La Presse Anarchiste

Les clés et les chaînes

Les fabu­listes ont mis l’ac­cent sur le double côté des choses ; ils ont mon­tré que la langue peut indif­fé­rem­ment arti­cu­ler la véri­té et le men­songe, et qu’a­vec son haleine, l’homme peut, tour à tour, réchauf­fer ses mains engour­dies par le gel et refroi­dir sa soupe trop chaude.

Il en est ain­si de presque tout ; l’ar­se­nic, la strych­nine, la jus­quiame, peuvent gué­rir un malade ou tuer un homme en bonne san­té, selon qu’on les emploie comme remèdes ou comme poisons.

Les reli­gions ont leurs saints et leurs fana­tiques, les pre­miers prêts à tout subir, les seconds à tout infli­ger ; ceux-là aus­si san­gui­naires que ceux-ci peuvent être misé­ri­cor­dieux, au nom du même pré­cepte qu’ils disent tenir du même dieu.

Toutes les causes ont engen­dré deux sortes d’hommes, à savoir ceux qui se sacri­fiaient à elles, et ceux qui leur sacri­fiaient autrui. Les pre­miers mou­raient sur l’é­cha­faud pour édi­fier les incroyants et les tièdes, les autres fai­saient mou­rir les tièdes et les incroyants sur l’échafaud.

Chaque fois qu’une clar­té nou­velle a illu­mi­né l’es­prit humain, soit qu’il ait choi­si de s’en attri­buer la décou­verte, soit qu’il l’ait reçue comme une révé­la­tion d’en haut, cette clar­té s’est pré­sen­tée à lui, en même temps comme une clef et comme une chaîne.

La parole de l’E­van­gile est une clef qui ouvre la porte de la liber­té aux esclaves, mais qui n’a point affran­chi l’hu­ma­ni­té, parce que cette clef a été promp­te­ment mise à la refonte et qu’elle a ser­vi à fabri­quer une chaîne, celle de l’E­glise, du dogme, de la péni­tence et de l’inquisition.

D’ailleurs, la parole chré­tienne n’a point été la seule à connaître cette des­ti­née ; les idées-clefs de Des­cartes, de Dide­rot, de Karl Marx, sont deve­nues les idées-chaînes de plu­sieurs régimes poli­tiques sous les­quels l’homme fut et demeure entra­vé par les objets et les prin­cipes qui le devaient émanciper.

Le chiffre est, comme l’i­dée, une clef trans­for­mable en chaîne ; à l’aide du chiffre et du cal­cul, l’homme s’est libé­ré d’une foule d’in­cer­ti­tudes, a réso­lu une foule d’in­con­nues, fait entrer dans le domaine du prou­vé et pla­cé sous son contrôle un grand nombre de lois et de phé­no­mènes qu’il igno­rait auparavant.

Par mal­heur, l’ap­pli­ca­tion pra­tique des lois et des phé­no­mènes qu’il a décou­verts grâce au chiffre et grâce au cal­cul l’a asser­vi lit­té­ra­le­ment à leur tyran­nie ; de sorte que ce n’est plus lui qui contrôle ces phé­no­mènes et ces lois, mais eux qui le contrôlent, lui, et qui le subjuguent.

Grâce au chiffre, grâce à l’é­qua­tion, grâce au théo­rème, voi­là que l’homme, qui avan­çait chaque jour un peu plus vers l’ho­ri­zon sans cesse recu­lant de la connais­sance, était en mesure de tout arpen­ter, d’é­ta­blir des pro­nos­tics cos­miques, de numé­ro­ter les astres et les atomes, de dres­ser la nomen­cla­ture des rouages les plus infimes et les plus gran­dioses du méca­nisme universel.

Seule­ment, la clef est deve­nue chaîne. Obli­gé de tra­vailler au cen­tième de seconde, au mil­lième de mil­li­mètre, l’homme est mena­cé d’une vie sou­mise au chro­no­mé­trage, à la sta­tis­tique, à la pré­ci­sion infi­ni­té­si­male, et mieux il a domi­né et com­pris pour s’en défendre les com­pli­ca­tions de la nature, plus son exis­tence devient com­pli­quée, si bien qu’il recon­naît dans sa nou­velle chaîne le métal de la nou­velle clef qu’il s’é­tait for­gée pour se délivrer.

Les clefs spi­ri­tuelles — reli­gions et phi­lo­so­phies — deviennent des chaînes spi­ri­tuelles. Les clefs maté­rielles — celles des sciences — deviennent des chaînes maté­rielles. C’est ce que Sébas­tien Faure appe­lait les fausses rédemptions.

