La Presse Anarchiste

Les libertaires face au renouveau libéral à l’Est

« Les libé­raux d’une nation de gar­çons coif­feurs seront tou­jours plus gar­çons coif­feurs que libé­raux » concluent Pierre Kende et Jacques Rup­nik dans l’ar­ticle d’in­tro­duc­tion au dos­sier consa­cré par la revue L’Autre Europe (n°15 – 16) au renou­veau libé­ral à l’Est. Cette para­phrase, d’un goût dou­teux, a le mérite de signa­ler les limites de l’es­sor du libé­ra­lisme dans cette région du monde : « l’ab­sence de struc­tures et d’as­sises sociales por­teuses ». « On ne fait pas du libé­ra­lisme seule­ment avec les chauf­feurs de taxi et les patrons de res­tau­rant » pré­cisent-ils en citant des tra­vaux de socio­logues hon­grois sur « le nou­vel indi­vi­dua­lisme ou l’embourgeoisement ».

L’autre mérite de P. Kende et J. Rup­nik est de ne pas contour­ner la dif­fi­cul­té dans leur expo­sé qui fait figure, par cer­tains aspects, éga­le­ment de plai­doyer en faveur des idées libé­rales. Les par­ti­sans de celles-ci se défi­nissent par leur atta­che­ment aus­si bien à l’É­tat de droit (nous y revien­drons) qu’au mar­ché inté­gral, dans l’ac­cep­tion de l’é­cole de Vienne et de Chi­ca­go, de Von Hayek et de Mil­ton Fried­man. La confu­sion qui règne autour du libé­ra­lisme et ali­mente, à l’Est plus qu’ailleurs, sa bonne presse est ain­si par­tiel­le­ment dis­si­pée par les mises au point que les auteurs sont ame­nés à faire. Le KOR polo­nais et la SZETA (l’as­so­cia­tion hon­groise d’aide aux pauvres) pro­cé­daient d’une cer­taine idée de la jus­tice sociale et le syn­di­ca­lisme de type Soli­dar­nosc était « d’ins­pi­ra­tion chré­tienne sociale plu­tôt que libé­rale » , écrivent-ils, tan­dis que pour Von Hayek « la socié­té civile, la ratio­na­li­té éco­no­mique, c’est le mar­ché et non néces­sai­re­ment la jus­tice ». Puis, ils font remar­quer que « l’in­tro­duc­tion du mar­ché menace, bien enten­du d’a­bord, la nomenk­la­tu­ra, mais elle remet aus­si direc­te­ment en cause le contrat social tacite entre cette der­nière et la classe ouvrière (vous faites sem­blant de nous payer, on fait sem­blant de tra­vailler): la marge de liber­té que repré­sente l’in­tro­duc­tion du mar­ché est pro­por­tion­nelle à la marge d’in­sé­cu­ri­té qu’elle implique pour le mar­ché du tra­vail et les reve­nus. D’où un réflexe conser­va­teur…» « Il serait erro­né de pen­ser que par­ti­sans et adver­saires du mar­ché se divisent logi­que­ment en fonc­tion de leur appar­te­nance à l’ap­pa­reil d’É­tat ou à la société. »

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Mais alors qu’en est-il au juste du renou­veau libé­ral à l’Est et sur­tout, pour quoi faire ? Là-des­sus les auteurs se font plus vagues et plus allu­sifs en sorte que l’im­pli­cite joue un rôle clef dans leur argumentation.

