« Maintenant que l’espèce humaine s’est mise à faire le singe avec l’atome, me sera-t-il permis d’en indiquer une conséquence possible, qui mettrait fin à toutes nos difficultés ?
« Depuis quelques années, nos trop peu nombreux astronomes professionnels ont été renforcés par une troupe d’amateurs dont l’activité principale a consisté dans la surveillance et l’étude des étoiles variables. Ils ont été émus, à différentes reprises, par la fortuite et fulgurante apparition de ce qu’ils dénomment une nouvelle étoile, alors qu’il s’agissait en réalité d’une vieille étoile, trop petite et trop froide pour être visible, laquelle s’enflammait et explosait soudainement, ne laissant à sa place qu’un nuage de poussière stellaire, appelée nébuleuse. L’énergie thermique libérée par l’explosion dépasse toute conception humaine.
« Selon toute apparence, ce qui est arrivé à ces étoiles, et peut se produire pour notre terre, est que les protons, avec leurs électrons planétaires, et les neutrons, non planétaires mais plus lourds, se sont combinés et ont engendré une température telle que l’étoile tout entière s’est évaporée et volatilisée et que ses habitants ont été « crémés » instantanément, et tout cela d’une façon beaucoup plus parfaite qu’il était possible de s’en rendre compte lors des expériences de Golders Green.
« Ce que nous avons réussi à obtenir, à un coût extrême, est de provoquer, semblable à celle de l’étoile, l’explosion d’une once d’uranium. Le procédé, sortant de la phase expérimentale, reviendra certainement, par la suite, à bien meilleur compte. À tout moment pourront être découverts des éléments plus lourds de l’uranium, plus explosifs par rapport, à l’uranium que celui-ci l’est par rapport à la poudre à canon.
« Finalement, comme l’apprenti sorcier, il se pourrait que nous ne sachions mettre fin à notre magie, accomplissant ainsi la prophétie de Prospero. Étant donné la façon dont nous nous sommes comportés ces derniers temps, je n’émets pas la prétention de conjurer pareille possibilité. J’estime simplement qu’il vaut la peine d’en faire mention ».
G. Bernard Shaw.