Ce qui m’empoigne dans les canards quotidiens, c’est pas la première page, toujours bassinante avec les tartines des rédacteurs rupins ; encore moins la seconde, remplie de nouvelles politiques, des bafouillages des Chambres, etc.
Celle que je gobe c’est la troisième, bourrée des notes de la Préfectance, collées sans y rien changer la plupart du temps.
Les faits divers, les tribunaux, c’est la vie du populo, nom de dieu !
Là on assiste aux dèches des pauvres bougres ; on voit passer sous le frio, la lance ou la neige les refileurs de comètes.
Y a aussi les désespoirs d’amour, et un tas de machines qui vous remue le cœur d’autre façon que les gnoleries politiques.
Et, nom de nom, ces histoires-là ça peut un jour où l’autre nous arriver – à vous comme à mi hélas !
Aussi, bon sang, je rabâche à perpet que ces fourbis devraient se prélasser en belle première avec des réflexions à la clé…
Car enfin, nom de dieu, si, comme on le dit, les canards sont mis au monde pour instruire le populo – ils doivent dauber sur ses vrais intérêts, et nous faire tâter du doigt les maux de notre cochonne de société.
Ah, ouiche, va-t-en voir si les poules pissent !
Les canards appartiennent quasiment tous à des capitalistes. Ces beaux Messieurs, de même que les journalistes, se fichent d’instruire le populo.
Ils veulent que le journal les fasse rigoler, leur raconte les potins du jour.
Quant aux mistoufles des pauvres bougres, faut pas en parler ; ça assombrirait et troublerait leur digestion
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Si c’est pas dégoûtant de voir, comme il y a une huitaine, les quotidiens constater en deux lignes qu’un ouvrier venait de mourir de faim près des Halles.
Et pas un mot de pitié, pas une ligne de plainte, nom de dieu !
Comment au centre de Paris, à côté de cette sacrée carcasse de fer, où il y a des cargaisons de boustifaille, un homme claque !
Un siècle après cette prise de la Bastille dont on nous serine les oreilles, un déchard crève, le ventre vide, à côté de la cathédrale de la mangeaille.
Et c’était pas un flémard que ce pauvre bougre !
Il avait (le couillon) massé toute son existence pour engraisser son singe.
Le feignasse tient le pognon et godaille avec – le prolo est mort !
Et au même moment où les canards n’ouvraient pas le bec sur l’histoire que je viens de narrer, ils ne désemplissaient pas sur la crevaison d’un nommé Rodolphe, fils d’empereur.
Ce qu’ils en ont sali du papier, les cochons Et tout ça pour prouver les uns qu’il s’est suicidé, les autres qu’ou l’a escoffié.
Y avait pas nécessité de faire tant de grabuge autour d’un mufle impérial.
Il est mort et que ce soit fini : c’est toujours un de moins !
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Avoir pour michets des types calés, tels que députés ou banquiers, c’est bath !
Mais quand l’adorée a cessé de plaire, c’est plus si drôle ; la pauvre Sombreuil en sait quelque chose.
Si ses amants n’ont pas été jusqu’à pratiquer le « on rend la galette » de la maison qui n’est pas au coin du quai, c’est tout juste, bon sang !
Elle en a vu de dures avec son ami Vergoin, le député boulangiste : le galleux mufle la fit expulser carrément.
Naturellement elle rappliqua en France et eut encore la déveine de tomber sur un salopiaud quelconque de même calibre, un Joubert, banquier de son état.
(Parait même que ce Monsieur a rudement casqué pour l’élection de Jacques, il aurait collé dans les pattes de Floquet un beau million — à condition de rapatrier Monsieur Aumale – mais c’est pas la question.)
Quand il a eu d’elle plein le dos il a fait comme Vergoin — et dame, Floquet pouvait pas lui refuser un petit service.
Conséquemment la belle Sombreuil a été refoutue au bloc.
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C’était rigolboche tout plein le jour on l’a amenée devant le comptoir de la correctionnelle.
Les bonshommes l’appelaient fille. Mal leur en a pris, ce qu’elle te leur a cloué le bec, nom de dieu !
Et vrai de vrai, je me demande ce qu’ils sont eux, avec leurs jupes — qui cachent bougrement de pourritures, foi de Père Peinard !
Puis, ce qu’elle a été carrée, se rebiffant à tout coup ; elle leur a lavé la tète, aux enjuponnés ; et ne s’est pas laissée écrabouiller par eux ses petits pétons.
Ils en étaient verts, les bonshommes tellement qu’ils l’ont expulsée de leur salle — probable en attendant l’autre expulsion.
Ils ont ensuite retrouvé leur sérénité et ont collé à la jolie lionne un mois de prison.
Et bien, je la gobe, cette gonzesse, elle a du poil, crédieu !
Et vous savez, je ne cracherais pas dessus ; je me dévourrais… jusqu’à la consoler.
M’est avis qu’elle me botterait chouettement !
Le foutant c’est qu’elle ne doit pas être forte pour le vin du broc.