Il n’est pas une pen­sée de Pas­cal, de La Bruyère ou de Valé­ry, pas un apo­logue de La Fon­taine, quelque libé­ra­teurs qu’ils soient pour l’in­di­vi­du qui les déguste et s’en éclaire, qui ne puissent, conve­na­ble­ment tri­tu­rés et anno­tés par des exé­gètes, deve­nir articles d’or­tho­doxie, pré­ceptes de Sor­bonne ou d’Ins­ti­tut, et immo­bi­li­ser aus­si long­temps les carac­tères et les consciences que la doc­trine aristotélicienne.

De même, il n’est pas un chiffre d’un cal­cul d’Ein­stein dont on soit sûr qu’il ne sera pas trans­po­sé de telle manière dans la pra­tique qu’il rive à quelque sys­tème des géné­ra­tions tout entières.

Idées et chiffres, de Pytha­gore à Pain­le­vé, et de Jésus à Marx, vous n’êtes rien par vous-mêmes, que des signes et des sym­boles ; nés clefs, vous ne deve­nez des chaînes que par une conver­sion fal­la­cieuse ; mais ce tour de passe-passe se renou­velle avec une régu­la­ri­té fatidique.

Clefs aus­si­tôt esca­mo­tées, à peine avons-nous eu le temps, grâce à vous, d’en­tre­bâiller une heure la porte de notre pri­son, que déjà vous êtes deve­nues des chaînes, et que le lourd van­tail se referme pour mille ans.

— O —

Cent ans avant Jésus, six mille arbres funèbres bor­daient les voies dal­lées qui condui­saient à Rome ; sur ces six mille croix expi­raient six mille hommes, dont le râle décrois­sant allait s’af­fai­blis­sant dans les ténèbres.

C’é­taient les six mille esclaves cap­tu­rés après la défaite de Spar­ta­cus, qui expiaient leur révolte contre une auto­ri­té sans frein et des dieux sans miséricorde.

Quand le der­nier râle du der­nier patient se fut tu, l’au­to­ri­té romaine res­pi­ra, les dieux latins se redres­sèrent ; ils avaient gagné, ils étaient sau­vés… Non ! ils étaient perdus.

La reli­gion affirme, mais l’his­toire ignore, ce qui se pas­sa cent ans plus tard en Judée. Là, sur un obs­cur coteau des envi­rons de Jéru­sa­lem, mou­rait un obs­cur cru­ci­fié. Syn­thèse et sym­bole des six mille cru­ci­fiés de l’ar­mée de Spar­ta­cus, il les res­sus­ci­tait en un seul.

L’es­prit de jus­tice et d’é­ga­li­té qui avait sou­te­nu dans leur lutte les spar­ta­ciens se rani­ma dans la com­mu­nau­té chré­tienne, qui n’é­tait point comme eux guer­rière, mais mys­tique ; il allait, non plus infli­ger pour vaincre, mais subir pour conver­tir ; non plus com­battre pour la vic­toire, mais souf­frir pour l’exemple.

Que la croix du Gol­go­tha ait occul­té sur la ligne de mire des siècles les six mille croix de la cam­pagne romaine, c’est là une des plus trom­peuses illu­sions d’op­tiques de l’his­toire en même temps qu’une des ingra­ti­tudes les plus noires dont se soient ren­dues cou­pables les générations.

Pour moi, lorsque je me retourne vers ce loin­tain pas­sé, confus comme une brume et lumi­neux comme une vision, cette petite croix du Cal­vaire me paraît soli­tai­re­ment et misé­ra­ble­ment per­due dans une forêt d’autres croix, comme le cadavre de mon­sei­gneur Affre, sur l’im­men­si­té du dix-neu­vième siècle, me semble un tout petit cadavre par­mi les héca­tombes et les bar­ri­cades qui le hérissent et l’en­san­glantent de 1830 à 1848 et du Deux-Décembre à la Commune.

À cent ans d’in­ter­valle, les chré­tiens pri­mi­tifs étaient épris de la même idée que leurs aînés de l’é­po­pée spar­ta­cienne ; ils avaient seule­ment assi­mi­lé un élé­ment nou­veau ; aux faux dieux, ils en oppo­saient un autre qu’ils croyaient vrai — et qui avait condes­cen­du à mou­rir comme mou­raient leurs pairs les esclaves romains ; mais à l’au­to­ri­té, à la hié­rar­chie, ils oppo­saient l’é­ga­li­té sociale qu’ils résu­maient dans cet axiome : « Nous sommes tous frères en Christ ». Cepen­dant, par­mi ceux qui acceptent de recon­naître cette fra­ter­ni­té éga­li­taire, s’il en est qui en sont inti­me­ment convain­cus, par contre il est bien dif­fi­cile d’empêcher que cer­tains pensent : « Je veux bien admettre notre éga­li­té du bout des lèvres, mais dans le fond, je me consi­dère comme supé­rieur aux autres, et j’es­time qu’ils doivent m’o­béir» ; et bien dif­fi­cile aus­si d’é­vi­ter que d’autres se disent : « J’ai beau me décla­rer l’é­gal de tous, si quel­qu’un vou­lait me com­man­der, je ne deman­de­rais qu’à le servir. »

Avec de telles pen­sées et de tels sen­ti­ments, la plèbe chré­tienne était toute prête à sécré­ter une nou­velle hié­rar­chie sociale dans un monde où les inéga­li­tés maté­rielles, n’a­vaient pas été cor­ri­gées, et dans lequel il n’é­tait pas ques­tion d’a­bo­lir la richesse et de sup­pri­mer la pau­vre­té, mais uni­que­ment de convaincre le pauvre et le riche qu’ils sont et doivent se sen­tir égaux, comme si c’é­tait là chose possible !

