La Presse Anarchiste

À travers les revues : L’armée aux grèves

C’est le titre d’une enquête ouverte par La Revue du Syn­di­ca­lisme Fran­çais (nº d’août), revue publiée — mince de tou­pet ! — par un groupe de roya­listes de l’Ac­tion Fran­çaise, qui se pré­tendent syndicalistes.

Deux offi­ciers, jus­qu’à pré­sent, ont don­né leur opi­nion : les com­man­dants Dublaix et Héry.

Le pre­mier approuve l’in­ter­ven­tion de l’ar­mée dans les émeutes, mais la réprouve dans les grèves paci­fiques… à moins que celles-ci n’en­travent le fonc­tion­ne­ment d’un ser­vice indis­pen­sable à la vie publique (grève géné­rale des bou­lan­gers, grève des postes, des télé­graphes, des che­mins de fer, etc…) Il pro­teste contre l’in­ter­dic­tion faite à l’ar­mée d’u­ser de ses armes alors même qu’of­fi­ciers et sol­dats sont « acca­blés d’in­jures, de cra­chats et de pro­jec­tiles, frap­pés, bles­sés, tués même, soit par des foules affo­lées, soit par des ban­dits mêlés à ces foules ». Sa pro­tes­ta­tion, d’ailleurs, est sans fon­de­ment puis­qu’il recon­naît aus­si­tôt lui-même que, dans ce cas, « les fusils partent tout seuls, et de nom­breuses vic­times presque tou­jours inno­centes sont frap­pées ». L’in­ter­ven­tion de l’ar­mée dans les grèves a encore, à ses yeux, l’in­con­vé­nient de sus­pendre l’ins­truc­tion mili­taire des sol­dats qui ne dis­posent que d’un temps déjà trop court pour leur pré­pa­ra­tion à la guerre, et de com­pro­mettre la dis­ci­pline par les sug­ges­tions aux­quelles les sol­dats sont en butte en temps de grève. Il conclut à la néces­si­té de créer un corps spé­cial de gen­dar­me­rie mobile, com­pre­nant infan­te­rie et cava­le­rie et répar­ti en cinq ou six grosses garnisons.

Pour le com­man­dant Héry, la créa­tion d’une gen­dar­me­rie spé­ciale pour grèves n’est pas une solu­tion. Si la grève s’é­tend à une région entière, cette gen­dar­me­rie ne suf­fi­ra pas à réta­blir l’ordre s’il est trou­blé vio­lem­ment et il fau­dra encore récla­mer l’in­ter­ven­tion de l’ar­mée. C’est un fait inévi­table, dit le com­man­dant Héry.

Mais, s’il est dis­po­sé à mar­cher contre les gré­vistes, ce mili­taire se refuse à recon­naître, en ce cas, l’au­to­ri­té des fonc­tion­naires civils et il fait remar­quer, avec rai­son, que la force armée ne peut péné­trer dans un lieu public sans un man­dat de jus­tice. Le refus d’o­béis­sance à un ordre admi­nis­tra­tif pres­cri­vant de péné­trer dans un café, comme à Dra­veil, dans une Bourse du Tra­vail, dans une église, est par­fai­te­ment légal.

« Si on m’a­vait com­man­dé aux grèves, dit le com­man­dant Héry, de péné­trer dans une Bourse du Tra­vail ou dans un lieu de réunion des ouvriers, sans exhi­ber un man­dat de jus­tice, j’au­rais fait aux grèves ce que j’ai fait aux inven­taires, j’au­rais envoyé pro­me­ner l’agent du gouvernement. »

Comme son col­lègue Dublaix, il pense que l’in­ter­ven­tion des sol­dats dans les grèves déve­loppe chez eux l’es­prit d’in­dis­ci­pline et les idées anti­mi­li­ta­ristes. Et natu­rel­le­ment, il le déplore.

H. Amo­ré.


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