La Presse Anarchiste

La Bulgarie, rapport d’Amnesty International

Les recherches d’Amnesty Inter­na­tio­nal ont por­té sur l’existence et l’application d’une légis­la­tion limi­tant l’exercice des droits de l’homme, les empri­son­ne­ments poli­tiques, les vio­la­tions des règles inter­na­tio­nales sur les enquêtes avant pro­cès, la pro­cé­dure des tri­bu­naux, le mau­vais trai­te­ment des déte­nus, les mau­vaises condi­tions dans les pri­sons, et la peine de mort.

Enva­vril 1981, Amnes­ty Inter­na­tio­nal a écrit à Todor Jiv­kov, chef de l’État et Secré­taire Géné­ral du Par­ti Com­mu­niste Bul­gare, deman­dant l’amnistie pour tous les pri­son­niers d’opinion, à l’occasion de la célé­bra­tion du 1500ème anni­ver­saire de l’État bulgare.

En dépit des garan­ties des liber­tés de paroles, de la presse, des réunions et des asso­cia­tions, pré­vues par la consti­tu­tion, les per­sonnes qui ont exer­cé ces liber­tés dans un sens non approu­vé par les auto­ri­tés, bien que sans vio­lence, ont été arrê­tées d’après le code cri­mi­nel. Lju­ben Sobad­sciev de Rous­sé pour la libé­ra­tion duquel Amnes­ty Inter­na­tio­nal a œuvré depuis son juge­ment en 1978, a été arrê­té d’après les articles 108, 109 et 113 du code cri­mi­nel pour avoir dis­tri­bué dans un super­mar­ché des tracts dans les­quels il cri­ti­quait la poli­tique offi­cielle et se plai­gnait des pénu­ries ali­men­taires. Il a été condam­né à 4 ans et demi de pri­son. L’article 108 fait de « l’agitation ou la pro­pa­gande anti-éta­tique » un délit jus­ti­ciable de 0 à 5 ans de pri­son ; l’article 109 requiert 3 à 12 ans de pri­son pour « avoir for­mé ou être membre d’une orga­ni­sa­tion dont les acti­vi­tés sont diri­gées contre l’État» ; l’article 113 requiert les mêmes peines contre les gens qui ont com­mis ces délits envers un autre État de travailleurs.

L’émigration est sévè­re­ment limi­tée par le gou­ver­ne­ment, et, comme dans les années pré­cé­dentes, Amnes­ty Inter­na­tio­nal a recher­ché les cas d’inculpés pour avoir ten­té de quit­ter le pays sans auto­ri­sa­tion offi­cielle. D’après l’article 279 du code cri­mi­nel ils peuvent être condam­nés jusqu’à 5 ans de pri­son et 3000 levas d’amende. En novembre 1980, Amnes­ty Inter­na­tio­nal a com­men­cé à étu­dier le cas de Sotil Iliev, archi­tecte âgé de 33 ans, de Plov­div, qui a deman­dé l’asile poli­tique à Vienne en mars 1980 après avoir quit­té la Bul­ga­rie sans auto­ri­sa­tion offi­cielle. Le 11 avril, il a dis­pa­ru de Vienne ; il a par la suite été jugé en Bul­ga­rie et condam­né à 18 mois de pri­son. Les auto­ri­tés autri­chiennes ont enta­mé une pro­cé­dure légale contre « X » tenu res­pon­sable de sa dis­pa­ri­tion ; il est appa­ru qu’il a été kid­nap­pé à Vienne par des agents bul­gares de la sécu­ri­té d’état. Il a été rap­por­té que Sotir Iliev est à la pri­son cen­trale de Sofia.

Amnes­ty Inter­na­tio­nal a appris que Dimi­tar Kolev, pri­son­nier d’opinion adap­té par A.I., accu­sé d’avoir cher­ché à quit­ter la Bul­ga­rie sans auto­ri­sa­tion offi­cielle, a été relâ­ché en mai 1980 en très mau­vais état de santé.

Amnes­ty Inter­na­tio­nal a conti­nué d’é­tu­dier les cas des trois Pomaks (bul­gares de reli­gion musul­mane) – Baj­ram Gai­tov, Jumer Ilans­ki et Mr Bun­zev – qui ont été condam­nés jus­qu’à 20 ans de pri­son en 1973 après avoir pro­tes­té contre la poli­tique offi­cielle d’as­si­mi­la­tion for­cée par laquelle les Pomaks étaient obli­gés de chan­ger leurs noms musul­mans en noms bulgares.

