La Presse Anarchiste

Editorial

Notre dos­sier est consa­cré à Ba Jin (Pa Kin ou Pa Chin, selon le sys­tème de trans­crip­tion adop­té, de son vrai nom Li Fei­gan). Né à Cheng­du (Sichuan) en 1904, le vété­ran des lettres est aujourd’­hui l’é­cri­vain chi­nois le plus connu, que ce soit en Chine ou à l’é­tran­ger. Son nom a été avan­cé à diverses reprises pour l’ob­ten­tion du prix Nobel de lit­té­ra­ture. Plu­sieurs de ses romans ont été tra­duits en fran­çais. Il n’est sans doute pas utile de rap­pe­ler aux lec­teurs d’Iztok que Ba Jin fut aus­si avant 1949 la figure la plus émi­nente du mou­ve­ment anar­chiste chi­nois. Il a, entre autres acti­vi­tés, tra­duit de nom­breux auteurs liber­taires (Kro­pot­kine, notam­ment, mais aus­si Alexandre Berk­man ou Rudolf Rocker). On sait que les com­mu­nistes accé­dant au pou­voir, Ba Jin s’est ral­lié à leur cause et qu’il est res­té fidèle à celle-ci au moins jus­qu’à la « Révo­lu­tion cultu­relle ». C’est ce der­nier évé­ne­ment qui a éveillé en lui les pre­miers gros doutes sur la nature du régime com­mu­niste. Depuis la fin de la « Révo­lu­tion cultu­relle », et pro­gres­si­ve­ment, il semble que Ba Jin ait pris conscience tout à la fois de la réa­li­té de l’é­tat du pays et du rôle qu’on lui avait fait tenir. Sur la « grande catas­trophe » que fut la « Révo­lu­tion cultu­relle », Ba Jin a consa­cré de nom­breuses chro­niques au cours des dix années pas­sées. De sa longue ana­lyse, Ba Jin a conclu à la néces­si­té de la créa­tion d’un musée de la « Révo­lu­tion cultu­relle » qui mon­tre­rait, en néga­tif, ce qu’il ne fau­dra plus jamais repro­duire. On lira dans ce numé­ro six de ses œuvres, se rap­por­tant au pro­blème, qui étaient à ce jour inédites en français.

Signa­lons, en pas­sant, puisque nous met­tons sous presse alors que la loi mar­tiale a été décré­tée en Chine, que Ba Jin a adres­sé, de même que 500 cadres du Par­ti com­mu­niste, une lettre au gou­ver­ne­ment cri­ti­quant cette mesure (cf. Libé­ra­tion, 25 mai 1989, p.20).

Nous don­nons éga­le­ment ici un article récent de Ren Wan­ding, l’a­ni­ma­teur de la défunte Ligue des droits de l’homme pour la démo­cra­tie en Chine, orga­ni­sa­tion qui connut son heure de gloire, il y a dix ans, pen­dant le Prin­temps de Pékin, Ren Wan­ding dont on parle à nou­veau : un rap­port interne du chef du Par­ti com­mu­niste de la muni­ci­pa­li­té de Pékin, dif­fu­sé le 20 mai, dénon­ce­rait le « com­plot » dont Fang Liz­hi (le « Saka­ha­rov chi­nois ») et Ren Wan­ding se seraient ren­dus cou­pables et qui aurait, pas moins, géné­ré le mou­ve­ment étu­diant (d’a­près Libé­ra­tion, 25 mai 1989, p.20). Le texte de Ren Wan­ding, à l’es­prit duquel nous ne sous­cri­vons pas entiè­re­ment (ce n’est pas faire injure à son auteur que de rap­pe­ler qu’il s’ins­crit dans une pers­pec­tive mar­xiste à laquelle aucun d’entre nous n’adhère, et que lui-même appar­tient à un cou­rant moins radi­cal que celui d’un Wei Jing­sheng, condam­né à quinze ans de pri­son en sep­tembre 1979 et qui crou­pit tou­jours dans sa geôle), ce texte, donc, rédi­gé il y a six mois ne laisse pas d’être pré­mo­ni­toire des évé­ne­ments qui se déroulent en Chine au moment même où nous nous expri­mons, et qui pro­longent le mou­ve­ment étu­diant de l’hi­ver 86 – 87 (mou­ve­ment auquel Iztok, à l’ex­clu­sion de toute autre revue, nous semble-t-il, avait consa­cré une livrai­son spé­ciale). Qu’on en juge, Ren Wan­ding écrit : « Le Prin­temps de Pékin et le mou­ve­ment étu­diant de 1986 ne furent que des pré­misses. De nou­veaux mou­ve­ments ras­sem­blant des étu­diants, des ouvriers, des pay­sans, des sol­dats et des com­mer­çants se feront jour. On peut parier que dans les pro­chaines décen­nies, la Chine sera secouée de tels spasmes. Ce n’est pas là pré­dic­tion de géo­man­cie, mais pré­vi­sion d’ob­ser­va­teurs atten­tifs aux mou­ve­ments pro­fonds de notre socié­té. » Ce texte témoigne, aus­si, de la volon­té que mani­festent cer­tains jeunes Chi­nois de théo­ri­ser la ques­tion sociale. Ces deux consi­dé­ra­tions, à elles seules, jus­ti­fiaient la publi­ca­tion de ce papier.

On trou­ve­ra, enfin, un article consa­cré à la Rou­ma­nie ain­si que les rubriques habi­tuelles : les (bonnes) nou­velles du front et la biblio­gra­phie du socia­lisme réel.

Les afi­cio­na­dos de Cili­ga n’en prennent pas ombrage, la seconde par­tie de l’en­tre­tien qu’il nous avait accor­dé paraî­tra dans une pro­chaine livraison.

Paris, le 25 mai 1989


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