La Presse Anarchiste

Éditorial


Toi qui as bles­sé un faible en mépri­sant son malheur,
ne te crois pas en sûre­té, le poète se souvient.
Tu peux le tuer, un autre naî­tra, tous les actes, toutes les
paroles res­te­ront en mémoire.

Milosz
(texte gra­vé sur le monu­ment devant le chan­tier naval de Gdansk)


« La nor­ma­li­sa­tion c’est aus­si plus encore que la peur, l’a­pa­thie et la rési­gna­tion. La nor­ma­li­sa­tion ne réus­sit que lorsque les gens n’ont plus d’es­poir, lors­qu’ils ne croient plus à une alter­na­tive, lors­qu’ils sont convain­cus que toute ten­ta­tive de résis­tance n’est qu’une folie, le plus sûr che­min du sui­cide col­lec­tif ou individuel…

La nor­ma­li­sa­tion est ache­vée au moment où la vic­time devient com­plice de son bourreau.

La nor­ma­li­sa­tion est accom­plie au moment où l’homme qui signe la décla­ra­tion de loyau­té trans­forme son humi­lia­tion en agres­sion contre ceux qui ont le cou­rage de résister.

La nor­ma­li­sa­tion exige donc que s’ef­face la démar­ca­tion entre le bour­reau et la vic­time, entre la véri­té et le mensonge. »

Alek­san­der Smo­lar, Paris, février 1982 (in « L’Alternative »)

 

(Le mot « nor­ma­li­sa­tion » a été inven­té par la dic­ta­ture mar­xiste après l’in­va­sion de la Tché­co­slo­va­quie par les chars du Pacte de Var­so­vie. Le nor­mal pour eux c’est le refus du prin­temps de Prague.)

Dans l’é­di­to­rial de notre pré­cé­dent numé­ro (Iztok, sep­tembre 1981), nous avons dis­cu­té l’é­ven­tua­li­té d’ar­rê­ter notre revue en fran­çais (l’é­di­tion en bul­gare conti­nue tou­jours). Et voi­là, nous com­men­çons une nou­velle série, plus modeste, plus espa­cée. Ce numé­ro est presque entiè­re­ment consa­crée à la Pologne 1980 – 81. C’est son exemple, sa leçon, qui nous a presque obli­gé à conti­nuer nous aus­si, nos efforts. Nous sommes conscients de nos insuf­fi­sances, nos dif­fi­cul­tés, nos fai­blesses, mais mal­gré cela nous sommes conscients aus­si de la néces­si­té de par­ti­ci­per (avec nos moyens et dans nos limites) à cette tâche qui est devant nous tous, émi­grés poli­tiques de l’Est, res­ca­pés des luttes pas­sées dans nos pays. Pour ser­vir pré­ci­sé­ment de mémoire à ceux qui sont réduits au silence, et pour lut­ter contre l’a­pa­thie et la rési­gna­tion quand la répres­sion frappe trop fort.

Iztok


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