Nous n’avons pas abordé le surréalisme à l’Est pour faire un tant soit peu une place à la culture dans une revue plus généralement politique. A l’inverse, c’est parce que le surréalisme n’est pas l’avant-garde étroitement culturelle à quoi la critique d’art, les consommateurs de musée, voire certains « surréalistes » réduisent ce mouvement, que nous avons souhaité lui consacrer quelques pages. Le surréalisme s’est proposé de « changer la vie », ce qui signifie ici cesser de séparer la beauté et le vécu, en abolissant la beauté spectacle et en faisant de l’art une vie.
Par beauté, le surréalisme entend non la beauté contemplée, mais le merveilleux [[« Le merveilleux est toujours beau, n’importe quel merveilleux est beau, il n’y a même que le merveilleux qui soit beau » (Breton, Manifeste de 1924).]] que délivre la poésie lorsqu’elle est exercée en l’absence du contrôle de la raison.
L’art non séparé de la vie ? s’étonnera le premier imbécile ou récupérateur venu en se faisant un devoir d’opposer à ce projet les récits, les poèmes et les tableaux surréalistes, « œuvres d’art ». Mais ces œuvres surréalistes, on ne saurait en faire de purs objets esthétiques que dans la mesure où, précisément, on les sépare de l’acte de poésie qui préside à leur élaboration et par lequel rêve et réalité fusionnent.
Bref, alors que la révolution ne peut être que totale ― émancipation qui, cela va de soi, touche aux conditions matérielles, sociales et politiques, mais aussi, complémentairement, libération de l’esprit des dualismes qui mutilent l’homme et, identiquement, libération de la vie quotidienne, il nous a semblé bon, entre autres choses, de ramener au moyen de ce rapide aperçu l’idée de « changer la vie » parmi les libertaires.
D.S.