Parait-il à son heure ? Aura-t-il l’oreille des militants de notre région ? Réussira-t-il dans son œuvre de réconciliation des frères ennemis ?
L’avenir nous le dira.
Ce que sera le SEMEUR, la plupart de ceux qui le liront connaissent déjà les grandes lignes de son programme, pour les autres nous les donnons ci-dessous.
À l’heure où les blocs se forment nous avons pensé qu’il était utile de faire entendre la voix des hommes qui ne sont inféodés à aucun parti.
Certains et ce sont les plus nombreux croient en l’efficacité sociale d’une Chambre renouvelée, au Semeur noua n’avons foi et confiance que dans une classe ouvrière rénovée, groupée, que dans le rayonnement des consciences individuelles qui placent la vérité, la justice, l’humanité au-dessus des partis. En face des évènements, la politique paraît bien pâle — n’avons-nous pas vu en 1920, la Chambre du Bloc National, s’incliner devant la puissance ouvrière en accordant aux travailleurs la journée de huit heures.
Nous voulons travailler au redressement de cette force sans laquelle aucune résistance n’est possible contre la réaction.
Pour le Semeur, pas d’ennemi parmi les travailleurs, le dur joug de l’atelier, de l’usine, du magasin qui les unit et en fait une masse souffrante doit continuer son rôle en dehors du labeur.
Il ne faut plus que les querelles de personnalités empêchent le regroupement des exploités ; il faut qu’ils cessent le croire en un Messie quelconque : le Messie est en eux — en 1920 ils ont fait trembler la société capitaliste — il faut qu’ils reprennent conscience de leur force, qu’ils se remettent à eux-mêmes du soin de faire leur propre bonheur, de conduire leurs propres destinées.
Le Semeur ne sera pas pour cela un organe ouvriériste, par les collaborateurs dont il s’est entouré il prétend être davantage.
Le Semeur paraîtra définitivement et régulièrement à partir du mois d’août, son directeur et administrateur, se trouvant, pour quelques semaines encore, hospitalisé dans un des palais de la République, la Santé, pour Raison d’État.
Ce numéro spécial est destiné simplement à présenter nos collaborateurs, à faire connaître notre date de parution, il ne ressemble pas aux prochains numéros du « Semeur » où l’on trouvera en plus d’articles sur l’actualité, une chronique régionale intéressante, une tribune syndicale vivante ainsi que des articles de critique littéraire et de philosophie.
Au Semeur, où librement, les travailleurs pourront y faire entendre leur voix, nous nous réservons la besogne de dénoncer toutes les injustices d’où qu’elles viennent ; le nationalisme trouveront en nous des adversaires implacables ; les militarismes des ennemis farouches ; les libertés publiques des défenseurs irréductibles ; les dogmes des critiques impitoyables, notre idéal sera de toujours servir la vérité, la justice.
S’il ne nous appartient pas de fixer l’heure de la Révolution, nous sommes persuadés de l’avancer en répandant nos idées de bonté, de justice, de solidarité, de vérité.
Notre effort sera-t-il compris ? Nous osons l’espérer.
Notre Programme
« Économique d’une part ».
Étant tout acquis à l’organisation du travail, du producteur, notre plein concours sera donné au mouvement syndicaliste, dégagé des partis politiques, et indépendant de toute tutelle. Partisans de l’Unité du mouvement ouvrier nous œuvrerons pour que cesse la division néfaste et pour que ce mouvement retrouve toute sa puissance d’organisation et d’action.
« Politique, d’autre part ».
Notre journal mènera la lutte contre le régime actuel et en combattra les néfastes institutions, dont le pire est l’odieux militarisme ; il en dénoncera les monstrueux effets, les répressions impitoyables. Notre opposition sera réductible contre les politiciens d’affaires, contre les partis qui prétendent se substituer seulement aux maîtres de l’heure, contre les religions qui tendent à l’asservissement des corps et des âmes.
En résumé notre programme peut s’établir comme suit :
Contre l’état qui incarne le centralisme dans ce qu’il y a de plus néfaste ;
Pour la fédération qui permet, avec son organisation, le jeu des forces vives, des forces naturelles, des valeurs tant manuelles qu’intellectuelles, et cela, dans tous les domaines de la production et de l’esprit.
Donc, libre organisation, libre détermination.
« Philosophique, enfin ».
Ayant constaté les conséquences lamentables des conceptions dont le but est moins de faire des hommes que des citoyens — c’est-à-dire des sujets — conceptions qui ont déterminé les peuples à suivre des chefs gui les ont conduits à la guerre, puis à l’étouffement de la pensée et à la pire réaction ;
Nous estimons que nous manquons moins de cadres que d’individualités conscientes, que l’éducation doit être le facteur principal qui, en transformant les esprits, amènera inéluctablement une transformation sociale basée sur la solidarité, la justice, la liberté.
Pour cette fin dernière une vaste besogne d’éducation est donc nécessaire. Éducation critique, scientifique, morale. Éducation s’imprégnant d’une large tolérance — tolérance n’impliquant nullement l’abandon de nos idéologies particulières. Mais éducation, qui substituant à la violence systématique, à la force des baïonnettes, la puissance d’un idéal vraiment humain, améliorera les rapports sociaux et supprimera les causes de haine, d’iniquité et d’injustice.
Nous concluons à ce sujet et nous disons :
Éducation des consciences ;
Élévation des esprits,
rendant possible la pratique de la liberté et la suppression des gouvernements.
Le Semeur