La Presse Anarchiste

Le Père Peinard et la pétaudière communale

Y a une légende, celle de la Grande Com­mune de 93 ; et c’est sur cette légende qu’ont vécu les Conseils muni­ci­paux, depuis bou­gre­ment d’années.

M’est avis que la Com­mune de 93 a pas mieux valu que les autres : au fait, ce n’est qu’une sup­po­si­tion, car on peut pas savoir ; c’est de l’histoire.

Et l’histoire c’est une sacrée bou­teille à l’encre, d’où on fait sor­tir ce qu’on veut.

Mais n’importe ! Ce qu’il y a de cer­tain, c’est que depuis on n’a vu que des Jean-foutres à l’Hôtel de Ville.

De temps à autre pour­tant, ils se mon­traient un peu car­rés – et beau­coup cou­paient dans le panneau.

Moi le pre­mier, nom de dieu ! Com­bien de fois je m’ai dit : « Si tous les types de l’Aquarium étaient des zigues, comme ceux de l’Hôtel de Ville – mille bombes, ça irait bien ! »

Poche­tée que j’étais, ils ne valent pas mieux que les autres, ces bougres-là.

Ce qu’ils en font, c’est pour la frime ; faut bien tenir en haleine leur popu­la­ri­té – car c’est l’antichambre de l’Aquarium : Pour pas­ser rapi­de­ment bouffe-galette, y a rien de tel, comme de faire un peu de sur­nu­mé­ra­riat au Conseil municipal !

La pro­ces­sion du 24 leur a été une occase pour foutre com­plè­te­ment au ran­card, la vieille légende sur laquelle ils vivotaient.

La Grande Com­mune, oh là là ! Qu’on me pousse plus cette sorte, ça ne pren­drait pas.

Ven­dre­di der­nier ses héri­tiers ont fait voir, les salauds, qu’ils étaient de même calibre que le gros gou­ver­ne­ment. Ils ont presque qua­si­ment dit que le popu­lo n’avait rien à attendre d’eux, hor­mis les coups de flingot !

Faut voir la prose qu’ils ont adres­sée à Bou­lé : le bureau a écrit et tout le Conseil a approu­vé. C’est leur tar­tine qu’à ser­vi de modèle à Constans pour les cir­cu­laires qu’il a lancées.

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D’abord ils pro­clament avec aplomb qu’ils se sont occu­pés du popu­lo, bien avant que le popu­lo s’occupe de ses intérêts.

Et dire que ce méchant popu­lo n’en veut rien savoir ! Vrai c’est pignouf de sa part.

Et ils ajoutent « qu’ils ont fait autant qu’il était en leur pou­voir, pour amé­lio­rer le sort de la classe ouvrière. »

Ils ont pas fait lourd, nom de dieu ! Et si comme ils disent, ils ont fait tout ce qu’ils ont pu, ça prouve qu’il vau­drait mieux nous pas­ser d’eux.

— Puis ils rabâchent qu’ils ont pris des déli­bé­ra­tions fixant la jour­née de tra­vail à 9 heures.

Qu’est-ce que ça fout qu’ils aient déli­bé­ré ! Pas mois qu’il nous faut abattre autant d’heures que veulent les patrons : même dans les chan­tiers de la Ville.

— Ils ont deman­dé l’application de la loi contre le marchandage.

Elle date de 48, cette bou­gresse de loi, elle n’a jamais été mise en vigueur. Ça fait voir à quoi elles servent les lois.

Si elles sont favo­rables aux patrons, ah nom de dieu ! l’exécution en fait pas long feu. – Si elles sont contre eux, c’est comme si elles n’existaient pas.

— Ils ont sti­pu­lé que les prix de la série pour les salaires, seraient appli­qués dans les tra­vaux de la Ville de Paris.

Ah, ouiche ! que les entre­pre­neurs les écoutent ; ils se foutent bien de ce que disent ou font ces bafouilleurs, ils paient le prix qu’ils veulent et tout est dit.

— Puis après ils parlent des grands sacri­fices en faveur des vieillards et des orphe­lins ou abandonnés.

On la connaît celle-là !

Les enfants ; ils les donnent aux frères de Citeaux ou à la Ninous de Porquerolles.

Quand aux vieillards ils ont le temps de cla­quer bou­gre­ment de faim et de froid s’ils n’ont que les asiles de la Ville.

Et de fait il en meurt tous les jours des pauvres mal­heu­reux, nom d’un tonnerre !

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C’est du bat­tage que tout ça ! Ces sacrés fumistes de Conseillers muni­ci­paux le savent bie, mais ils s’en foutent : rien de ce qu’ils ont voté n’est appli­qué, qu’est-ce que ça peut faire ? Ils visent à l’effet, simplement !

Ils savent qu’ils ne sont que la trente-sixième roue d’un car­rosse ; y a l’administration der­rière eux ; ils sont bons pour voter le bud­get, et rien que pour ça !

Ils savent qu’on ne tient pas compte des déci­sions qu’ils prennent ; mais à ce four­bi-là ils gagnent de la bonne galette, dégotent de-ci de-là quelques maigres pots de vin – et en atten­dant s’en contentent.

Puis ils tra­vaillent leur popu­la­ri­té afin de décro­cher au plus vite une tim­bale de bouffe galette.

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S’ils vou­laient vrai­ment essayer quelque chose, ils s’attaqueraient à cette sacrée admi­nis­tra­tion qui entrave tout. Ils s’en gardent bien !

Ils pré­fèrent lais­ser les choses en l’état, y a davan­tage à gratter.

Autre­fois, avant les élec­tions ils ont pu être révo­lu­tion­naires ; mais une fois élus leur ardeur tombe vite ; ils s’amollissent que c’est un beurre !

Comme tous les types qui vivent en ver­mine : c’est-à-dire de l’argent du popu­lo, ils arrivent à consi­dé­rer le peuple comme l’ennemi, duquel on doit se garder.

C’est un grand enfant qu’il faut muse­ler, autre­ment il ferait de grosses bourdes.

Et pour la pro­ces­sion du 24 ils l’ont trai­té sur ce pied, disant que toute nou­velle démarche serait super­flue.

En effet, à quoi ser­vi­rait-elle ? Puisqu’ils se sont fou­tus dans la caboche de se tor­cher le cul des récla­ma­tions qu’on leur passe.

C’est bien de la peine per­due ! N’ont-ils pas soin de nous aver­tir d’avance qu’ils se fou­tront au panier les cahiers de réformes qu’on leur apportera ?

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Ces Jean-foutres, comme tous les autres, c’est pas bonas­se­ment avec des péti­tions au bout des doigts qu’il faut aller les trouver !

Nom de dieu, non ! Y a qu’un moyen, celui qui réus­sis­sait si bien aux sans-culottes de 93 : c’était au bout de belles piques qu’ils pré­sen­taient leurs pétitions.

Et, parait, mille bombes, que les Jean-foutres d’alors les rece­vaient poliment.

Y a pas aller contre, nom de dieu. Tant que le popu­lo ne fout pas les pieds dans le plat, y a rien de fait.

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