Périodiquement on lit dans la presse que M. Machinchouette, à moins que ce ne. soit M. Tartempion, centenaire de son état, vient de recevoir la médaille militaire, à l’occasion de ses cent ans d’âge, et sous prétexte qu’il a participé, bon gré peut-être malgré sans doute, à la guerre de 1870, dans tel régiment de ligne ou de cuirassiers.
En ce qui nous concerne, et estimant qu’il est tout indiqué que les décorations militaires soient octroyées à des militaires, même accidentels, nous sommes loin d’y voir le moindre inconvénient.
Dieu merci, toutes les opinions sont respectables.
Et les vaches seront bien gardées. Pour autant qu’elles soient sincères.
Mais on ne nous fera pas croire que ce sont des motifs militaires qui ont valu la médaille militaire à M. Machinchouette, ou à M. Tartempion. Sinon on n’aurait pas attendu près de cent ans (cent ans moins l’âge qu’ils avaient quand ils étaient soldats) pour orner leur boutonnière. Si c’est au titre d’ancien militaire que ces vénérables vétérans sont décorés, il y a belle lurette qu’ils eussent dû être médaillés.
Ou alors pourquoi ne pas avoir foutu la médaille militaire à tous les anciens soldats du régiment de ligne, ou de cuirassiers, auquel appartenaient les vieux braves qui sont l’objet de nos commentaires respectueux ? Et, tant qu’on y est, à tous les anciens soldats de tous les autres régiments ?
On vous le demande en toute équité.
Puisque vous ne répondez pas, force nous est bien de penser que c’est un prétexte, la qualité d’ancien combattant de 1870.
Mais qu’en réalité c’est à leur qualité de centenaires bien mûrs que MM. Machinchouette et Tartempion doivent leur tardive distinction honorifique.
De là à conclure que c’est la longévité de ces messieurs qui leur vaut une médaille qui n’a de militaire que le prétexte du motif, il n’y a qu’un pas minime que franchit allégrement le cerveau le moins sectaire (si nous osons cette image osée).
Or, la longévité est une question de patience.
Moins patients, nos centenaires incriminés seraient morts seulement un mois plus tôt, ils pouvaient se bomber pour la médaille, toute militaire qu’elle soit.
Aussi proposons-nous que tous les anciens soldats de 1870 reçoivent la médaille militaire à titre posthume, équitablement. Héros deviendra ainsi synonyme de soldat. Avec effet rétroactif.
Nous ne parlons, bien entendu, que des soldats, les généraux, même s’ils meurent dans leur lit, selon la tradition, et bien avant l’âge de cent ans, étant préalablement et professionnellement abondamment médaillés.
Léo Campion