[/Lille, le 25 septembre 1920./]
Cher Monsieur,
Pour moi aussi, il est clair comme le jour que le titre et le passé des T. N. étaient votre propriété. Je fais des vœux sincères pour que votre organe nouveau prenne une extension rapide. Et je me permettrais de vous exposer mes desiderata. Et d’abord qu’on aborde certaines questions qui discréditent la guerre. Qu’on nous dise le nombre des victimes des conseils de guerre ! On a bien dépeint les destructions matérielles de la guerre, l’enfer des tranchées, mais on réserve tout le côté moral et psychologique du soldat. Personne n’ose décrire quelle est la mentalité actuelle de l’armée, du civil, de l’ancien combattant. Et les faits économiques de l’heure actuelle sont négligés. On me disait hier soir que dans 1a Somme les ouvriers agricoles n’étaient payés que 3 francs par jour pour un travail commençant au petit jour et finissant au crépuscule achevé. Nous sommes des avachis. On nous traite comme des gamins. Avant-hier, à la frontière belge, j’ai subi du fait des douaniers français la plus humiliante des fouilles. J’avais déclaré avoir 6 francs en’ argent belge, j’en avais 26 – ayant intentionnellement omis de faire entrer en ligne de compte les 20 francs du voyage. Le gabelou cherché à me flétrir en public et finalement c’est avec lui – le douanier – que j’ai changé pour du papier français mes trois écus de cent sous. Comment comprendre que l’intérêt du gouvernement soit de nous contraindre à faire à Bruxelles le change du billet français. Toutes les nations s’entendent comme des larrons en foire. Il est interdit. d’avoir plus de 10 francs de monnaie d’argent pour voyager. Que peut-on faire, à Bruxelles, avec 10 francs ?
[/Jules
Les tracasseries de la gent douanière ! Voilà encore un beau motif de campagne. Et le Protectionnisme ! un système de faire renchérir la vie. Nous en reparlerons. (N.D.L.R.)