« Les sources du renou­veau du libé­ra­lisme sont : la redé­cou­verte par la dis­si­dence de la notion de socié­té civile d’une part, et la redé­cou­verte paral­lèle du mar­ché et du libé­ra­lisme pour faire face à la crise et au pro­ces­sus de décom­po­si­tion de l’é­co­no­mie socia­liste, d’autre part. » écrivent les auteurs pour invo­quer ensuite pêle-mêle la défense des droits de l’homme (Charte 77, le KOR, etc.) et « le nou­vel indi­vi­dua­lisme » (non pas des patrons de res­tau­rants mais de l’é­cri­vain Gyor­gy Kon­rad), d’une part et les pro­pos de plu­sieurs éco­no­mistes non ortho­doxes mais offi­ciels polo­nais et hon­grois qui pro­posent des solu­tions néo­li­bé­rales, d’autre part. Quel est le lien entre la dimen­sion juri­dique et la dimen­sion éco­no­mique du libé­ra­lisme ? Il n’en est ques­tion nulle part. La seule remarque consis­tante sur ce rap­port est néga­tive : il s’a­git de l’op­po­si­tion citée plus haut entre la jus­tice sociale et la ratio­na­li­té éco­no­mique de Von Hayek. Par consé­quent, libre à cha­cun de choi­sir selon ses goûts et ses inté­rêts, puis d’i­ma­gi­ner, en fonc­tion de son choix, une vision har­mo­nieuse de l’en­semble. Aux géné­reux de défendre les droits de l’homme, et aux ingé­nieux d’é­la­bo­rer des pro­grammes éco­no­miques sup­po­sés effi­caces. Et à condi­tion, vrai­sem­bla­ble­ment, que les pre­miers soient com­pré­hen­sifs à l’é­gard des pro­grammes des seconds et que ceux-ci sachent se mon­trer cha­ri­tables. Un seul absent de ce scé­na­rio pour­tant très ouvert : le mou­ve­ment social. Appa­rem­ment on ne se donne même pas la peine d’en récu­pé­rer des bribes ou d’en inven­ter un pour la cir­cons­tance : il n’est même pas convié. En fait, à bien réflé­chir, les régi­ments poli­tiques, quelle que soit leur idéo­lo­gie, peuvent se pas­ser des mou­ve­ments sociaux et d’ailleurs s’en réjouissent et en font, pour la plu­part, un point d’hon­neur. Seule­ment, il y a des « acci­dents»… et là, il faut faire avec. Et quelle sera l’at­ti­tude des libé­raux devant une extré­mi­té pareille ? On ne trouve aucune pré­ci­sion là-dessus.

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Dans son récit sur la dépor­ta­tion des familles mol­daves en 1949, publié l’an der­nier en URSS (ce fut l’un des évé­ne­ments lit­té­raires de la glas­nost) Ios­sif Gue­ras­si­mov décrit une scène émou­vante : pas­sant outre le fata­lisme rési­gné de son mari («— C’est Dieu qui l’a vou­lu »), une pay­sanne s’ex­clame devant le com­mis­saire poli­tique et les sol­dats venus les arrê­ter : «— Et le juge­ment…» Était-elle par­ti­sane de l’É­tat de droit ? Pour­quoi pas ? Mais pour­quoi pas aus­si libé­rale, si les libé­raux veulent bien s’en récla­mer. C’est un peu la filia­tion que l’on nous sug­gère entre le libé­ra­lisme et les droits de l’homme ou la socié­té civile.

Bien qu’al­lu­sive cette opé­ra­tion de récu­pé­ra­tion libé­rale est aisé­ment repé­rable. Encore faut-il, et ce n’est pas le cas de tout le monde, connaître l’his­toire récente de l’op­po­si­tion à l’Est. Plu­sieurs obser­va­tions s’im­posent, ne serait-ce qu’en rai­son du fait que, en tant que liber­taires, nous sou­te­nons et par­ti­ci­pons aux luttes pour le res­pect des droits de l’homme et nous nous réfé­rons à la socié­té civile.

