Le texte qui suit est extrait d’une interview d’Henri Wujec, ancien membre du KOR et en-fondateur à l’époque de Gierek de la revue Robotnik (L’Ouvrier), spécialisée dans les problèmes ouvriers et syndicaux. Cette interview est parue dans Wola (Varsovie) n°39 (165), 4e année, 9 décembre 1985.
Q. — Comment vois-tu la façon dont se retrouvent dans Solidarność les jeunes pour qui août [80] fut un événement d’enfance ou de prime adolescence ?
R. — Sur le thème des opinions des jeunes, il m’est difficile de répondre car je ne connais aucun résultat d’étude. Souvent, je me suis trouvé face à l’opinion, notamment dans la presse gouvernementale, que tout est indifférent aux jeunes, qu’ils s’intéressent principalement à la musique, aux choses matérielles. Peut-être cela touche-t-il même la majorité des jeunes. En comparant ce que je vois maintenant avec les années soixante-dix, je vois toutefois une très grande animation des jeunes dans différents milieux. Pas seulement chez les étudiants, comme dans la deuxième moitié des années soixante-dix quand ils animaient les SKS [[ Comités de Solidarité des Étudiants ou Comités étudiants d’autodéfense. Cette signature apparaît pour la première fois le 15 mai 1977 au bas d’un texte contre la répression, à la suite d’une manifestation à la mémoire de Stanislaw Pyjas, assassiné une semaine auparavant par la SB.]]. C’est un mouvement hétérogène, qui se développe à l’intérieur de Solidarność. Il y a parmi les jeunes des groupes anarchistes, il y a un important groupe en liaison avec la Fédération de la Jeunesse combattante, il y a le mouvement scout indépendant, il y a le Mouvement de Résistance de la Jeunesse. Ces groupes ne se sont pas encore déterminés, la majorité d’entre eux ressent le besoin d’une liaison avec Solidarność et s’efforce de prendre part à ses actions, comme les distributions de tracts, les comptages lors des boycotts, etc. Il est du devoir des militants de Solidarność d’aider ces groupes dans l’organisation des rencontres, des conférences, de la presse, des livres. Ils recherchent cette aide. Il faut aussi les faire participer à des actions communes. Oui, afin que ce soit la continuation de Solidarność. Même si certains sont des groupes extrémistes, la majorité des groupes de jeunes s’efforce de rester réaliste. Ils voient devant eux une bonne perspective pour se former, pour participer ensuite activement à la vie sociale.