Ce faux départ allait entraî­ner les consé­quences que nous connais­sons main­te­nant. Il fut admis que le royaume de Dieu n’é­tait déci­dé­ment pas de « ce monde », invi­ta­tion tacite à faire de « ce monde » le royaume du mal, c’est-à-dire la val­lée de larmes qu’il avait tou­jours été pour les pauvres ; et l’ac­ces­sion de ceux-ci à la féli­ci­té connue des pos­sé­dants seuls ces­sa d’être une reven­di­ca­tion d’i­ci-bas pour deve­nir une espé­rance imma­té­rielle, une uto­pie post­hume, une revanche céleste, inter­dites à la vie, à la chair et à la rai­son. Une nou­velle aris­to­cra­tie se consti­tua, qui fut, tan­tôt l’é­ma­na­tion même du chris­tia­nisme, issue de sa plèbe et de son cler­gé, tan­tôt un pro­duit de classes déjà régnantes, mais oppor­tu­né­ment ral­liées. Ce phé­no­mène est ren­du assez impré­cis par le fait qu’il se super­pose aux grands bou­le­ver­se­ments qui lui sont contem­po­rains, c’est-à-dire aux inva­sions qui, vers la même époque, modi­fièrent com­plè­te­ment la répar­ti­tion eth­nique euro­péenne. La civi­li­sa­tion chré­tienne com­men­çait, et chaque siècle de son ère allait consom­mer un peu plus la néga­tion de ses pro­messes ori­gi­nales et sa rup­ture avec ses pré­mices révo­lu­tion­naires ; car elle n’é­tait pas née seule­ment des trois gouttes de sueur mor­tuaire qui ont per­lé sur le cal­vaire, mais aus­si de tout le sang tom­bé des croix des voies romaines. Le jour où le pre­mier serf médié­val cour­ba le front devant son baron, ce jour-là seule­ment Spar­ta­cus fut enfin vain­cu par les patri­ciens ; ce jour-là seule­ment fut le der­nier jour avant long­temps, de la révolte des esclaves.

Et de siècle en siècle, s’est répé­tée la trans­mu­ta­tion fabu­leuse et malé­fique des mes­sages-clefs en dogmes-chaînes.

Les esclaves sont deve­nus les serfs, puis la plèbe du ser­vage est deve­nue le pro­lé­ta­riat. Comme il y eut des révoltes d’es­claves, il y eut des révoltes de serfs, et il y a des révoltes de pro­lé­taires. On a vu la noblesse affai­blie crou­ler en 1789 et la bour­geoi­sie lui suc­cé­der au pou­voir. « La bour­geoi­sie, disait Vic­tor Hugo, n’est pas une classe, c’est la par­tie repue du peuple. » Comme les chré­tiens pri­mi­tifs, la bour­geoi­sie a pro­cla­mé la liber­té, l’é­ga­li­té, la fra­ter­ni­té ; nous sommes tous égaux, nous sommes tous frères, nous sommes tous libres, trois idées qui sont com­munes aux chré­tiens des cata­combes et aux bour­geois de la Convention.

Mais — et nous n’a­vons qu’à reco­pier ce que nous écri­vions quelques lignes plus haut — ceux qui, par­mi les bour­geois, cla­maient ces prin­cipes avec le plus de voix, étaient ceux qui brû­laient le plus de com­man­der ou d’o­béir ; et ceci dans un monde où les inéga­li­tés maté­rielles sub­sis­taient et dans lequel il n’é­tait point ques­tion d’a­bo­lir la richesse et de sup­pri­mer l’in­di­gence ; il s’a­gis­sait de convaincre le riche et le pauvre qu’ils étaient égaux et frères, et pareille­ment libres, non plus devant Dieu, mais devant la Loi — comme si c’é­tait là chose possible !

Le pro­lé­ta­riat n’est plus dupe de cette éga­li­té conven­tion­nelle du pauvre et du riche, mais comme il ne se résout à renier une dupe­rie qu’a­près qu’il en a fait l’é­preuve, mal­gré les mises en garde de ses guides les plus clair­voyants, qui, lors­qu’un prin­cipe est fal­la­cieux, n’ont pas besoin que celui-ci ait été appli­qué pour en pré­voir les dan­gers et en dénon­cer les pièges, il semble qu’une dupe­rie nou­velle se pré­sente à lui en notre siècle tour­men­té avec un suc­cès non moins grand que celui des pré­cé­dents appeaux aux­quels il a suc­ces­si­ve­ment succombé.