Des anciens mar­xistes (de tous bords : anciens com­mu­nistes, mar­xistes cri­tiques, trots­kistes, mar­xi­sants sans ou anti-par­ti, etc.) ont joué un rôle consi­dé­rable au début des reven­di­ca­tions de type droits de l’homme : au sein de la dis­si­dence en URSS (Gri­go­ren­ko, Pliouchtch…) lors de l’ap­pa­ri­tion de la Charte 77 (qui a pris en quelque sorte le relais de l’Op­po­si­tion socia­liste des anciens par­ti­sans de Dub­cek) ou de ce que l’on appelle depuis quelques années l’Op­po­si­tion démo­cra­tique en Hon­grie (dont cer­tains fon­da­teurs sont des anciens de l’É­cole de Buda­pest). Il serait ridi­cule d’at­tri­buer, de près ou de loin, la pater­ni­té de ces mou­ve­ments à la redé­cou­verte par des anciens mar­xistes des ver­tus de l’É­tat de droit, et eux-mêmes ne se sont jamais aven­tu­rés à le faire. D’a­bord parce qu’ils étaient mino­ri­taires (la plu­part des mili­tants pour les droits de l’homme ne par­ta­geant pas d’i­déo­lo­gie poli­tique spé­ci­fique), et parce qu’ils ne par­ti­ci­paient pas au mou­ve­ment et ne s’en récla­maient pas en tant que mar­xistes. Ensuite, il faut rap­pe­ler pour­quoi les reven­di­ca­tions pour la défense des droits de l’homme ont pu être expri­mées, mal­gré la répres­sion, à par­tir de la fin des années 60 dans les pays du socia­lisme réel : en rai­son du com­por­te­ment héroïque d’un cer­tain nombre de per­sonnes, et au prix d’im­por­tants sacri­fices, certes, mais aus­si dans la mesure où les régimes com­mu­nistes post-sta­li­niens ont été contraints par leurs propres contra­dic­tions internes et le rap­port de forces inter­na­tio­nal (les Accords de Hel­sin­ki), à lais­ser s’ex­pri­mer les reven­di­ca­tions de type droits de l’homme (ce qui était incon­ce­vable pen­dant la période sta­li­nienne) quitte à les répri­mer dure­ment par la suite. Cela étant, la plu­part des oppo­sants et dis­si­dents qui se réfé­raient au mar­xisme ont ces­sé de le faire notam­ment à la fin des années 70. En géné­ral, sur des posi­tions cri­tiques à l’é­gard des rap­ports entre le mar­xisme et l’é­ta­tisme et, plus rare­ment, dans la pers­pec­tive d’une cri­tique libé­rale dans l’ac­cep­tion com­plète du mot. Dans cer­tains cas, l’op­por­tu­nisme poli­tique et les phé­no­mènes de mode uni­ver­si­taire ne sont pas à exclure. Tou­jours est-il que cette évo­lu­tion a créé un vide idéo­lo­gique et que ceux qui vou­draient l’oc­cu­per sont nom­breux : y com­pris au nom de la mort des idéo­lo­gies, comme semble être le cas des adeptes du libéralisme.

