Avant-Propos
Malgré les nombreuses et éloquentes études faites jusqu’à ce jour sur l’organisation anarchiste par des penseurs plus autorisés que nous, les ennemis de cette forme sociale sont encore trop nombreux pour que nous ne tentions pas d’en démontrer la praticabilité de son application des aujourd’hui.
Nous plaçant sur un autre terrain que celui qui a été parcouru par la plupart de nos devanciers, nous analyserons une à une les principales objections de nos contradicteurs, et tenant compte du développement rapide et continu de l’outillage mécanique et des funestes progrès de la monopolisation, de l’accaparement de la richesse publique par quelques-uns au préjudice du plus grand nombre, nous essaierons de prouver l’inéluctabilité de l’avènement de cet ordre social vraiment républicain ; nous expliquerons aussi le jeu de son organisation à l’intérieur et comment pourront être établies ses relations extérieures, et tenant compte également de la puissance du régime parlementaire auprès de l’opinion publique, nous indiquerons aux partisans sincères et dévoués de la Révolution sociale, les moyens qui nous paraissent les plus sûrs pour la précipiter et en assurer le triomphe.
Principe d’organisation
Deux droits, corollaires d’une même loi naturelle — la Justice — doivent présider et régir toute société humaine bien organisée. Ce sont : Le droit de l’individu dans l’ordre social et le droit commun ou de collectivité dans l’ordre économique de la Société.
Le droit individuel ou anarchique réside dans la plus entière faculté laissée à chacun (et non dans l’autorisation) de s’associer, rompre, se réassocier : aller, venir, veiller, dormir, etc., sans autre loi ni institution qu’une réciprocité naturelle et facultative entre les individus dans la vie sociale, c’est la Liberté.
Le droit commun ou collectif gît dans l’universalisation ou mise à la disposition de chacun, du sol, sous-sol, instruments de travail, ainsi que tous les moyens de développement intellectuel et physique de l’individu, c’est l’Égalité.
Le droit pour chacun de faire ce que bon lui semble naturellement subordonné à la faculté pour tous de réciprocité et garanti par la mise en commun de tous les moyens de se développer, se mouvoir, jouir, produire et consommer, c’est la Justice.
Cette loi naturelle, jusqu’à ce jour méconnue, conférant à tous également, tous les droits, et en assurant à chacun pleinement et librement l’exercice, est la seule garantie, dans la vie sociale, du respect de l’unique sentiment naturel des individus, l’Égoïsme.
Chapitre premier
Pour les adversaires de l’Anarchie, nous voulons dire pour les nombreuses victimes de l’état social actuel qui n’épousent point cette cause, cette forme de Société n’est rien moins, selon les uns qu’une utopie, un rêve, une folie même, selon d’autres c’est l’avenir, mais l’avenir très éloigné de l’humanité.
Comme on le voit, des opinions bien diverses et bien contradictoires font condamner d’avance le principe d’organisation sociale anarchiste par un très grand nombre, et cependant presque tous ont justement et chaque jour à se plaindre du régime gouvernemental. Sur quoi repose ce verdict ?
(À suivre.)
Jean-Baptiste Louiche