La Presse Anarchiste

Sur le vif

L’Unique n°2 (juillet 1945)

 Singulière jeunesse

Avec force titres et sous-litres, les quo­ti­di­ens annon­cent l’ar­resta­tion, à Paris, de jeunes lycéens, lesquels avaient « col­leté », au cours de fructueux cam­bri­o­lages, une cinquan­taine de mil­lions. Ailleurs, c’est la mise à l’om­bre de nom­breux tout jeunes gens s’in­tro­duisant dans les maisons de par­ti­c­uliers, y dérobant de menus objets, Parce qu’ils ont besoin de « galette » que ne peu­vent leur fournir leurs par­ents, « galette » des­tinée à leur pro­cur­er cig­a­rettes et autres petites douceurs qu’ils ne peu­vent trou­ver qu’au marché noir. Sur les bor­ds de la Loire deux gamins suc­combent, mis en pièces par l’ex­plo­sion d’un de ces engins qu’en se reti­rant, les ex-occu­pants ont semés dans les eaux du fleuve ; or, ils fai­saient par­tie d’une bande de goss­es qui s’é­tait spé­cial­isée dans le désamorçage de ces mines, afin d’en extraire la poudre et la reven­dre à bon prix aux ama­teurs de plaisirs cynégé­tiques. A not­er que l’une des vic­times s’é­tait amassé un cap­i­tal de 33.000 francs. Comme je m’é­ton­nais que nul de ces éphèbes débrouil­lards n’eut jamais songé à faire servir le pro­duit de son « illé­gal­isme l’achat — tou­jours au marché noir — de papi­er qu’il eût util­isé à la pub­li­ca­tion d’écrits des­tines à la pub­li­ca­tion d’écrits des­tinés à quelque pro­pa­gande éduca­tive ou libéra­trice, celui avec qui je m’en­trete­nais me rétorqua, ironique­ment : « Vrai­ment, mon cher, tu n’es pas dans le train ». Eh bien ! je me réjouis de ne pas être dans le train, et comme le dit quelque part Aldous Hux­ley (ou à peu près) : « Je ne suis pas oblige de pren­dre le dernier métro. » Heureusement.

Can­dide.