Les citoyens Ranvier, Vaillant et quelques autres délégués au Congrès de la Haye, qui y ont voté avec la majorité, viennent de publier une brochure dans laquelle ils annoncent qu’ils se retirent de l’Internationale.
Ces citoyens sont des jacobins, des politiques autoritaires ; c’est dire qu’il n’y a rien de commun entre leur manière de concevoir la révolution et la nôtre. Et cependant ils portent sur Karl Marx et le Congrès de la Haye un jugement aussi sévère que celui de la minorité socialiste fédéraliste.
Ils accusent Marx de s’être servi d’eux contre la minorité, et de les avoir ensuite joués par le vote qui a transféré le Conseil général en Amérique. Ce transfert leur a ouvert les yeux sur les visées de Karl Marx, qui voulait absolument garder le Conseil général sous son influence personnelle, et qui a imaginé de le placer à New-York, sous la direction de son homme-lige, le caporal Sorge, comme l’appelait un délégué anglais au Congrès de la Haye, parce que si le Conseil général était resté à Londres, Marx courait le risque de voir les ouvriers anglais et les réfugiés français y prendre la haute main.
Et voilà ce que disent une partie de ceux qui se sont aidés à faire le coup d’État de la Haye. Dépités de s’être vu jouer, ils viennent révéler le secret de la comédie, pour employer leurs propres expressions. C’est très édifiant, en vérité.
Du moins ces jacobins sont logiques. Ils avaient rêvé de transformer l’Internationale en une association politique, instrument discipliné entre les mains de quelques chefs, futurs hommes d’État de la révolution, Ils n’y ont pas réussi, – ils se retirent : à la bonne heure.
Débarrassée des jacobins, il ne reste plus à l’Internationale d’autres ennemis intérieurs que la coterie de Marx. Mais, si nous jugeons par ce qui se passe dans toutes les fédérations, cette coterie est réduite à l’impuissance, et toutes ses manœuvres souterraines ne lui permettront pas de ressaisir une autorité que la déclaration de la minorité de la Haye a brisée pour jamais.