Donc la crise continue… Nous la vivons en France telle que l’ont vécue et la vivent encore d’autres peuples, victimes, ainsi que nous, du même fléau : la guerre !
C’est une crise sociale universelle ; de façon directe ou indirecte, selon son-genre d’organisation commerciale et industrielle, tout pays en est atteint.
Nous subissons les conséquences reculées de cette maudite guerre mondiale où vainqueurs et vaincus sont également victimes. C’est justice, car, consciemment ou inconsciemment, nous sommes tous coupables d’avoir accompli ou laissé s’accomplir ce crime des crimes.
Ne nous plaignons donc pas de la « Grande Pénitence ». Nous avons, en un certain sens, mérité le Châtiment.
Si tout ce qu’il était possible de faire pour empêcher la guerre avait été fait, selon les résolutions renouvelées de nos congrès ouvriers et selon les ordres du jour enthousiastes de nos manifestations populaires contre la guerre, celle-ci aurait-elle pu s’accomplir aussi facilement qu’on le vit au moment de la mobilisation générale en France et en Allemagne ? Et, par la suite, la guerre eût-elle pu se prolonger pendant quatre années et s’achever au gré des gouvernants, c’est-à-dire au caprice des odieux serviteurs des marchands de canons ? Mais passons…
Si, dit-on, « rien n’arrive jamais sans cause », il faut convenir qu’on attribue des causes bien diverses à la crise. Et si l’on connaît à ce « mal » qu’est « la crise » plusieurs causes, on veut lui appliquer des remèdes également nombreux et différents. Quel est le bon ?
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Déjà des insensés ou des criminels, les uns menant les autres, prétendent qu’il est indispensable de recourir à l’homéopathie : si la cause du mal fut la guerre, le remède est unique : c’est, alors, totalement, la guerre.
Qui donc peut émettre une telle horreur ? Eh ! vous les connaissez bien. D’ailleurs, ils ne se cachent pas. Ils réalisent la prophétie bien justifiée qui s’accomplit depuis 1914 : « Une guerre est toujours suivie d’un recul formidable des idées sociales et du progrès humain ; un siècle pour le pays vainqueur, un demi siècle pour le pays vaincu… à moins qu’elle n’engendre une révolution. »
Or, on le constate, la réaction s’affirme, elle avance d’autant que reculent les éléments ou facteurs de révolution : audacieusement, provocante et cynique, l’Eglise met en mouvement ses cohortes de jeunes gens capables de tout – et les mène au combat contre tout ce qui est idée de justice sociale ou esprit critique et révolutionnaire. Sous la protection flagrante des forces policières, impassibles et tolérantes, cette armée juvénile défile en chantant des cantiques patriotiques ou religieux et s’allie à d’autres groupes de même esprit : hommes d’ordre et d’autorité de la monarchie, du patriotisme, anciens combattants, plus ou moins authentiques accompagnés de vieux qui virent 1870 et d’autres pas aussi vieux mais trop encore pour avoir combattu de 1914 à 1918 et aussi de trop jeunes devenus presque des hommes depuis 1918. Telles furent les cohortes qui le 6 février s’en donnèrent à cœur joie, visant la Chambre des Députés sous le prétexte d’approprier le régime, de proclamer la Justice et de rendre notre France forte comme au temps des rois et redoutée comme aux jours de Napoléon. Ainsi devait s’instituer, pensaient-ils, un régime nouveau supérieur à ceux des Mussolini ou Hitler !
De tout cela est résulté : Doumergue, et les deux larrons : Herriot, Tardieu.
C’est à recommencer.
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Mais que nous réserve demain ? La guerre ou la révolution ? Il faut agir pour que la révolution empêche la guerre ou sinon pour que la guerre engendre la révolution. Il faut vouloir que cette révolution soit vraiment la « révolution sociale ».
C’est la confiance en nous-mêmes, travailleurs, qui doit nous assurer le succès de ces réalisations :
- Grève générale, acte primordial de la révolution sociale ;
- Prise de possession organisée par les producteurs de tous les moyens de production, selon leur profession, leur catégorie et occupation, au besoin par la force, de tout ce qui est au pouvoir de l’État ;
- Administration technique de la production et répartition selon les besoins de tout ce qu’il faut à chacun : logement, vêtements, nourriture ;
- Organisation du travail pour tous et adaptation scientifique du machinisme aux besoins quotidiens et généraux.
Nous n’avons pas à redouter l’avenir si nous avons vraiment la foi en la révolution sociale qui peut seule réaliser notre idéal d’entente libertaire, d’égalité, de solidarité entre tous les hommes !
Militants de raison saine, de convictions solides, soyez avec nous ! Nous n’avons pas de masques, nous ! La vérité, nous avons su et nous saurons toujours la dire sans fard ; nos convictions, nous les proclamons hautement, sans réticences ni détours.
Révolutionnaires et libertaires, nous n’en sommes pas moins syndicalistes fervents, adversaires résolus de tout ce qui peut détourner le prolétaire du but qu’il doit poursuivre inlassablement : sa libération.
La devise des libertaires n’est-elle pas l’affranchissement complet de l’individu par lui-même ?
Et celle des syndicalistes : l’émancipation des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes.
Elles se confondent très heureusement.
[/Georges