Ayant encore des forces à dépenser au service de la propagande, n’ayant nullement l’intention de me laisser « limoger », comme tentèrent de le faire ceux qui me « débarrassèrent » si désinvoltement des soucis de remettre sur pied ce qui fut l’œuvre de trente ans de ma vie, je cherchais à quoi je pourrais employer ces forces et ma bonne volonté, lorsque, par les soins du camarade Turner, de Londres, me parvint le numéro du Labour Leader contenant le « Message de Kropotkine »
Aider à propager ce message, faire connaître le jugement de notre ami sur un régime qu’il est à même d’apprécier, c’était de la bonne besogne. Je traduisis et j’envoyais à l’impression.
Et comme ressusciter les Temps Nouveau, ou tenter de faire paraître n’importe quel hebdomadaire, serait sûrement aller à un échec, pourquoi ne pas continuer la publication de petits tracts ? Tous, nous avons fort à dire sur la situation présente. Une brochure, pour cela, est aussi bonne qu’un numéro de journal. En même temps, c’est un moyen de reprendre contact avec ceux qui pensent comme nous. Et voilà comment – comme le nègre de Mac-Mahon – j’ai continué.
Et comme je comptais bien trouver, en cours de route, quelques collaborateurs, je fondais le « Groupe de Propagande, par l’Écrit ».
Les adhésions viennent lentement, très lentement, mais elles viennent, de nouvelles à chaque brochure. L’œuvre tiendra-t-elle assez longtemps pour permettre aux adhésions de venir assez nombreuses pour vivre ? C’est l’avenir qui nous répondra.
Les premières publications nous laissent un déficit appréciable, cela était à prévoir. Cela était prévu. Étant donné que nous paraissions sans préparation, sans que personne ait voulut nous annoncer [[À l’exception cependant de Alarm de Hambourg, de Libero Accordo, de Rome et des Cahiers des Droits de l’Homme, que nous remercions bien sincèrement.]]. Ce déficit pouvait être pire.
Sans doute, nous pourrions « bluffer ». Ignorant le déchet, affirmer que cela marche, d’une façon merveilleuse. À quoi bon ? ce sont des malices cousues de fil blanc. Au cours de mes quarante ans de propagande, j’ai constaté que dire la vérité était la meilleure des politiques pour toute œuvre sincère. Je m’y tiens.
L’œuvre tiendra si nous trouvons assez de camarades pour nous aider à répandre nos brochures. Elle échouera si elle n’arrive pas à susciter ce public. C’est tout ce que nous pouvons dire.
Une chose bien certaine, par exemple, c’est que mes collaborateurs et moi sommes bien résolus à ne pas recommencer l’expérience des Temps Nouveaux, « qui ne vécurent que de mendicité », comme on me le reproche aujourd’hui.
Mendiant – pour la propagande, et pas pour moi, – oui, je l’ai été, et n’en ai nullement honte. J’ai mendié pour faire vivre le journal, mais je suis arrivé à le faire tenir, là où, avec d’autres, il aurait succombé cent fois. Et, non seulement, je suis arrivé à le faire tenir, mais il a fait de la propagande faite par nul autre. Une propagande qui marquera.
Seulement, si je me suis senti la force et le droit de le faire, c’est que quelques collaborateurs et moi représentions vraiment un mouvement d’idées, et qu’à ceux qui nous approuvaient, qui nous encourageaient, nous avions le droit de dire : « Si vous trouver que nous faisons œuvre utile, aidez-nous. »
Mais cette vie, on ne la mène qu’une, fois dans l’existence. Je l’ai menée trente ans. Je trouve que c’est suffisant
Du reste, mes collaborateurs et moi n’avons pas la prétention, aujourd’hui, de représenter tout un mouvement. Notre œuvre ne représente que nos conceptions particulières. Si.d’aucuns jugent que ce que nous publierons vaut la peine d’être répandu, qu’ils le fassent circuler. Si nous n’arrivons pas à susciter cet intérêt nous nous inclinerons, et attendrons que se dessine une situation plus favorable pour la propagande des idées. Nous ne « mendierons » pas.
