La Presse Anarchiste

Du haut de mon mirador

Quand fut libé­ré le camp d’Au­sch­witz, on décou­vrit toute une cor­res­pon­dance échan­gée entre le com­man­dant de cette atroce ins­ti­tu­tion et une cer­taine mai­son Bayer. Cette entre­prise deman­dait au dit com­man­dant de lui four­nir 150 femmes, choi­sies par­mi les inter­nées afin d’ex­pé­ri­men­ter sur elles les effets d’un nou­veau sopo­ri­fique. Il y eut du tirage, le com­man­dant deman­dant 200 marks par tête, la mai­son n’en offrant que 170. Enfin, on tom­ba d’ac­cord sur ce der­nier chiffre, les mal­heu­reuses « sélec­tion­nées » par­tirent et, « les expé­riences n’ayant pas été concluantes », elles « décé­dèrent ». À la suite de quoi, la mai­son Bayer deman­da un autre « lot », même nombre, même prix. 

À quoi bon des com­men­taires ? Sinon, qu’on reste stu­pide en pré­sence de la men­ta­li­té que révèle cette dégoû­tante correspondance. 

– O –

À Johan­nes­burg, on ren­contre, dans les grandes artères de cette impor­tante cité, des maga­sine où l’on peut ache­ter de la graisse de lion, de che­val, de ser­pent, à vrai dire cin­quante graisses dif­fé­rentes d’a­ni­maux sau­vages. Leurs clients sont des sor­ciers-méde­cins indi­gènes qui trouvent beau­coup plus com­mode de se pro­cu­rer, mises en bou­teilles, ces graisses dont ils ont besoin pour la confec­tion de leurs onguents et de leurs philtres. Et ce ne sont pas seule­ment des graisses qui sont mises à leur dis­po­si­tion dans les dépôts de l’in­dus­trieux busi­ness­man, qui a créé une Socié­té, Limi­ted, mais encore six cents espères d’herbes, de racines, d’é­corces, sans comp­ter les lézards en poudre, les frag­ments d’é­pine dor­sale de requins, les ten­ta­cules de pieuvre, les poils de girafe. 

Aus­si, voit-on le same­di après-midi, des dou­zaines de méde­cins-sor­ciers, appar­te­nant au per­son­nel des mines, se rendre à Johan­nes­burg pour y faire leurs emplettes Que de recherches et de peines ils s’é­pargnent ain­si ! Le plus dif­fi­cile à se pro­cu­rer est du cœur d’é­lé­phant, dont un mor­ceau coûte jus­qu’à 5 livres ster­ling, alors qu’une bou­teille d’une demi – once de graisse de lion ne vaut que 1 shil­ling et demi. 

La Socié­té en ques­tion a des suc­cur­sales dans tout le pays. 

De temps en temps, des blancs se glissent dans les bou­tiques où se débitent ces pro­duits. Ce sont ceux que n’a pu sou­la­ger ou gué­rir la méde­cine officielle… 

Grat­tez le civi­li­sé, vous retrou­ve­rez le pri­mi­tif avec toutes ses superstitions.

Qui Cé.

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