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Toi qui as blessé un faible en méprisant son malheur,
ne te crois pas en sûreté, le poète se souvient.
Tu peux le tuer, un autre naîtra, tous les actes, toutes les
paroles resteront en mémoire.
(texte gravé sur le monument devant le chantier naval de Gdansk)
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« La normalisation c’est aussi plus encore que la peur, l’apathie et la résignation. La normalisation ne réussit que lorsque les gens n’ont plus d’espoir, lorsqu’ils ne croient plus à une alternative, lorsqu’ils sont convaincus que toute tentative de résistance n’est qu’une folie, le plus sûr chemin du suicide collectif ou individuel…
La normalisation est achevée au moment où la victime devient complice de son bourreau.
La normalisation est accomplie au moment où l’homme qui signe la déclaration de loyauté transforme son humiliation en agression contre ceux qui ont le courage de résister.
La normalisation exige donc que s’efface la démarcation entre le bourreau et la victime, entre la vérité et le mensonge. »
(Le mot « normalisation » a été inventé par la dictature marxiste après l’invasion de la Tchécoslovaquie par les chars du Pacte de Varsovie. Le normal pour eux c’est le refus du printemps de Prague.)
Dans l’éditorial de notre précédent numéro (Iztok, septembre 1981), nous avons discuté l’éventualité d’arrêter notre revue en français (l’édition en bulgare continue toujours). Et voilà, nous commençons une nouvelle série, plus modeste, plus espacée. Ce numéro est presque entièrement consacrée à la Pologne 1980 – 81. C’est son exemple, sa leçon, qui nous a presque obligé à continuer nous aussi, nos efforts. Nous sommes conscients de nos insuffisances, nos difficultés, nos faiblesses, mais malgré cela nous sommes conscients aussi de la nécessité de participer (avec nos moyens et dans nos limites) à cette tâche qui est devant nous tous, émigrés politiques de l’Est, rescapés des luttes passées dans nos pays. Pour servir précisément de mémoire à ceux qui sont réduits au silence, et pour lutter contre l’apathie et la résignation quand la répression frappe trop fort.
Iztok