La notion de socié­té civile doit son reten­tis­se­ment au relais média­tique et pré­sen­tait au départ l’a­van­tage de nom­mer, sans doute de manière approxi­ma­tive, une situa­tion excep­tion­nelle, y com­pris pour ceux qui étaient direc­te­ment impli­qués, la Pologne de 1980. Dès lors que l’on s’é­loigne de ce moment his­to­rique (plus pré­ci­sé­ment, des phé­no­mènes immé­dia­te­ment pré­cur­seurs et des formes de résis­tance à l’é­tat de guerre) et de ce pays ou que l’on s’y réfère en mar­gi­na­li­sant le rôle du mou­ve­ment Soli­dar­nosc, tous les dévoie­ments deviennent pos­sibles. La Socié­té retrou­vée, nous annonce Patrick Michel dans un récent ouvrage por­tant ce titre, grâce à l’É­glise ! En Tché­co­slo­va­quie, Hon­grie et Pologne l’É­glise serait en train de jouer un rôle déter­mi­nant dans le « pro­ces­sus de recons­ti­tu­tion et d’é­man­ci­pa­tion de la socié­té civile » et la reli­gion serait deve­nue ces der­nières années « vec­teur de désa­lié­na­tion, de déto­ta­li­sa­tion et de déso­vié­ti­sa­tion ». Qu’est-ce qui empê­che­rait donc les libé­raux, qui en l’oc­cur­rence ne se réclament pas de Soli­dar­nosc, ni de l’É­glise, de s’au­to­pro­cla­mer à leur tour repré­sen­tants de la socié­té civile ? Bien­tôt enten­dra-t-on peut-être les frac­tions éclai­rées du par­ti-État par­ler au nom de la socié­té civile à l’Est. En plus petit et plus mes­quin nous avons aus­si en France un exemple de dévoie­ment de la notion de socié­té civile : les can­di­dats pré­sen­tés par les socia­listes aux élec­tions et ensuite à des postes minis­té­riels, bien qu’ils ne fassent pas par­tie du PS, pom­peu­se­ment qua­li­fiés de « repré­sen­tants de la socié­té civile ».

Le sou­ci doc­tri­naire ne joue qu’un rôle péri­phé­rique dans l’at­ten­tion que nous accor­dons au renou­veau libé­ral à l’Est. Sur cette ques­tion nous ren­voyons le lec­teur aux décla­ra­tions des liber­taires de Gdansk sur le libé­ra­lisme et le tota­li­ta­risme com­mu­niste (cf. Iztok, n°12, pp. 10 – 14). Tout au plus pour­rions-nous rap­pe­ler deux choses. Pri­mo, si nous sommes anti­éta­tistes c’est aus­si parce que l’É­tat de droit cesse subi­te­ment d’être « de droit » lorsque le pou­voir éco­no­mique et poli­tique qu’il repré­sente ou qu’il détient est remis en ques­tion ; et il ne lésine pas sur les moyens lors­qu’il se sent mena­cé par un mou­ve­ment social auto­nome. Que le pou­voir com­mu­niste et les hié­rar­chies sur les­quelles il s’ap­puie n’ar­rivent même pas à se doter d’un sem­blant d’É­tat de droit et cumulent les abus depuis des décen­nies sur le dos de ceux qui osent se révol­ter est une chose. Pré­tendre que l’ins­tau­ra­tion d’un hypo­thé­tique État de droit serait la solu­tion des pro­blèmes de la popu­la­tion à l’Est, en est une autre. Anti­éta­tistes, nous ne trou­vons nul­le­ment contra­dic­toire avec nos convic­tions le fait d’exi­ger, à l’ins­tar de la pay­sanne de Gue­ras­si­mov et de bien d’autres, l’ap­pli­ca­tion du droit lorsque la situa­tion le réclame. Ni de par­ti­ci­per et sou­te­nir le com­bat pour le res­pect des droits de l’homme par­tout où ils sont bafoués. Secun­do : nous sommes favo­rables à la socia­li­sa­tion des moyens de pro­duc­tion, des ser­vices, de l’é­cole, etc. et par consé­quent nous n’a­vons pas à nous pro­non­cer, en atten­dant, pour ou contre le main­tien des natio­na­li­sa­tions ou l’in­tro­duc­tion du sec­teur pri­vé. Nous nous conten­tons d’es­sayer de four­nir aux gens des élé­ments cri­tiques pou­vant leur faire faire l’é­co­no­mie d’illu­sions inutiles sur une solu­tion plu­tôt qu’une autre. Pour nous, liber­taires des années 80, la socia­li­sa­tion ne sau­rait signi­fier l’ap­pli­ca­tion d’un quel­conque pro­gramme éla­bo­ré par un groupe d’ex­perts aus­si esti­mables soient-ils, ou par une avant-garde poli­tique quelque soit son orien­ta­tion et aus­si plé­bis­ci­tée soit-elle, mais la résul­tante d’une dyna­mique ouvrière et socié­taire géné­ra­li­sée, suf­fi­sam­ment mûre et active pour pré­ser­ver son auto­no­mie. Mal­gré ses carences et ses échecs, puis sa défaite, l’ex­pé­rience de Soli­dar­nosc demeure à l’Est la prin­ci­pale réfé­rence his­to­rique qui puisse nous per­mettre de conce­voir une telle dynamique.

