La Presse Anarchiste

Poème pour l’amie

N’a­joute pas à la souf­france de qui souffre,
Ne rends pas plus amer le cœur triste et déçu,
Ne creuse pas encor plus pro­fond l’af­freux gouffre
Où se débat celui qui n’a­vait point conçu

Que d’un des­tin cruel il dût subir l’atteinte.
Ne sois pas cause qu’un seul pleur s’a­joute aux pleurs
Que verse qui gémit, angois­sé par la crainte.
À la dou­leur n’a­joute pas d’autres douleurs.

Prends garde d’é­lar­gir la béante blessure,
De faire encor sai­gner l’ul­cère mal guéri.
Que douce soit ta main, que ton geste rassure :
Faute d’un tendre mot, tant d’es­poirs ont péri.

Les sou­cis de l’a­mi, qu’ils soient les tiens ; ses peines
Prends-en ta pleine part comme tu la prendrais
Si la joie éclai­rait ses jours, si dans ses veines
À l’ap­pel du bon­heur un sang plus fort coulait.

E. Armand,
Camp de Chibron,
11 mars 1941.


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