La Presse Anarchiste

La mer de Sofia

Le texte qui suit est de Guéor­gui Mar­kov. C’est lui qui fut assas­si­né à Londres à la suite d’un léger coup de para­pluie – dont la pointe était empoi­son­née – en sep­tembre 1978. Un mois avant, à Paris, un autre oppo­sant bul­gare avait failli suc­com­ber de la même manière. La presse alors par­la de « para­pluies bul­gares », de la guerre lar­vée des agents secrets contre les dis­si­dents ; puis la rou­tine revint et ces mêmes jour­naux qui plai­gnaient les dis­si­dents reprirent leurs publi­ci­tés pour les vacances pas chères à l’Est, et notam­ment en Bulgarie.

Mar­kov n’é­tait pas seule­ment un spea­ker du ser­vice bul­gare de la BBC. Ayant la cin­quan­taine en 1978, Mar­kov avait émi­gré en 1969, c’est-à-dire que sa for­ma­tion était celle de la Bul­ga­rie com­mu­niste. Ingé­nieur, puis jour­na­liste, enfin homme de lettres favo­ri et enfant ter­rible de la classe au pou­voir et intime du pre­mier ministre et pre­mier secré­taire du Par­ti Com­mu­niste Todor Jikov, Guéor­gui Mar­kov s’é­tait déci­dé à rompre avec le régime lors d’un séjour en Italie.

En émi­gra­tion Mar­kov prit la plume pour faire une des­crip­tion fouillée, pré­cise, des milieux qu’il avait fré­quen­té. Et, à la dif­fé­rence des pro­sa­teurs actuels, il sut don­ner un rythme à son style. Il se mit à lire ses chro­niques lors des émis­sions en langue bul­gare de la BBC. Et l’on dit même – sans grand risque d’er­reur – que les notables du par­ti écou­taient avec inté­rêt ces retrans­mis­sions, y com­pris Todor Jikov, quitte à écour­ter au besoin des réunions officielles.

Lorsque Mar­kov annon­ça son inten­tion d’a­bor­der uni­que­ment ses ren­contres et ses par­ties de chasse avec Todor Jikov, il semble que les bornes, les limites de la patience du dic­ta­teur de la dic­ta­ture du pro­lé­ta­riat furent bri­sées, d’où l’assassinat.

Para­doxe pour un régime à la recherche de devises fortes, donc occi­den­tales, grâce au tou­risme et aux pro­duits de consom­ma­tion : la perte d’argent due à cet assas­si­nat – moins de tou­ristes pen­dant un moment – a sem­blé moins impor­tante que la dif­fu­sion en bul­gare de cri­tiques per­son­nelles à l’en­contre du chef de l’É­tat. Ces cri­tiques doivent paraître dans un second volume ; nous avons pris dans le pre­mier recueil d’ar­ticle paru récem­ment en bul­gare le texte qui va suivre.

— O —

À la sta­tion de Pav­lo­vo, sur la ligne de tram­way Sofia-Knia­je­vo, on pou­vait lire pen­dant des années l’ins­crip­tion sui­vante : « Ici, futur port de Pav­lo­vo ». Sous l’é­cri­teau, on avait des­si­né le canal navi­gable « Pant­cha­re­vo – Pav­lo­vo », avec le port ter­mi­nus de Pavlovo.

Je sais qu’il existe encore des lec­teurs qui se rap­pellent tou­jours l’a­nec­dote des « cro­co­diles qu’on devait éle­ver dans cette mer », « com­ment on allait rem­pla­cer les pelles par des avi­rons », pour arro­ser les jar­dins, etc… Ces lec­teurs se rap­pellent aus­si cette série de jours fériés maus­sades pen­dant les­quels chaque citoyen ordi­naire de la capi­tale devait don­ner son tra­vail gra­tuit pour la réa­li­sa­tion de la « mer de Sofia ».