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L’in­té­rêt que nous accor­dons au renou­veau libé­ral à l’Est porte avant tout sur ses consé­quences dans la conjonc­ture poli­tique actuelle et sur l’in­ter­ro­ga­tion qui en découle quant au rôle de l’op­po­si­tion et à ses formes de manifestation.

L’im­pact du rai­son­ne­ment et des argu­ments libé­raux à l’Est (et à pro­pos de l’Est) s’ex­plique en grande par­tie par la défaite pro­vi­soire du mou­ve­ment social en Pologne, l’ab­sence de mou­ve­ments simi­laires signi­fi­ca­tifs dans les autres pays et le rela­tif essouf­fle­ment des mou­ve­ments pour les droits de l’homme et démo­cra­tiques dû à des rai­sons très diverses : dans le cas rou­main, par exemple, la répres­sion anéan­tit ce genre de mou­ve­ments alors que dans un pays comme la Hon­grie le gou­ver­ne­ment les tolère pour mieux les cir­cons­crire 1«l’i­dée d’au­to­ges­tion semble être en grande par­tie aban­don­née. Pour deux rai­sons : l’af­fer­mis­se­ment du cou­rant libé­ral d’une part, et le pes­si­misme quant aux pos­si­bi­li­tés d’in­fluer sur l’or­ga­ni­sa­tion de la pro­duc­tion dans le sec­teur de l’é­co­no­mie de l’É­tat, de l’autre. » écrit Alexandre Smo­lar dans une étude sur l’op­po­si­tion polo­naise depuis le 13 décembre 1981 à paraître dans la série « Les crises des sys­tèmes de type sovié­tique ». On peut se pro­cu­rer ces études, en fran­çais, en écri­vant à Index e. V., Post­fach 410511, 5000 Köln 41 (R.F.A.).. Mais la per­cée libé­rale risque à son tour d’ac­cen­tuer cette défaite et cet essouf­fle­ment. Et le dan­ger poten­tiel est que le pôle libé­ral ne se trans­forme, de fac­teur de démo­bi­li­sa­tion en fac­teur de col­la­bo­ra­tion. Il ne s’a­git que d’une sup­po­si­tion mais on ne sau­rait ne pas en tenir compte. Les régimes occi­den­taux sont incon­tes­ta­ble­ment le modèle des par­ti­sans du libé­ra­lisme à l’Est qui, poli­ti­que­ment, s’ap­pa­rentent à la droite moderne, plu­tôt laïque, par­fois social-démo­crate. Dans la confi­gu­ra­tion actuelle inter­na­tio­nale la mise en place d’un tel modèle à l’Est est exclue. Par ailleurs, et c’est le mérite de P. Kende et J. Rup­nik de le rap­pe­ler, il n’ y a pas (et il n’y a pas eu par le pas­sé, non plus) une véri­table base sociale pour le libé­ra­lisme dans la plu­part des pays de l’Est. En bons prag­ma­tiques, les libé­raux le savent et on peut ima­gi­ner qu’ils ne sont pas dis­po­sés à se conten­ter d’une telle impasse. Les ouver­tures de Gor­bat­chev risquent de sus­ci­ter, davan­tage en Europe cen­trale qu’en URSS, l’in­té­rêt des libé­raux. Voi­ci, en guise de conclu­sion pro­vi­soire, le pro­pos d’un des chefs de file du libé­ra­lisme polo­nais, Miros­law Dziels­ki, rap­por­té par P. Kende et J. Rup­nik qui rap­pellent en le pré­sen­tant la contra­dic­tion entre son obé­dience catho­lique et son cré­do libé­ral : « Il faut sai­sir l’op­por­tu­ni­té offerte par le « moment Gor­bat­chev » pour « civi­li­ser », euro­péa­ni­ser la Rus­sie elle-même grâce à l’in­tro­duc­tion du mar­ché. Il faut que les diri­geants russes com­prennent qu’une Pologne faible, en décom­po­si­tion est un far­deau et un dan­ger : la crise ne fera que per­pé­tuer le risque d’ex­plo­sions ouvrières et le mythe insur­rec­tion­nel anti­russe. Une Pologne de mar­ché serait une Pologne plus stable, donc un voi­sin plus tolérable.