Un nou­veau sys­tème s’é­di­fie, qui a paru révo­lu­tion­naire et char­gé d’es­poirs pour le pro­lé­ta­riat parce qu’il a ten­dance à s’im­po­ser par la force bru­tale, qu’il est né d’é­vé­ne­ments san­glants, qu’il a sup­pri­mé la pro­prié­té indi­vi­duelle, pla­cé tous les pou­voirs et remis toutes les ini­tia­tives entre les mains de l’E­tat, et qu’il s’est bap­ti­sé lui-même du nom de régime socialiste.

Ce régime, qui s’ar­roge le contrôle de tout ce que fait chaque indi­vi­du, se targue de libé­rer les peuples, qui seront col­lec­ti­ve­ment d’au­tant plus libres que les indi­vi­dus seront plus cen­su­rés ; ce régime pro­clame que tous les hommes sont égaux, et leur fra­ter­ni­té est si par­faite que, de même que les chré­tiens sont tous frères en Jésus-Christ, ils sont tous cama­rades en Marx, hor­mis les héré­tiques, schis­ma­tiques et autres gen­tils. Les pro­lé­taires encore sou­mis à la domi­na­tion bour­geoise sou­pirent dans l’at­tente de  leur déli­vrance, et œuvrent pour la hâter, enviant ceux que le socia­lisme enfin édi­fié a affranchis.

Si nous regar­dons ce socia­lisme avec des yeux moins cir­con­ve­nus, nous y dis­cer­nons cepen­dant des sin­gu­la­ri­tés qui nous rap­pellent toutes les ano­ma­lies des rédemp­tions anté­rieures. Libres, ces peuples pro­clament qu’ils le sont, mais ces peuples sont consti­tués d’in­di­vi­dus dont les uns com­mandent aux autres de tra­vailler, de com­battre, de mou­rir, et d’in­di­vi­dus qui tra­vaillent, qui com­battent, et qui meurent ; il y a par­mi eux des géné­raux et des sol­dats, et les pre­miers ont le droit de vie et de mort sur les seconds ; égaux, on a dit à ces hommes qu’ils le sont, mais cer­tains d’entre eux gagnent deux fois, dix fois, cent fois plus que cer­tains autres, et ceux qui reçoivent les plus hauts salaires ne sont point obli­ga­toi­re­ment ceux qui font le plus de tra­vail, ce sont ceux qui les com­mandent, ou qui les regardent ! Cama­rades, ils le sont, comme les chré­tiens sont frères, sim­ple­ment parce qu’ils s’ap­pellent ain­si entre eux ; en fait, la cama­ra­de­rie d’un sol­dat envers son géné­ral n’a pas plus de sens que la fra­ter­ni­té d’un évêque qui dit « mon frère » à un mendiant.

Puisque les géné­ra­tions vont d’illu­sion en illu­sion, rampent de mirage en mirage, il n’est pas impos­sible que le pro­lé­ta­riat qui s’est sou­le­vé avec Karl Marx se contente, cent ans plus tard, de ce socia­lisme-ci ; de même que la plèbe romaine qui s’est insur­gée avec Spar­ta­cus se conten­tait, un siècle après, de ce christianisme-là.

Pour­tant, il res­te­ra des incré­dules, des hommes de peu de foi, mais de beau­coup de rai­son, pour dire que l’é­ga­li­té théo­rique n’existe pas ; que, même en régime socia­liste, s’il y a des riches et des pauvres, vou­loir que les pauvres et les riches se sentent égaux et le soient, c’est vou­loir une chose impos­sible. Le chris­tia­nisme, pour qui l’é­ga­li­té ne fut qu’un pos­tu­lat mys­tique, lais­sa sub­sis­ter l’i­né­ga­li­té des for­tunes ; la révo­lu­tion bour­geoise, qui arbo­ra l’é­ga­li­té à ses fron­tons, main­tint l’i­né­ga­li­té des condi­tions ; le socia­lisme, qui pré­tend sup­pri­mer les classes, n’a point  dimi­nué l’i­né­ga­li­té  entre  les hommes.