Les rêves de chan­ge­ment de la nature sont pro­ba­ble­ment quelque chose de magni­fique, cela sti­mule l’i­ma­gi­na­tion. Il est mer­veilleux, par exemple, de rêver d’une forêt immense et pro­fonde sur les col­lines dénu­dées de Golo Brdo, ou d’i­ma­gi­ner le tor­rent de Vla­daia entou­ré d’une végé­ta­tion tro­pi­cale, même d’en­vi­sa­ger de détour­ner le cours du Danube pour lui faire tra­ver­ser les Bal­kans au pas­sage d’Is­kar et rejoindre la médi­ter­ra­née par Marit­sa. Il y en a beau­coup d’autres, qui ont rêvé de voir en Bul­ga­rie des lacs fin­nois, les beau­tés des Alpes ou qui ont ima­gi­né la pos­si­bi­li­té d’a­voir chez nous des oranges et des singes. Et pour­tant la nature a doté notre pays de tant de beau­té ! Les lacs de Rila sont même plus beaux que ceux des Alpes, les pay­sages de Pirine peuvent riva­li­ser avec les pay­sages alpins, les pommes de Kus­ten­dil avec les oranges. Tan­dis que les singes, même sans chan­ge­ment dans notre cli­mat, on peut en trou­ver partout.

Com­ment l’i­dée même de la créa­tion d’un plan d’eau à côté de Sofia a pu naître chez nos diri­geants du par­ti et de l’É­tat, ce n’est pas très clair pour moi. Moins encore, com­ment cette idée de gosse, cette fan­tai­sie évi­dem­ment infan­tile, a pu être accep­tée comme pro­gramme de construc­tion de l’É­tat, et entre ain­si en réa­li­sa­tion. Il serait plus facile d’i­ma­gi­ner, du point de vue d’un rai­son­ne­ment logique, une pro­po­si­tion, par exemple, de nive­ler Vito­cha, la mon­tagne proche de Sofia, ou de sup­pri­mer le pas­sage du tor­rent de Vla­daia. Il me semble que l’o­ri­gine de ce pro­jet qui est propre à Tcher­ven­kov, le diri­geant N°1 de l’é­poque, remonte à son séjour en URSS pen­dant son émi­gra­tion. Car j’ai enten­du une fois dans une réunion la remarque sui­vante : « Si Mos­cou pos­sède son canal navi­gable, pour­quoi pas Sofia ? ».

Ain­si en sou­ve­nir de leur vie roman­tique à Mos­cou, les diri­geants du par­ti bul­gare ont déci­dé de trans­por­ter la rivière-port de Mos­cou chez nous en Bul­ga­rie. D’un point de vue éco­no­mique, tech­nique et esthé­tique, la réa­li­sa­tion de ce rêve, la créa­tion d’une mer dans la plaine de Sofia, est aus­si absurde que par exemple la réa­li­sa­tion d’un oasis de désert dans la plaine fer­tile de Plov­div. Je sup­pose même que le terme « mer de Sofia » cor­res­pond à des manies d’a­do­les­cents qui aiment exa­gé­rer pour épa­ter le public.

Le mal­heur dans cette affaire est que ces hommes qui ont le droit de rêver comme tout le monde, dirigent le pays et pos­sèdent un pou­voir si illi­mi­té qu’ils peuvent impo­ser n’im­porte quoi, même le plus absurde. En plus, dans cette entre­prise, les frais étaient pour les autres. La ques­tion aurait pu être dif­fé­rente si les gens du Comi­té Cen­tral, du Polit­bu­ro et d’autres ins­tances suprêmes avaient été obli­gés de venir creu­ser eux-mêmes les canaux, ou si quel­qu’un leur avait deman­dé de payer eux mêmes la réa­li­sa­tion de leur rêve. La chose qu’on trouve en der­nier chez eux, c’est le sens de la responsabilité.

Ain­si au début des années cin­quante, à l’é­poque où toute notre éco­no­mie était déré­glée avec de la misère dans tout le pays, nous avons été appe­lés à com­men­cer la construc­tion de la « mer de Sofia », ce qui consis­tait à réa­li­ser un sys­tème de canaux et de lacs. D’a­près ce que je sais, les experts tech­niques consul­tés ont tous été contre ce pro­jet. Et mal­gré cela le par­ti a mis sa machine en route, et mal­heur à ceux qui osaient s’y oppo­ser. Chaque citoyen de la « grande Sofia » était obli­gé de don­ner un cer­tain nombre de jour­nées de tra­vail gra­tuites et « volon­taires », entre 3 et 20 jours selon les caté­go­ries. Et comme tous ces volon­taires étaient déjà enga­gés dans un tra­vail, ce tra­vail sup­plé­men­taire, cette cor­vée, devait se faire pen­dant les jours de repos et pen­dant les congés annuels.