Certes, la Pologne de Jaru­zels­ki et la Rus­sie de Gor­bat­chev res­te­ront des régimes forts : mais il s’a­git d’o­pé­rer le glis­se­ment du post-tota­li­ta­risme à un auto­ri­ta­risme banal. Le mili­taire, ni même le poli­cier, ne sont pas les adver­saires prin­ci­paux du mar­ché libre. Le bureau­crate, le « nomenk­la­tu­riste », voi­là l’ennemi ! »

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Cri­ti­quer la droite (et une cer­taine gauche) libé­rale qui prône aujourd’­hui ouver­te­ment la pri­va­ti­sa­tion ne signi­fie guère ral­lier les posi­tions de l’autre gauche, celle qui hier encore blo­quait dans le monde du tra­vail tout sou­tien effec­tif au mou­ve­ment ouvrier est-euro­péen au nom de la défense des « acquis du socia­lisme » et voyait dans chaque insur­rec­tion, grève ou mani­fes­ta­tion ouvrière l’a­morce d’une res­tau­ra­tion du capi­ta­lisme, du réta­blis­se­ment de la pro­prié­té pri­vée, etc. Les anar­chistes n’ont ni à se réjouir ni à déplo­rer le renou­veau des uns et la perte de vitesse des autres. Ils doivent en revanche tenir compte de ce ren­ver­se­ment et sur­tout du fait qu’il cor­res­pond aus­si à l’é­vo­lu­tion du sys­tème com­mu­niste dont les maîtres tentent, notam­ment depuis Gor­bat­chev, de conso­li­der leur pou­voir et d’é­lar­gir leurs assises par le biais d’une restruc­tu­ra­tion de l’é­co­no­mie et moyen­nant cer­taines conces­sions telle que la trans­pa­rence dont ils sont pour l’ins­tant les prin­ci­paux bénéficiaires.

Enfin, la pous­sée libé­rale à l’Est ne doit pas être sur­es­ti­mée : la droite tra­di­tion­nelle, réac­tion­naire, archaïque demeure poten­tiel­le­ment hégé­mo­nique. Elle aus­si est anti­li­bé­rale… Évi­dem­ment pas pour les mêmes rai­sons. Nous y reviendrons.

Col­lec­tif Iztok

  • 1
    « l’i­dée d’au­to­ges­tion semble être en grande par­tie aban­don­née. Pour deux rai­sons : l’af­fer­mis­se­ment du cou­rant libé­ral d’une part, et le pes­si­misme quant aux pos­si­bi­li­tés d’in­fluer sur l’or­ga­ni­sa­tion de la pro­duc­tion dans le sec­teur de l’é­co­no­mie de l’É­tat, de l’autre. » écrit Alexandre Smo­lar dans une étude sur l’op­po­si­tion polo­naise depuis le 13 décembre 1981 à paraître dans la série « Les crises des sys­tèmes de type sovié­tique ». On peut se pro­cu­rer ces études, en fran­çais, en écri­vant à Index e. V., Post­fach 410511, 5000 Köln 41 (R.F.A.).

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