Qui nie­rait qu’il y ait des pauvres et des riches, des déshé­ri­tés et des pri­vi­lé­giés, là où l’au­to­ri­té d’un homme seul peut suf­fire à mettre en mou­ve­ment des mil­lions d’in­di­vi­dus impuis­sants à se déso­li­da­ri­ser de lui s’ils en conçoivent l’in­ten­tion ; où chaque citoyen a moins le contrôle de ses propres gestes que ceux qui le com­mandent n’en ont la direc­tion, de sorte que sa volon­té ne compte que pour presque rien dans son propre com­por­te­ment en com­pa­rai­son des volon­tés exté­rieures aux­quelles il ne peut jamais échap­per ; où celui qui assure la pla­ni­fi­ca­tion du tra­vail à faire ou la sta­tis­tique du tra­vail fini est, en qua­li­té de tech­ni­cien, rému­né­ré de façon beau­coup plus avan­ta­geuse que celui qui l’exé­cute en qua­li­té d’ou­vrier ou de manœuvre ?

En régime socia­liste, ce géné­ral constel­lé de brisques qui plas­tronne devant les recrues qu’il enver­ra au feu, c’est un riche, c’est un pri­vi­lé­gié ; ce misé­rable fan­tas­sin qui défile, c’est un déshé­ri­té, c’est un pauvre. Ce tech­no­crate, ce fonc­tion­naire de par­ti, ce direc­teur d’u­sine, ce chef de la police qui veille à ce que rien ne cloche dans l’ordre silen­cieux de ce régime inéga­li­taire, ce sont des pri­vi­lé­giés ; ces clients des coopé­ra­tives, ces gens qui s’en­tassent dans les trains miniers, ces ouvriers des usines de guerre, même s’ils ont les assu­rances sociales et les soins gra­tuits, ce sont des pro­lé­taires, et dans le par­tage ils ont les restes. Mais-per­sonne ne peut plus bron­cher, per­sonne ne peut émettre une réflexion amère ou cri­tique dans l’im­mense ergas­tule socia­liste, non plus qu’on ne sau­rait péter dans une église. Quand le pro­lé­ta­riat vou­dra en sor­tir, il consta­te­ra avec déses­poir qu’il a per­du la clef avec laquelle il est entré, croyant entrer dans le régime de l’é­ga­li­té véri­table ; la clef d’or est deve­nue une chaîne d’acier…

Et pour qu’un peuple puisse rompre sa chaîne un jour, il faut qu’il l’ait usée d’a­bord pen­dant des siècles.

— O —

Il n’im­porte pas que ces socié­tés soient grandes, que ces nations soient fortes et pres­ti­gieuses, que ces régimes élèvent jus­qu’au zénith leurs palais, leurs cathé­drales, leurs Man­hat­tans et leurs Babels. Ce qui importe, c’est que dis­pa­raisse l’i­né­ga­li­té sociale d’où naissent toutes les injus­tices. Or, toutes les formes de socié­té connues jus­qu’à pré­sent l’ont main­te­nue comme une chose divine et sacrée, ins­tau­rée par la pro­vi­dence ou impo­sée par la fatalité.

Tous égaux en Jésus ! crient les pre­miers chré­tiens ; mais ils mettent au ban de la chré­tien­té Car­po­cra­tès, qui vou­lait tra­duire ce prin­cipe dans les faits et, d’un pré­cepte moral, faire une réa­li­té terrestre.

Fra­ter­ni­té ! écrit la bour­geoi­sie de 1789 sur les fron­tis­pices de ses monu­ments ; mais elle envoie à l’é­cha­faud Babeuf et ses affi­liés de la Conju­ra­tion des Egaux qui aspi­raient à concré­ti­ser ce qui n’é­tait qu’une déclamation.

Plus de classes sociales ! pro­clame le socia­lisme russe de 1917, mais à peine quelques années se sont-elles écou­lées qu’il réta­blit la hié­rar­chie des grades, des emplois, des condi­tions et des salaires selon une dis­pro­por­tion plus accen­tuée encore, et écrase Makh­no et les siens qui ten­taient l’es­sai d’une com­mu­nau­té égalitaire.

De telles remarques nous font perdre beau­coup d’illu­sions, car du moment que ceux qui clament le plus haut leur amour de l’é­ga­li­té sont les pre­miers à per­sé­cu­ter qui­conque apporte une solu­tion pour la réa­li­ser sur terre, on est conduit à se deman­der à qui se fier, et à pen­ser que la plu­part des hommes, s’ils en cultivent l’as­pi­ra­tion idéale, n’en dési­rent point pour autant l’a­vè­ne­ment dans la pra­tique ; tels ces dieux qu’ils vénèrent en image .ou en effi­gie, mais qu’ils sacri­fient dans la per­sonne vivante en qui ils les croient incarnés.