Mais voi­là, notre chef Tcher­ken­kov brû­lait d’im­pa­tience pour pou­voir voya­ger en yacht de Pant­che­re­vo à Pav­lo­vo, le plus tôt pos­sible. La réa­li­sa­tion de ce pro­jet lui sem­blait très lente. Ain­si est arri­vé un jour un décret qui impo­sait à ceux qui devaient tra­vailler sur le canal de faire cette cor­vée pen­dant leur temps de tra­vail habi­tuel. D’un coup, et pen­dant quelques années, chaque été et chaque automne, toute notre admi­nis­tra­tion et même notre pro­duc­tion étaient com­plè­te­ment per­tur­bées. Un grand nombre de bureaux, cer­taines uni­tés de pro­duc­tion dans les entre­prises étaient obli­gés de fer­mer quelques jours par semaine car leur per­son­nel était employé en dehors de la ville pour réa­li­ser le rêve de Tcher­ven­kov. Pour ne pas aban­don­ner com­plè­te­ment les plans de pro­duc­tion dans l’in­dus­trie, le plus grand poids de ce tra­vail est retom­bé sur les employés, le sec­teur ter­tiaire, les cadres administratifs.

Le matin de bonne heure, nous nous réunis­sions, en des points déter­mi­nés, ensuite en camion et en chan­tant nous étions trans­por­tés vers nos objec­tifs de tra­vail, un fos­sé à creu­ser long de plu­sieurs kilo­mètres. La plu­part des gens ame­nés là était des femmes, des jeunes filles qui ne savaient même pas manier les ins­tru­ments, de simples pelles et pioches. Le résul­tat de leurs efforts était plus que lamen­table. Je doute per­son­nel­le­ment que la terre creu­sée ne dépas­sait pas en moyenne par jour un seau par indi­vi­du. Des mil­liers de jour­nées de tra­vail ont été gas­pillées pour rien, pour un tra­vail que deux machines, bull­do­zer, pel­le­teuse, auraient ter­mi­né en quelques mois.

Je me suis deman­dé à l’é­poque pour­quoi on n’u­ti­li­sait pas ces tech­niques, des machines effi­caces. La réponse, inévi­ta­ble­ment, était que la construc­tion de cette mer arti­fi­cielle était consi­dé­rée comme un moyen édu­ca­tif et sur­tout comme un moyen de ter­ro­ri­ser les gens, pour exer­cer sur eux une pres­sion constante et tel­le­ment absurde que sou­vent leurs nerfs cra­quaient. Ceux qui se révol­taient étaient aus­si­tôt envoyés en camp de tra­vail, et pour plu­sieurs mois. Il faut le dire, la pro­vo­ca­tion était de taille parce qu’il était dif­fi­ci­le­ment ima­gi­nable pour n’im­porte quel cri­tique rai­son­nable de pen­ser, même pour une seconde, qu’il se pro­mè­ne­ra un jour en bateau entre Sofia et Vito­cha. Même les membres du par­ti les plus fana­tiques, les plus dis­ci­pli­nés cri­ti­quaient dans leur for inté­rieur ou entre amis cette folie. Des res­pon­sables du par­ti enga­gés dans le tra­vail de pro­duc­tion et dans le plan s’é­le­vaient presque ouver­te­ment contre, quand on pre­nait leurs tra­vailleurs pour les envoyer dans la « construc­tion navale ». En un mot, il mon­tait de la base une vraie vague de cri­tiques et de refus de cette inep­tie évi­dente. Mais cela n’empêchait pas le tra­vail sur les canaux de conti­nuer Je ne me rap­pelle pas exac­te­ment com­bien de temps il a duré, peut-être sept ans, peut-être même plus, dix ans.