Nous sommes partis avec les moyens de publier quatre à cinq de nos petites brochures. – Avec ce qui est entré, puisque quelques camarades nous ont encouragés en envoyant leur obole, et ce qui probablement rentrera, il y a des promesses, nous pouvons escompter, sans trop se leurrer, pouvoir aller jusqu’à la sixième ou septième. À une toutes les six semaines, cela représente sept à huit mois d’existence. En huit mois on peut arriver à se faire connaître. Voilà la situation.
Les trois premières brochures sont envoyées à tous ceux dont nous avons pu nous procurer les adresses. Mais l’envoi ne sera pas continué à ceux qui ne nous auront pas donné signé de vie. À quoi bon encombrer de notre littérature ceux que cela n’intéresse pas ?
Ne voulant tromper personne, nous n’avons pas établi d’abonnement, tant que nous ne verrons pas la perspective de durer, tout au moins. Que ceux que ça intéresse assez pour désirer continuer à les recevoir nous envoient le montant de celles qu’ils ont reçues.
S’il y en a d’autres qui pensent que cela vaut la peine de le faire connaître, qu’ils nous en prennent pour répandre parmi leurs connaissances. S’il en est d’autres encore qui pensent que la tentative doive être soutenue financièrement, qu’ils nous envoient leur obole. C’est le seul et unique appel qui sera fait dans nos publications. Aucun concours ne sera demandé individuellement, À ceux de bonne volonté à se faire connaître. Tout en faisant couvre individuelle, nous savons fort bien qu’elle ne peut vivre qu’avec le concours de tous ceux qui pensent comme nous.
Si les concours se présentent, il est bien entendu que nous comptons donner du développement à notre essai, soit en élargissant le format, soit en paraissant plus souvent, jusqu’à la possibilité de remettre un hebdomadaire sur pied.
En attendant, voici ce qui pourrait être fait par ceux qui nous ont montré de la bonne volonté :
- De nous faire connaître le chiffre d’exemplaires qu’ils pourraient placer avec efficacité… possible, bien entendu.
- Dans le même but, d’essayer de placer quelques exemplaires chez les libraires où ils ont l’habitude de se servir, tâcher d’obtenir qu’ils les mettent en montre. Au besoin, nous mettre en rapport avec ces libraires, de façon que, peu à peu, nous puissions avoir une liste permettant d’organiser sérieusement la vente en vue de publications plus importantes.
- Nous envoyer des adresses de gens susceptibles de s’intéresser à nos publications, de groupes, de syndicats, de bourses du travail, etc.
- De nous aider à liquider le stock de brochures des Temps Nouveaux. Il y aurait trois avantages : En circulant elles feraient de la propagande : le produit de leur vente aiderait à en faire imprimer d’autres. De plus, l’année prochaine je vais être appelé à déménager, leur transport coûtera cent ou deux cents, francs ; Autant de perdu pour la propagande [[Parlant de déménagement, je profite de notre petite publicité. Si quelque bonne âme pouvait nous indiquer, pas trop loin de Paris, de façon à ne pas rendre le voyage onéreux, pas trop près pour pouvoir trouver un loyer pas trop cher, nous lui en serions reconnaissant. – Il faudrait une petite maison de 4 à 5 pièces, avec jardin de mille mètres environ. Pays sain et bien exposé.
Quant aux brochures, devant nous absenter toute la dernière quinzaine de décembre et tout janvier, les camarades qui en désirent feront bien de les commander pondant tout le mois de novembre.]]. Tant que brochures ou lithos, il y en a bien pour 4, 5, petit-être 6 000 francs. Quel beau fonds de caisse pour préparer un hebdomadaire !
- De nous aider à la composition de nos feuilles et placards, en nous envoyant, ou signalant tous les faits intéressants, valant d’être reproduits. De nous envoyer, lorsqu’ils ne le conservent pas, les journaux locaux. Si quelque camarade pouvait joindre l’Humanité et la Bataille, nous les en remercions d’avance.
Aux camarades de l’extérieur, nous leur demandons de nous envoyer l’adresse ou un exemplaire de chacun des journaux anarchistes paraissant dans leur pays, afin de pouvoir leur faire l’envoi de nos publications. Cela nous aiderait à reconstituer la liste de nos échanges qui n’est plus à jour.
[/Pour le groupe
Jean