La Presse Anarchiste

Communiqué public Solidarnosc /​ Movimiento Sindical Unitario

Le 21 mai 1987 s’est tenue à Var­so­vie une réunion à laquelle ont pris part une délé­ga­tion repré­sen­tant le Movi­mien­to sin­di­cal uni­ta­rio (M.S.U.) chi­lien et le comi­té régio­nal de Var­so­vie du syn­di­cat Soli­dar­nosc. Cette ren­contre a débou­ché sur un com­mu­ni­qué public com­mun. Indé­pen­dam­ment de nos réserves quant à son conte­nu poli­tique (cf le rôle attri­bué au pape) et de l’am­bi­guï­té de cer­tains pas­sages de la tra­duc­tion dont nous dis­po­sons, nous publions ce texte dans son inté­gra­li­té en rai­son de son inté­rêt comme docu­ment. Il s’a­git, en effet, d’une pre­mière dans les rap­ports entre l’op­po­si­tion en Amé­rique latine et en Europe de l’Est. Le M.S.U. est né en juillet 1984 à par­tir de la coor­di­na­tion d’or­ga­ni­sa­tions de base des prin­ci­pales régions indus­trielles du pays. Cette impor­tante com­po­sante de l’ac­tuel mou­ve­ment syn­di­cal chi­lien se défi­nit comme « anti­ca­pi­ta­liste et pour une socié­té éga­li­taire et libre aus­si bien sur le plan éco­no­mique que politique ».

Lors de nos conver­sa­tions, la simi­li­tude du sort de la Pologne et du Chi­li nous est appa­rue avec évi­dence. Les socié­tés chi­lienne et polo­naise se sont vues reti­rer par la force les droits dont elles devraient avoir la pleine jouis­sance. Les régimes domi­nants dans les deux cas per­sé­cutent et détruisent toute acti­vi­té libre et orga­ni­sée et, en par­ti­cu­lier, l’ac­ti­vi­té libre des syn­di­cats. La forme de gou­ver­ne­ment des deux pays, ni vou­lue ni contrô­lée par la socié­té civile, a appor­té une crise éco­no­mique et sociale inté­grale et pro­fonde. Les gou­ver­ne­ments ont intro­duit des réformes de rac­com­mo­dage mais celles-ci se sont révé­lées inef­fi­caces, l’ob­jec­tif des gou­ver­ne­ments étant leur main­tien au pou­voir et non le bien-être de la société.

Nous croyons que la seule voie pour chan­ger cette situa­tion dans nos pays est celle de larges et pro­fonds chan­ge­ments démo­cra­tiques qui ren­dront pos­sible la par­ti­ci­pa­tion réelle des socié­tés dans la prise des déci­sions tou­chant les pro­blèmes qui les concernent. Dans la pers­pec­tive des chan­ge­ments démo­cra­tiques, la lutte pour le droit strict à la liber­té et au plu­ra­lisme syn­di­caux, qui consti­tuent des bases fon­da­men­tales du plu­ra­lisme social et poli­tique, nous semble consti­tuer un élé­ment de la plus haute importance.

Nous sommes per­sua­dés que le mou­ve­ment syn­di­cal doit jouer un rôle auto­nome, qu’il ne doit être assu­jet­ti à aucun par­ti poli­tique ni se mettre au ser­vice de la réa­li­sa­tion de ses inté­rêts par­ti­cu­liers, pas plus qu’il ne doit être assu­jet­ti à un quel­conque gou­ver­ne­ment ou entre­prise. Les acti­vi­tés des orga­ni­sa­tions syn­di­cales ne doivent pas se res­treindre aux ques­tions cor­po­ra­tives et pro­fes­sion­nelles, mais se consa­crer à l’en­semble des pro­blèmes qui touchent les tra­vailleurs au sein de la société.

Une tâche pri­mor­diale du mou­ve­ment syn­di­cal consiste à gérer et mettre en pra­tique un pro­jet social réel et concret. Pour cela le mou­ve­ment syn­di­cal doit contri­buer à ins­pi­rer et à appuyer des mou­ve­ments sociaux auto­nomes : l’au­to­ges­tion dans l’en­tre­prise, l’au­to­ges­tion popu­laire dans les loca­li­tés, les mou­ve­ments édu­ca­tion­nel, cultu­rel, artis­tique, éco­lo­gique, de pro­tec­tion de la san­té et de la vie, les mou­ve­ments de jeunes, d’é­tu­diants et de femmes.

Nous voyons les pos­si­bi­li­tés de recons­truc­tion de la socié­té pré­ci­sé­ment dans le tis­sage de liens solides et soli­daires entre les dif­fé­rents mou­ve­ments sociaux. Le sys­tème démo­cra­tique auquel nous aspi­rons doit être un sys­tème qui per­mette réel­le­ment à la majo­ri­té d’ex­pri­mer sa volon­té, tout en res­pec­tant plei­ne­ment les droits de cha­cun et en garan­tis­sant aux mino­ri­tés, qu’elles soient eth­niques, pro­fes­sion­nelles ou reli­gieuses, une totale liber­té de développement.

