La Presse Anarchiste

Du haut de mon mirador

    Au cours des six années que l’Eu­rope vient de tra­ver­ser à la façon d’un homme pris de délire et qui a per­du tout sens de sa res­pon­sa­bi­li­té — l’ab­cès est loin d’être gué­ri — on a beau­coup dis­cou­ru sur la civi­li­sa­tion qu’il s’a­gis­sait de pré­ser­ver, de sau­ver, qui cou­rait le risque d’être anéan­tie, et ain­si de suite. Mais la per­sis­tance de la civi­li­sa­tion comme la conçoivent les conduc­teurs de peuples, les busi­ness­men, les pro­ta­go­nistes du machi­nisme à outrance et les gaze­tiers, est-elle aus­si indis­pen­sable qu’ils le disent au bon­heur de l’in­di­vi­du ou des groupes humains ? J’en­ten­dais l’autre jour, au cours d’une émis­sion de la B. B. C. le résu­mé du rap­port d’une Com­mis­sion scien­ti­fique sur les condi­tions d’exis­tence à l’île de Tris­tan d’A­cun­ha, dont, dans « l’en dehors », il a été ques­tion à plu­sieurs reprises. Cette petite île est, comme on le sait, située dans l’At­lan­tique Sud, entre le 37° et 38° de lati­tude S. et consiste en un mont vol­ca­nique de 2.359 m. d’al­ti­tude, émer­geant d’une mer de 3 à 4.000 mètres de pro­fon­deur. Elle est com­plè­te­ment iso­lée du reste du monde et n’est visi­tée qu’une fois l’an, si le temps le per­met, par un navire qui apporte et rem­porte le cour­rier, quand il y en a. Eh bien, les deux cents habi­tants de cette île, qui se nour­rissent prin­ci­pa­le­ment de pommes de terre, d’œufs, sur­tout de pois­son, à l’ex­clu­sion ou presque de viande de bou­che­rie, consti­tuent un milieu très sain, où l’on ignore les mala­dies telles que la tuber­cu­lose, la syphi­lis, la carie den­taire ; on y vit vieux et la mor­ta­li­té infan­tile y est pour ain­si dire incon­nue. Ils se marient entre eux depuis des décades sans que leur san­té se res­sente de ces unions consan­guines. Or, chaque fois que les habi­tants de Tris­tan d’A­cun­ha ont eu affaire avec la civi­li­sa­tion, ça été à leur détri­ment : ain­si, ayant reçu de l’ex­té­rieur du sucre indus­triel et de la farine sans doute éga­le­ment trai­tée indus­triel­le­ment, il s’en est sui­vi une épi­dé­mie de carie den­taire, affec­tion igno­rée chez eux, comme on l’a dit plus haut. Aus­si, tiennent-ils à vivre à l’é­cart de cette fameuse civi­li­sa­tion, dont il est à pré­su­mer que la conti­nua­tion leur importe peu, et déclarent-ils vou­loir res­ter en l’é­tat où ils se trouvent, mal­gré l’i­so­le­ment et le cli­mat. Qui leur don­ne­rait tort ?

Qui CÉ.


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