À la ques­tion : « Pour­quoi les régimes post-révo­lu­tion­naires retombent-ils régu­liè­re­ment dans les erreurs, les défauts et les lacunes qui avaient carac­té­ri­sé les régimes anté­rieurs et moti­vé les révo­lu­tions ? » nous n’es­saie­rons pas de répondre aujourd’­hui. Cette ques­tion est, certes, inté­res­sante et les avis fort par­ta­gés. Les uns pensent que, de même que, selon la parole de Robes­pierre, « les richesses cor­rompent ceux qui les pos­sèdent et ceux qui les convoitent », de même le pou­voir gâte ceux qui le reven­diquent aus­si bien que ceux qui l’exercent ; ils en concluent que, le pou­voir ne pou­vant s’exer­cer que du supé­rieur sur l’in­fé­rieur, son exis­tence même implique celle d’une mul­ti­tude d’i­né­ga­li­tés inter­mé­diaires, et qu’il est fatal que qui­conque convoite ou pos­sède l’au­to­ri­té fasse naître des inéga­li­tés, fût-ce en rem­pla­ce­ment de celles qu’il a sup­pri­mées pour la conqué­rir. D’autres estiment que c’est de la masse même que pro­vient la résis­tance à l’é­ga­li­té sociale, et que les hommes poli­tiques, le vou­draient-ils, sont impuis­sants à la réa­li­ser parce que le peuple s’y oppose et se recrée spon­ta­né­ment une hié­rar­chie. Enfin, d’autres encore font obser­ver que la morale de la pen­sée est dif­fé­rente de la morale de l’ac­tion ; ils citent, de cela, des exemples : le chris­tia­nisme pen­sé par Cha­teau­briand, la révo­lu­tion pen­sée par Rous­seau, ne res­semblent guère au chris­tia­nisme agi par Tor­que­ma­da, à la révo­lu­tion agie par Fou­quier-Tain­ville ; ils disent qu’une obser­va­tion du même genre peut être faite à l’é­gard de l’a­nar­chisme et des anar­chistes ; ils en déduisent que les doc­trines qui uti­lisent la vio­lence bien qu’elles prêchent la concorde, ne peuvent évi­ter d’u­ti­li­ser, dans leur appli­ca­tion, les inéga­li­tés et autres imper­fec­tions sociales qu’elles réprouvent dans leurs cri­tiques, et que, même si ces contra­dic­tions ne sont que tem­po­raires, voire appa­rentes, elles ne peuvent être évi­tées. De toutes ces hypo­thèses, laquelle est la bonne ? Encore une fois, nous ne ten­te­rons pas d’en faire le départ aujourd’hui.

Il est, en tout cas, cer­tain, qu’il est dif­fi­cile qu’une chose sur­vienne si per­sonne ne la veut ; et l’é­ga­li­té éco­no­mique, qui cor­ri­ge­rait les inéga­li­tés de la nature au lieu que les injus­tices actuelles en pro­cèdent et les aggravent, n’est pas près d’exis­ter si elle est com­bat­tue en haut et en bas, et si un nombre suf­fi­sant de per­sonnes ne sont pas per­sua­dées au préa­lable de ses bien­faits au point d’en dési­rer l’avènement.

Cer­taines inéga­li­tés devraient pour­tant ouvrir les yeux des moins clair­voyants. Un lino­ty­piste ne gagne certes pas trop ; mais pour­quoi un mon­teur en chaus­sures gagne-t-il moi­tié moins qu’un lino­ty­piste ? Ce n’est cepen­dant pas parce que les sou­liers sont meilleur mar­ché que les livres, car c’est le contraire qui est vrai. Pour­quoi, de deux maga­sins pareille­ment acha­lan­dés, l’un fait-il le double de béné­fices de l’autre, bien que les deux com­mer­çants aient la même com­pé­tence pro­fes­sion­nelle et la même capa­ci­té sto­ma­cale, et les objets ven­dus la même uti­li­té ? Pour­quoi le pro­fes­seur qui enseigne l’en­fant du labou­reur gagne-t-il beau­coup plus que l’ou­vrier agri­cole qui sème le blé pour nour­rir le pro­fes­seur, et pour­quoi le bis­trot du coin gagne-t-il à lui seul plus qu’eux deux ?

Pour­quoi le des­si­na­teur vend-il son des­sin une fois pour toutes, tan­dis que l’é­cri­vain rece­vra sa pige à chaque repro­duc­tion de son texte, et le pho­to­graphe ses droits à chaque repro­duc­tion de son cli­ché ? Pour­quoi l’au­teur ne touche-t-il que dix pour cent sur le livre qu’il écrit, quand le libraire touche trente pour cent sur le livre qu’il vend ? Parce que les uns se sont mieux débat­tus, mieux défen­dus, mieux ser­vis que les autres ; parce qu’ils ne sont pas égaux. Bien sûr, cette inéga­li­té est plus stable, apporte à cha­cun plus de sécu­ri­té, cha­cun y trouve mieux son compte, que s’il n’y avait que la foire d’empoigne, la jungle humaine, la grande bar­ba­rie des temps de catas­trophe et d’in­va­sions ; mais puisque les hommes par­viennent à s’en­tendre sur un sta­tut qui leur accorde des droits inégaux dont les plus avan­ta­geux sem­ble­ront tou­jours des pri­vi­lèges en com­pa­rai­son des plus modestes, il est étrange qu’ils n’aient pu encore s’u­nir assez nom­breux pour faire triom­pher un sta­tut qui leur en garan­tisse d’égaux.

