Le projet de loi contre les socialistes, présenté au Reichtag allemand, a eu — en France — un tout autre épilogue que celui qu’on en eût pu attendre : Oyez donc ! Bismark et sa « furor teutonicus » piétinant la légendaire « furia francese » ! Quelle honte ! quelle amère lie pour nous ! — Et nos bons libéraux gaulois n’ont plus eu cure, après cela, du progrès et du socialisme qu’on testait d’égorger. En somme, on n’est pas plus royaliste que le roi : le Reichtag a passé outre aux exigences du chancelier de fer.
Puisque nous en sommes au roi et en Allemagne, impossible de tenir sous silence la mort récente de son grand empereur. Ce macchabée patri a fait ressusciter le moribond filis, sans nul doute par la grâce spiritu sancti. Qu’ils aillent tous au diable où qu’on les y envoie, moyen encore plus sûr et surtout plus expéditif. Décidément, les anarchistes doivent être brouillés avec le ciel, car aucune de ces divinités n’est venue, que je sache, intercéder en faveur de nos camarades Gallo et Cyvoct. Ces malheureuses victimes de la haine bourgeoise, probablement exécutées à l’heure qu’il est, ont au moins eu pour consolation d’emporter avec elles les sympathies de tous les hommes de cœur qui, quoi qu’on en voie, sont encore nombreux dans l’humanité. — Les meetings organisés sur leurs noms semblent l’avoir prouvé surabondamment.
Nous savons fort bien que cela n’empêche pas le petit Carnot de projeter une série de gueuletons, à nos frais en antithèse aux étiolants carêmes dont se mortifiait son austère prédécesseur. Question de goût, ca somme. — Pour ma part, je ne vois nulle raison pour me chatouiller la rate de ce fait. Qu’on enfouisse ou qu’on jette aux vents l’accumul de nos sueurs, peu m’en chaut.
Nos frères de misère de Terrenoire, La Voulte et Bessèges, et les maçons de Rome soulevés dernièrement, mais aussitôt pacifiés, — pour être doués de moins de philosophie ou de plus d’optimisme, — doivent d’ailleurs s’apercevoir du peu de fruits que porte en lui le parlottage, fût-il même accompagné du droit. Les résultats ont été, sont et seront toujours les mêmes avec cette façon de faire.
Crois-en ma jeune expérience, vieux populo : Te laisser tondre placidement si tu es une brute, mais mordre à pleines dents si tu as du cœur.
« Comprends si tu le peux, et choisis si tu l’oses ! »
Nemo.