Pen­dant ce temps, il était habi­tuel d’ob­te­nir la réponse sui­vante quand on cher­chait quel­qu’un : il fait sa jour­née de tra­vail au canal. Quand le temps n’é­tait pas clé­ment, quand la pluie appa­rais­sait sur les canaux, les jours sui­vants ils étaient au lit, l’ab­sen­téisme au tra­vail aug­men­tait. Je ne crois pas qu’il a exis­té dans toute la Bul­ga­rie un autre tra­vail impo­sé qui a pro­vo­qué un mécon­ten­te­ment plus grand que celui de cette « mer de Sofia ». Com­bien de fois des femmes ont pleu­ré devant moi parce qu’elles ne pou­vaient même pas voir leurs enfants, leurs jours de repos étant consa­crés au canal.

Avec le temps, avec les années, l’en­thou­siasme du par­ti et des jour­na­listes pour le canal a dimi­nué. Ils avaient décou­vert d’autres objec­tifs de mobi­li­sa­tion des masses. Mais le tra­vail ne s’est pas arrê­té pour autant, il a seule­ment dimi­nué régu­liè­re­ment ; on a conti­nué à envoyer des gens tra­vailler au canal jusques dans les années soixante ou presque. Je me rap­pelle, un jour j’é­tais dans la salle de rédac­tion du « Front lit­té­raire » quand le rédac­teur en chef Goch­kine a annon­cé avec mépris que la construc­tion du canal était arrêtée.

Il semble que les ingé­nieurs ont fait un essai, et le canal n’est pas arri­vé à rete­nir l’eau. Il était situé entre Sofia et la mon­tagne de Vito­cha, donc plus haut que la capi­tale, et cette der­nière est construite sur l’an­tique cité de Ser­di­ka dont les cana­li­sa­tions romaines per­sistent sous les fon­da­tions. Les eaux de la future mer de Sofia auraient ain­si pu com­plè­te­ment inon­der et même sub­mer­ger toute la ville. Ce fut offi­ciel­le­ment la fin de la pre­mière par­tie de cette tra­gi-comé­die com­mu­niste, appe­lée « la mer de Sofia », c’est à dire le creu­se­ment du futur lit de cette mer.

Mais en réa­li­té le tra­vail n’é­tait pas ter­mi­né : dans un deuxième temps, il fal­lait com­plè­te­ment com­bler les canaux creu­sés, et cela par le même moyen, les mêmes hommes et femmes incon­nus et ordi­naires qui avaient déjà fait le tra­vail dans l’autre sens. Ce nou­veau tra­vail lui aus­si a duré quelques années et a pro­vo­qué autant de mécon­ten­te­ment et de misère. Per­son­nel­le­ment je n’ai pas par­ti­ci­pé à la deuxième par­tie car j’a­vais entre temps chan­gé de tra­vail ce qui me dis­pen­sait de cette corvée.

Dos­toievs­ki dans ses « Sou­ve­nirs de la mai­son des Morts » décrit les dif­fé­rentes formes de puni­tion que le direc­teur de la « Kator­ga » sibé­rienne, un major sadique qui se fai­sait lui-même appe­ler « tsar de Dieu» ; les pri­son­niers pou­vaient sup­por­ter les puni­tions les plus dures, mais ce qui les démo­lis­sait le plus c’é­tait le sen­ti­ment d’ab­sur­di­té quand le direc­teur les obli­geait à rem­plir de seaux d’eau un ton­neau sans fond.

La mer de Sofia avec ses canaux navi­gables était un ton­neau sans fond dans lequel ont dis­pa­ru non seule­ment le tra­vail et la peine de mil­liers de gens pen­dant des mil­liers de jour­nées de tra­vail, mais aus­si autant d’argent gas­pillé. Après des années pour creu­ser, puis pour com­bler ce qui était creu­sé, une nuit, l’é­cri­teau de la gare de Pav­lo­vo « Ici futur port de Pav­lo­va » dis­pa­ru. Comme dans un crime, les témoins effacent toutes leurs traces, tous les indices. Ain­si chez nous aujourd’­hui, on ne trouve plus aucune trace ni des canaux, ni des bateaux, ni des ports dans le ter­ri­toire des vil­lages de Dra­ga­lev­zi, Simeo­no­vo ou Drve­nit­za par où devait pas­ser cette voie navigable

