciles — allait pren­dre le mon­stre à la gorge. Il allait nous dire pourquoi et com­ment la viande et la légume, par­iées à vil prix au paysan, gar­daient, même chez les détail­lants de province, des prix de détail pro­hibitifs. Il allait nous dire ce qu’il comp­tait faire pour qu’à la défla­tion budgé­taire, dont il se vante d’être l’ar­ti­san, cor­re­spondît une défla­tion économique.

Mais ça, ce sera pour la prochaine fois. Rien ne presse. Il y a plus de trente ans que M. Doumer­gue pra­tique l’art de par­ler et de ne rien dire. Et il faut recon­naître que cela ne lui a pas si mal réussi.

Seule­ment, nous ne sommes plus en 1911.

Non seule­ment nous ne sommes plus en 1911, mais les class­es « pos­sédées » pren­nent de leur force une con­science qui vous effraie, messieurs les trêvistes nationaux. Aus­si ne reprochez pas main­tenant à Doumer­gue de ne rien faire. Les seules mesures effi­caces pour remédi­er au désor­dre actuel, vous-mêmes n’avez-vous pas voulu les pren­dre. Et peut-être que si vous lais­sez tomber Doumer­gue après l’avoir soutenu, c’est que vous avez lieu de crain­dre d’être bal­ayés avec lui.

Le Jour­nal :

La dureté du temps qui éprou­ve dans tous les pays à peu près toutes les caté­gories de citoyens facilite l’au­di­ence des con­seils per­ni­cieux et la besogne est, en vérité, com­mode, qui con­siste à rechercher les réac­tions de vio­lence dans l’ex­as­péra­tion de la misère.

Ces réac­tions de vio­lence, les pos­sé­dants les recherchent bien eux-mêmes. Car si ce n’est pas exas­pér­er la mis­ère que de célébr­er des Fêtes du Ven­tre, alors que tant de tra­vailleurs sont réduits à la por­tion con­grue et que tant de chômeurs font la queue aux soupes pop­u­laires, qu’est-ce qu’il vous faut !

Un plumi­tif n’a pas craint d’écrire que « les fêtes du ven­tre ont été celles de l’op­ti­misme » , et « qu’elles prou­vent qu’il fait, plus que jamais, bon vivre en France ! »,. Il ajoute :
« C’est pourquoi, sans recom­man­der à tous les électeurs qui voteront dimanche prochain de ne se ren­dre aux urnes qu’après avoir sat­is­fait aux con­di­tions du con­cours du plus gros mangeur, ne saurait-on trop leur con­seiller d’y aller de préférence après un bon repas. »

On ne saurait mieux dire que les défenseurs de l’or­dre établi sont ceux qui ont le ven­tre plein.


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