Après une absence de deux mois, passés en tournée de conférences, c’est un plaisir pour moi que de reprendre cette rubrique pour y entretenir nos amis de tout ce qui intéresse le mouvement anarchiste.
Qu’on me permette tout d’abord d’adresser ici un mot de remerciement à l’ami Raymond pour l’intérim qu’il voulut bien assumer et qu’il remplit à la satisfaction de tous.
En ce qui concerne la tournée de propagande accomplie sous les auspices de l’Union Anarchiste, je ne crois pas devoir m’étendre longuement. Le Libertaire en publie un compte rendu détaillé auquel nos camarades pourront se reporter.
Ils y trouveront, présentés sous leur aspect particulier, chaque localité, chaque groupe et chaque organisation ; de même que les divers états d’esprit anarchistes, conséquences de milieux dissemblables et pour ainsi dire adéquates au terroir.
D’une manière générale, ces divergences de vue n’ont pas toute la portée que l’on pourrait y attacher, elles se bornent la plupart du temps à des questions secondaires de forme d’expression.
Ce point établi, j’ai à dire toute ma joie d’avoir pu accomplir cette besogne de propagande. Mais j’ajouterai qu’elle était nécessaire, que le besoin s’en faisait sentir et je compléterai ma pensée en disant aussi que d’autres tournées doivent suivre celle-ci. Il ne faut pas que l’action anarchiste paraisse se ralentir, semble essoufflée après cet effort couronné de si tangibles résultats.
Que chaque camarade s’inspire de cette idée et fasse tout son possible pour aider à une nouvelle tournée qui sera toute aussi fertile en effets heureux, pour la propagande. Aussi devons-nous, pour mener cette tâche à bien, fortifier notre organisation.
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L’organisation est plus nécessaire que jamais ; communistes libertaires, nous la préconisons en l’entendant différemment des individualistes « purs », se réclamant des rêveries de Stirner, Nietzche en littérature, et d’Ibsen en dramaturgie ; rêveries impossibles même en théorie et impraticables dans la vie, puisqu’il n’est pas un seul homme pouvant se passer du concours des autres.
L’organisation est incompatible avec l’individualisme et l’imagination des « surhommes ».
Qui dit individualiste, dit inorganisé dans toute l’acceptation du mot.
Au contraire, l’anarchiste libertaire, tout en étant nettement individualiste de tempérament et non de doctrine, est capable de s’organiser, de s’unir en groupement libre et d’œuvrer dans le fédéralisme franchement révolutionnaire.
Qui dit union avec la masse, dit possibilité de révolution avec cette masse organisée.
L’organisation des anarchistes est dès maintenant entrée dans le domaine de la réalité ; elle s’amplifie de plus en plus, parce que possible, parce que nécessaire.
Il a été démontré d’autre part, que s’il y a coordination dans les efforts, il n’y a pas sujétion, mais au contraire, libre développement des individus, unis par des aspirations et des intérêts communs.
Par le fédéralisme, l’autonomie est complète et la liberté de chacun sauvegardée.
Que les camarades s’imprègnent bien de ce principe « that is the question ».
La logique la plus implacable, l’esprit d’analyse le plus prévenu ne peut trouver rien à y redire. Le principe d’organisation, d’entr’aide, est un principe vital, bien au-dessus des conceptions de quelques philosophes, amants passionnés du « moi intégral » négateurs de toute solidarité humaine.
La liberté de chacun, dans l’union de tous, seuls les anarchistes peuvent concilier ces deux principes sans les choquer ; les amalgamer sans nuire au tout.
Désormais, l’organisation est un fait qui s’impose et dont les conséquences heureuses s’affirment de jour en jour.
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Les faits sont là, réconfortants et prometteurs. Un simple énoncé suffira. Le dimanche 2 avril, Congrès du Sud-Sud-Est, à Marseille, convoqué sur l’initiative de bons camarades.
Après une discussion courtoise et pleine d’enseignements, il a été décidé la création d’un organe régional anarchiste « Terre libre ».
Nos amis de la Fédération du Sud-Sud-Est s’organisent et luttent courageusement pour le triomphe des idées qui sont chères à tous les anarchistes.
Étant donné leur combativité ordinaire, il est facile à prévoir, qu’il ne s’arrêteront pas là ; le chemin est rude à gravir, la route longue à parcourir, mais l’ingéniosité et la ténacité de nos amis du Midi nous autorisent à croire qu’ils mèneront énergiquement le bon combat.
Le 16 avril, Congrès à Toulouse de la région du Sud-Ouest. Les anarchistes de cette région ont affirmé eux aussi leur désir de mettre debout une organisation vivante et puissante. Cordialité complète dans cette réunion, échanges de vues et controverses amicales aiguisant l’esprit critique sur les nécessités actuelles et l’urgence de la lutte à mener.
Bordeaux, sous l’énergique impulsion des camarades libertaires, tend à devenir un foyer d’action, centre d’éducation. Le journal « La Révolte » vient d’y naître. Sa vitalité est entre les mains des anarchistes du Sud-Ouest.
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Le Nord n’est pas resté en arrière dans ce mouvement : le 17 avril, dans un Congrès, à Roubaix, les compagnons libertaires se sont réunis et ont décidé d’un commun accord de grouper les bonnes volontés, d’affermir les groupements déjà constitués et de parachever l’organisation dans cette région.
L’activité de nos amis a donné d’excellents résultats dans ce pays, qui a toujours été le théâtre d’un mouvement anarchiste plein de vie et d’énergie ; il s’est concrétisé en un organe de lutte et défense. « Le Combat », le titre est un programme et une affirmation.
Que tous nos camarades, fraternellement unis par le grand Idéal qui les anime, persévèrent dans cette voie que leur ont tracés les récentes Assemblées de Lyon et de Berlin. Avant peu, ayons-en l’espoir et la conviction, le mouvement anarchiste de ce pays, s’imposera comme une force d’éducation et d’action avec laquelle devront compter maîtres, profiteurs, valets… et ambitieux avides !
[/Maurice