Lorient. – Si chez tous les ouvriers le même désir de paix existe, si tous souhaitent également que cette guerre soit la dernière, il s’en faut de beaucoup pour que tous soient disposés à agir pour obtenir la réalisation de ce qu’ils souhaitent ; c’est du moins ce que j’ai pu constater dans ma localité.
Pour la plupart, ils s’en remettent aux diplomates et aux dirigeants du soin de bien faire les choses. D’aucuns, sans cependant connaître leurs véritables intentions, trouvent que ces derniers ne sont pas, comment dirais-je, suffisamment énergiques. À leur avis, il faudrait dépecer l’Allemagne et détruire, sinon tout, du moins une bonne partie de son peuple pour établir une paix définitive sur l’Europe. D’autres, qui sont au front ou qui craignent d’y aller, sachant les dangers qu’on y court chaque jour, ne voient qu’un moyen : ce serait de céder aux exigences de l’Allemagne dirigeante ou de toute autre puissance. Ces derniers sont de purs égoïstes, nous ne nous occuperons pas d’eux. Mais les autres, les premiers que j’ai cités, il serait possible, à mon avis, de les faire changer d’opinion, même aux plus enragés, et de les décider à intervenir dans la discussion des conditions de la paix.
Pour toutes ces choses, ils se sont jusqu’ici référés à l’opinion de leur journal, petit ou grand quotidien. Quand on saura que tous les journaux régionaux, les plus lus en ces temps de guerre, reproduisent les articles des académiciens Barrés et consorts, on se rendra compte de la mentalité qu’ils nous fabriquent.
Seulement les ouvriers liraient avec assez d’attention tous autres écrits qui leur seraient distribués ou vendus. Une fois qu’on leur aurait dessillé les yeux, il y a des chances pour qu’ils agissent conformément à leur nouvelle façon de voir. Ces écrits existent-ils ? Oui, il y a quelques journaux, mais suffisent-ils ? Je ne le pense pas et c’est pour cela que, quant à moi, j’estime que nous gagnerions à prendre en considération l’idée émise par J. Grave, de discuter partout, et sans tarder, la façon dont le peuple pourrait et devrait intervenir dans les préliminaires de la paix, afin de réserver ses droits.
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