Il y a bien, de-ci, de-là, quelques cari­ca­tures d’é­ga­li­té, quelques simu­lacres et même quelques bal­bu­tie­ments. Un Polo­nais famé­lique venu en France vers 1929 me disait alors : « Vous, tous égaux ici ; dans la rue, pas recon­naître un ouvrier d’un patron, ils ont tous deux le même cha­peau ! » Evi­dem­ment… Il y a aus­si l’in­dus­triel mil­lion­naire, le gars de ferme à qui le juge de simple police inflige iden­ti­que­ment la même amende pour défaut de cata­dioptre, le pre­mier à son auto­mo­bile, le second à sa bicy­clette. Mais selon que vous écra­siez avec votre voi­ture, si vous en avez une, le lam­piste XY ou M. le Com­man­dant inten­dant mili­taire YZ, vous ver­rez si votre com­pa­gnie d’as­su­rance aura la même somme à débour­ser. Depuis quinze ans que je vois plai­der des affaires d’ac­ci­dents de la route, j’ai consta­té qu’un orteil d’of­fi­cier supé­rieur valait plus qu’une jambe entière de civil rému­né­ré au taux du salaire moyen dépar­te­men­tal ; on le savait déjà sur les champs de bataille, mais ce n’est pas moins vrai aux simples car­re­fours dan­ge­reux des che­mins de grande com­mu­ni­ca­tion. Si l’on choit jus­qu’aux éco­no­mi­que­ment faibles, la dépré­cia­tion atteint un coef­fi­cient qui fait tom­ber la vie humaine aux envi­rons du franc sym­bo­lique de dommages-intérêts.

Plus nous exa­mi­nons les réa­li­sa­tions connues du socia­lisme, plus nous nous per­sua­dons qu’il ne modi­fie point cette inéga­li­té entre les hommes dans un sens qui les atté­nue. Certes, les socia­listes pro­mettent d’at­teindre la liber­té et l’é­ga­li­té par la dic­ta­ture du pro­lé­ta­riat, mais nous accueillons cette pro­messe avec un scep­ti­cisme auquel les expé­riences socia­listes déjà riches de résul­tats ne donnent que trop rai­son. La dic­ta­ture, qu’elle soit exer­cée par une classe ou par une autre, ne peut avoir pour abou­tis­se­ment, natu­rel ou inten­tion­nel, la liber­té ; de tout temps, la liber­té a été obte­nue en com­bat­tant et en ren­ver­sant les dic­ta­tures, jamais en les intro­ni­sant et en les défen­dant ; d’autre part, il fau­drait être naïf pour croire qu’il en peut décou­ler l’é­ga­li­té, c’est-à-dire la sup­pres­sion des classes sociales.

En effet, pour que le pro­lé­ta­riat exerce sa dic­ta­ture, il est néces­saire qu’il existe un pro­lé­ta­riat, c’est-à-dire une frac­tion du peuple qui pro­duit et qui reste pauvre ; si cette frac­tion exerce une dic­ta­ture sur d’autres frac­tions du peuple, c’est qu’il sub­siste plu­sieurs classes ; en admet­tant que celles-ci soient en voie de dis­pa­ri­tion et qu’il ne s’a­gisse que d’une phase tran­si­toire devant se ter­mi­ner le jour où elles auront dis­pa­ru, il est inévi­table que, dans l’in­ter­valle, une par­tie des citoyens mettent la période dic­ta­to­riale à pro­fit — avec ses inéga­li­tés pro­ro­gées tem­po­rai­re­ment — pour consti­tuer à leur tour, ain­si qu’il est dans la nature humaine et dans la tra­di­tion his­to­rique, une nou­velle classe privilégiée.

Le pro­lé­ta­riat, qui tra­vaille toute la jour­née, qui a autre chose à faire, hélas ! que veiller à chaque ins­tant sur lui-même, n’exer­ce­ra jamais une dic­ta­ture que par per­sonne inter­po­sée, par le tru­che­ment et la délé­ga­tion d’une pré­ten­due élite de fonc­tion­naires, d’hommes de par­ti et de poli­ti­ciens, qui ne tar­de­ront pas à for­mer une classe à part, et cette classe exer­ce­ra effec­ti­ve­ment une dic­ta­ture, de l’in­té­rieur de ses bureaux, de ses sièges, de ses per­ma­nences et de ses minis­tères, elle l’exer­ce­ra offi­ciel­le­ment au nom du pro­lé­ta­riat, mais en réa­li­té sur le pro­lé­ta­riat, tels ces tri­bu­naux qui, au nom du peuple fran­çais, pro­noncent des sen­tences qui sont de véri­tables défis à ce peuple et de véri­tables condam­na­tions contre lui.