Amnes­ty Inter­na­tio­nal s’est inté­res­sé aux témoi­gnages conti­nuels sur les mau­vais trai­te­ments desc­dé­te­nus pen­dant les enquêtes pré­li­mi­naires du Dépar­te­ment d’en­quête du Centre de Sécu­ri­té d’é­tat de la rue Raz­vi­gor à Sofia. D’a­près la loi bul­gare, une per­sonne peut être gar­dée en pri­son jus­qu’à dix jours avant d’être offi­ciel­le­ment incul­pé. Pen­dant l’en­quête pré­li­mi­naire qui peut durer six mois, l’ac­cu­sé a le droit d’a­voir un avo­cat uni­que­ment sur auto­ri­sa­tion du Pro­cu­reur. Plu­sieurs anciens pri­son­niers ont rap­por­té que des pres­sions leurs ont été faites pour leur extor­quer des confes­sions. Ils ont dit qu’ils ont été mena­cés, sou­mis à des vio­lences, bat­tus avec des matraques, inter­ro­gés pen­dant de longues périodes et pri­vés de som­meil ; dans deux cas, ils ont été trans­por­tés à l’hô­pi­tal psy­chia­trique de Sofia « 4ème kilo­mètre » et dro­gués de force.

Beau­coup de pri­son­niers poli­tiques ont eu l’aide mini­mum d’un avo­cat qui était en géné­ral payé par l’é­tat et il y a eu des plaintes rela­tives au fait que les dos­siers ont été remis aux avo­cats quelques jours avant le pro­cès, étant mis ain­si dans l’in­ca­pa­ci­té de pré­pa­rer la défense adé­quate. Les pro­cès poli­tiques ont fré­quem­ment lieu à huis clos quoique le ver­dict soit pro­non­cé en Cour ouverte.

Les condi­tions de vie dans la pri­son cen­trale de Sofia où se trouvent quelques pri­son­niers d’o­pi­nion sont rap­por­tées comme sur­peu­plées, sans hygiène et bien en des­sous des stan­dards recon­nus internationalement.

La majo­ri­té des pri­son­niers d’o­pi­nion adop­tés purgent leur peine à la pri­son de haute sécu­ri­té de Sta­ra Zago­ra. D’an­ciens pri­son­niers ont éta­bli que la popu­la­tion de la pri­son de Sta­ra Zago­ra a varié dans la der­nière décen­nie entre 900 et 1400, et esti­mé le nombre des pri­son­niers poli­tiques à à peu près 230. Il a aus­si été dit que envi­ron 15% de tous les pri­son­niers de Sta­ra Zago­ra ont été condam­nés pour avoir ten­té de tra­ver­ser la fron­tière sans auto­ri­sa­tion, mais Amnes­ty Inter­na­tio­nal n’a pas pu le véri­fier. Des rap­ports ont sou­vent signa­lé la sur­po­pu­la­tion de la pri­son de Sta­ra Zago­ra ; les pri­son­niers poli­tiques étaient déte­nus dans les sec­teurs 1 à 6 de la pri­son, dans des cel­lules mesu­rant envi­ron 4m sur 2m logeant 4 per­sonnes. Les pri­son­niers se sont plaints du bruit des hauts par­leurs qui dif­fusent la radio, et ont sup­po­sé que ces hauts par­leurs cachaient un équi­pe­ment d’é­coute. Bien que les condi­tions de Sta­ra Zago­ra semblent en géné­ral meilleures que celles de la pri­son cen­trale de Sofia, les pri­son­niers se plaignent de condi­tions de tra­vail dif­fi­ciles. La nour­ri­ture est décrite comme maigre et les pri­son­niers doivent la com­plé­ter avec celle du maga­sin de la pri­son ou de leurs familles. Les soins médi­caux consistent en deux visites par semaine de deux heures par un méde­cin et un den­tiste. C’est tout à fait insuf­fi­sant et à d’autres moments les pri­son­niers n’ob­tiennent qu’un soin médi­cal de base mini­mum. Les pri­son­niers ont aus­si rap­por­té avoir été punis pour des fautes mineures par l’i­so­le­ment avec des rations de nour­ri­ture très réduites dans une cel­lule non chauf­fée sans toi­lettes ni eau. En per­met­tant aux pri­son­niers de pas­ser une nuit dans leur propre cel­lule avant de les envoyer à l’i­so­le­ment, les auto­ri­tés de la pri­son ont par­fois pro­lon­gé cette puni­tion bien au-delà du maxi­mum de deux semaines.

Le code cri­mi­nel retient la peine de mort pour 29 crimes. Amnes­ty Inter­na­tio­nal a appris deux exé­cu­tions pen­dant l’an­née. Un rap­port de presse du 27/​8/​1980 annon­çait que Anton Dimi­trov Andreev, condam­né à mort par la cour du Dis­trict de Karddz­ha­li pour le meurtre « par­ti­cu­liè­re­ment cruel » de sa femme enceinte âgée de 18 ans, avait été exé­cu­té. Le 20/​11/​1980, l’exé­cu­tion de Tsa­no Niko­lov Petrov a été annon­cée. Il a été condam­né à mort par la cour du Dis­trict de Vidine pour le meurtre « pré­mé­di­té et par­ti­cu­liè­re­ment cruel » d’une jeune femme.

Amnes­ty International


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