Mais il y a une chose qu’on ne peut pas effa­cer mal­gré le temps et mal­gré le bruit étour­dis­sant des haut-par­leurs du par­ti : les sou­ve­nirs des mil­liers et des mil­liers de gens qui répètent même aujourd’­hui avec dif­fé­rents variantes le célèbre mot d’es­prit de ce simple pay­san de Dra­go­lev­zi à qui on repro­chait d’ar­ri­ver en retard à son tra­vail : « Hé, j’ai atten­du le bateau, j’ai atten­du, il n’est pas venu, je suis par­ti à pied…»

Pour moi, cette mal­heu­reuse his­toire de la mer de Sofia est vrai­ment carac­té­ris­tique car elle illustre d’une manière vrai­ment typique l’ir­res­pon­sa­bi­li­té du régime en Bulgarie.

Si une affaire sem­blable arri­vait dans un état bour­geois, l’i­dée même d’un tel pro­jet serait détaillé par la presse, sur­tout par la presse d’op­po­si­tion sous tous ses aspects tech­niques éco­no­miques, etc.; si mal­gré cela on ten­tait l’ex­pé­rience, avec un même résul­tat, le gou­ver­ne­ment tom­be­rait pro­ba­ble­ment. Ce qui est chez nous impos­sible. La presse offi­cielle n’a pas dit un mot, bien que tous les rédac­teurs consi­dé­raient la chose comme une lubie, une folie.

Quand nos organes du par­ti osent par­ler d’hon­nê­te­té, il faut dire que l’his­toire de la mer de Sofia les a mar­qués pour tou­jours du sceau de la mal­hon­nê­te­té. Aucun membre du par­ti n’a jamais osé s’op­po­ser à cet énorme gas­pillage de forces humaines et maté­rielles, à ce gâchis. La morale du par­ti s’est expri­mée sous son vrai visage, celui de la ser­vi­li­té, de la com­plai­sance, de la com­pli­ci­té avec le chef du moment. Remar­quons bien que, même aujourd’­hui, aucune cri­tique, encore moins aucune auto-cri­tique sous n’im­porte quelle forme n’a été for­mu­lée au sujet de cette his­toire. Aucune res­pon­sa­bi­li­té n’a été recher­chée, per­sonne n’a été puni. Le sen­ti­ment de res­pon­sa­bi­li­té a dis­pa­ru dans le ton­neau sans fond dont j’ai par­lé. Ce phé­no­mène qui est impen­sable pour n’im­porte quelle socié­té qui se res­pecte, est chez nous une chose normale.

Quand je me rap­pelle les pluies tor­ren­tielles sur des mil­liers de gens mouillés jus­qu’aux os, dans la boue, à Dra­go­lev­zi, secré­taires, dac­ty­los, méde­cins, tech­ni­ciens, den­tistes, etc… je me demande avec quel cou­rage nos jour­na­listes font un bruit du diable parce qu’un ouvrier a volé une baga­telle de 20 cen­times. Com­ment peuvent-ils par­ler de vol, quand ils ferment les yeux devant une affaire aus­si mons­trueuse que cette his­toire mari­time. Com­ment les agi­ta­teurs du par­ti osent par­ler d’hon­nê­te­té civique, quand eux-mêmes embarquent en camions et à deux fois les gens, une fois pour qu’ils creusent, une fois pour qu’ils comblent les trous. Et dans le Comi­té Cen­tral du Par­ti, organe suprême du pays, existe-t-il un seul homme probe pour poser la seule ques­tion impor­tante : qui va payer l’addition ?

Quel « cre­do » com­mu­niste chantent les dizaines de petits poètes quand tout un peuple est trai­té avec un tel mépris. Il est pro­bable que ceux du Comi­té Cen­tral ne savent rien, ne se rap­pellent rien car aucun par­mi eux n’est jamais allé ni creu­ser ni effa­cer la mer de Sofia.

Guéor­gui Markov
(tra­duit du bul­gare par Iztok)


Dans le même numéro :


Thèmes


Si vous avez des corrections à apporter, n’hésitez pas à les signaler (problème d’orthographe, de mise en page, de liens défectueux…

Veuillez activer JavaScript dans votre navigateur pour remplir ce formulaire.
Nom

La Presse Anarchiste