Nous tenons à sou­li­gner, paral­lè­le­ment, la néces­si­té de la défense des inté­rêts des tra­vailleurs, ain­si que la pres­sion constante pour l’a­mé­lio­ra­tion des condi­tions de tra­vail, des mesures de sécu­ri­té dans le tra­vail, la sta­bi­li­té de l’emploi, l’ac­crois­se­ment des salaires et l’a­mé­lio­ra­tion du niveau de vie des couches popu­laires les plus défa­vo­ri­sées, des retrai­tés et han­di­ca­pés, et la réduc­tion de la jour­née de travail.

Les tra­vailleurs doivent avoir la garan­tie du droit à la négo­cia­tion col­lec­tive avec les employeurs et du droit de grève sans bar­rières ni limites. Le mou­ve­ment syn­di­cal a comme but de créer des condi­tions de tra­vail telles que celui-ci devienne créa­tif et évi­ter qu’il soit une source de démo­ra­li­sa­tion et de perte de la san­té. Nous croyons que les tâches des syn­di­cats ne peuvent être rem­plies que lorsque se déve­loppent des condi­tions et formes de vie démo­cra­tiques à l’in­té­rieur des orga­ni­sa­tions, lorsque les uni­tés de base du syn­di­ca­lisme sont auto­gé­rées et que les membres du syn­di­cat peuvent de façon active influen­cer la poli­tique et l’ac­ti­vi­té de leur orga­ni­sa­tion syndicale.

Nos expé­riences et les idées qui en sont sor­ties, nous amènent à condam­ner les sys­tèmes tota­li­taires et dic­ta­to­riaux de tout type fon­dés sur la vio­lence indé­pen­dam­ment de l’i­déo­lo­gie dont ils se proclament.

Nous condam­nons l’ex­ploi­ta­tion éco­no­mique et sociale tant interne que celle pro­duite par la domi­na­tion de pays étrangers.

Nous affir­mons caté­go­ri­que­ment que les nations ont le plein droit à l’au­to­dé­ter­mi­na­tion et à choi­sir libre­ment leur propre des­tin. Nous sommes pro­fon­dé­ment convain­cus que la plus grave menace pour l’hu­ma­ni­té est l’exis­tence de régimes tota­li­taires et dic­ta­to­riaux et la domi­na­tion de cer­tains pays sur d’autres. La paix mon­diale ne peut être assu­rée qu’à tra­vers la coopé­ra­tion de nations libres. Toutes les inter­ven­tions exté­rieures sont dan­ge­reuses non seule­ment pour les socié­tés per­sé­cu­tées mais aus­si pour l’en­semble de l’humanité.

Nous obser­vons donc avec sym­pa­thie toutes les acti­vi­tés des mou­ve­ments pour la défense des droits de l’homme en Amé­rique latine, en Europe, en Union sovié­tique et dans le monde entier. Nous sommes éga­le­ment recon­nais­sants à toutes les orga­ni­sa­tions et per­sonnes de bonne volon­té dont les efforts ont contri­bué dans de nom­breux pays à la libé­ra­tion de pri­son­niers poli­tiques et de conscience et dont le tra­vail a fait connaître à l’o­pi­nion publique des socié­tés libres les cas du Chi­li et de la Pologne. Nous croyons que la coopé­ra­tion et l’ap­pui à ces orga­ni­sa­tions est un devoir du mou­ve­ment syndical.

Nous sou­hai­tons don­ner ici même toute sa valeur au rôle que le pape a joué à tra­vers ses visites au Chi­li et en Pologne, spé­cia­le­ment par sa condam­na­tion du non-res­pect des droits de l’homme, de l’ex­ploi­ta­tion de l’homme par l’homme et sa défense du droit légi­time des peuples à l’au­to­dé­ter­mi­na­tion. La coopé­ra­tion des mou­ve­ments syn­di­caux chi­lien et polo­nais consti­tue une par­tie de la coopé­ra­tion syn­di­cale inter­na­tio­nale. Les pro­tes­ta­tions éle­vées par les syn­di­cats de divers pays contre la per­sé­cu­tion des tra­vailleurs au Chi­li et en Pologne ont été une expres­sion de cette coopé­ra­tion. Nous vou­lons ren­for­cer le déve­lop­pe­ment de ces liens com­muns, dont la preuve a été faite dans les moments les plus durs pour nous. Ces liens sont expri­més de façon per­ma­nente par l’adhé­sion du N.S.Z.Z. Soli­dar­nosc à la C.I.S.L. et dans la soli­da­ri­té active de toutes les orga­ni­sa­tions syn­di­cales du monde avec la lutte démo­cra­tique des tra­vailleurs et du peuple chilien.

Les repré­sen­tants du M.S.U. et du R.K.W.-N.S.Z.Z. Soli­dar­nosc région de Mazowsze déclarent qu’ils conti­nue­ront à lut­ter pour la défense des tra­vailleurs, de la démo­cra­tie sociale, éco­no­mique et poli­tique, des droits des nations à l’au­to­dé­ter­mi­na­tion et au choix de leur propre destin.

Var­so­vie, le 21 mai 1987
Zbi­gniew Bujak, Kon­rad Bie­lins­ki, Ewa Kulik, Wik­tor Kulers­ki, Jan Lityns­ki, Hen­ryk Wujec
N.S.Z.Z. Soli­dar­nosc, région de Mazowsze, Pologne
Hum­ber­to Toro (pré­sident), Cigi­fre­do Vera (vice-pré­sident)
Movi­mien­to sin­di­cal uni­ta­rio (M.S.U.) Chili


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