Pour toute classe diri­geante — donc pri­vi­lé­giée — le secret du pou­voir consiste à faire admettre au peuple gou­ver­né qu’elle s’i­den­ti­fie avec lui ; en effet, qu’elle impose sa loi au nom de la nation, ou qu’elle exerce sa dic­ta­ture au nom du pro­lé­ta­riat, elle se décon­si­dé­re­rait aux yeux de ceux qu’elle gou­verne si elle recon­nais­sait le faire pour asseoir ses pri­vi­lèges et conso­li­der ses inté­rêts. Elle n’en inflige pas moins des chaînes au peuple qui lui a confié ses clefs.

L’é­vi­dence de ces faits, prou­vés par les expé­riences socia­listes de la pre­mière moi­tié du XXe siècle, et l’a­veu­gle­ment de tant d’hommes obs­ti­nés à ne les pas admettre non­obs­tant ces preuves, ne décou­ragent pas cer­tains mili­tants, qui pensent qu’il peut exis­ter un autre socia­lisme que celui-là. Ils ont peut-être rai­son. J’aime ceux qui n’a­ban­donnent pas et qui per­sistent mal­gré tout. Il y a des chré­tiens qui ne se dis­si­mulent aucune des tares ni aucun des échecs du chris­tia­nisme depuis dix-neuf cents ans, et qui res­tent quand même chré­tiens et conti­nuent à croire à la mis­sion sociale du chris­tia­nisme et au salut du monde par lui ; il est donc nor­mal qu’il sub­siste des socia­listes qui, voyant les échecs et les tares du socia­lisme depuis qua­rante ans, per­sé­vèrent à pen­ser qu’il fera le pro­duc­teur libre et la socié­té éga­li­taire. Nous n’é­cri­rons pas une ligne qui puisse lais­ser sup­po­ser que nous vou­lons ten­ter de les dissuader.

Comme eux, nous aspi­rons à une socié­té où la ten­dance de chaque homme nor­mal à sur­pas­ser ses pairs et à se sur­pas­ser lui-même se tra­duise en ému­la­tion exclu­sive de toute recherche à acqué­rir sur autrui des pou­voirs et des pri­vi­lèges maté­riels ou poli­tiques ; comme eux, nous aspi­rons à une cité où cha­cun, certes, rêve­ra d’être supé­rieur aux autres par la qua­li­té de ses œuvres, l’u­ti­li­té de ses efforts, la valeur de sa per­son­na­li­té, sans en vou­loir reti­rer ces avan­tages d’au­to­ri­té ou de for­tune qui, dès qu’un régime les accorde, finissent tou­jours par échoir aux plus cyniques et récom­pen­ser les moins scrupuleux.

Si nous n’é­vo­quons pas ces aspi­ra­tions avec un excès de foi, c’est que nous ne savons pas feindre. Mais nous devons, même incré­dules, même bla­sés, res­ter fidèles aux cru­ci­fiés et aux mar­tyrs du peuple, que leur sang ait cou­lé à Rome ou à Jéru­sa­lem, à Paris ou à Chi­ca­go, à Crons­tadt ou à Bar­ce­lone. Tant qu’il y a des inéga­li­tés, nous devons les com­battre et défendre ceux qu’elles favo­risent, même quand ceux qu’elles défa­vo­risent les sou­tiennent ; car ils les sou­tiennent quel­que­fois. J’ai déjà cité ce syn­di­cat de dockers récla­mant à la fois l’aug­men­ta­tion de la paye et le main­tien de la hié­rar­chie des salaires, c’est-à-dire en même temps une atté­nua­tion à la misère des tra­vailleurs et le ren­for­ce­ment de l’un des prin­cipes qui la causent.

Et même lorsque, deve­nu sa propre dupe, le pro­lé­ta­riat subit une dic­ta­ture qu’il est répu­té exer­cer parce que ses hommes de confiance l’exercent en son nom contre lui, nous ne devons pas abju­rer cette fidé­li­té sous pré­texte qu’il s’est don­né des chaînes.

Des chaînes, l’homme s’en est tou­jours for­gé, depuis les temps les plus recu­lés de son his­toire. Il les a faites du métal des clefs de ses para­dis suc­ces­sifs, de même qu’il a tou­jours fait la guerre au nom des reli­gions et des doc­trines qui, selon lui, devaient paci­fier le monde. Que, du moins, notre bref pas­sage sur la terre ne soit pas consa­cré à accroître ses souf­frances, sa ser­vi­tude, ses déses­poirs et ses erreurs, mais au contraire mis à pro­fit pour secon­der les cou­rants d’i­dées, même chi­mé­riques, et les entre­prises, même déri­soires, qui lui donnent l’en­vie de s’en affran­chir et une chance de s’en évader.

Pierre-Valen­tin Berthier


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