La Presse Anarchiste

Le Comité des 100

Ligne de conduite

Le Comité des 100 est par­ti­san de l’action directe non vio­lente. Nos buts vont au-delà du désarme­ment nucléaire. Nous nous opposons totale­ment à la solu­tion mil­i­taire des prob­lèmes inter­na­tionaux, et nous croyons que les hommes de tous les pays devraient refuser de combattre.

Étant con­tre la guerre, nous sommes aus­si con­tre tous ses pré­parat­ifs. Nous sommes con­tre le rétab­lisse­ment du ser­vice mil­i­taire et con­tre la fab­ri­ca­tion et l’usage des armes nucléaires, biologiques, chim­iques et conventionnelles.

Nous nous sommes aperçus que la paix et la lib­erté sont insé­para­bles. Nous sommes pour la lib­erté totale d’expression, d’association et de presse, dans tous les pays, à l’Est comme à l’Ouest, au Nord comme au Sud. Nous nous iden­ti­fions à ceux qui sont exploités et à qui on refuse les droits aux­quels tout homme peut pré­ten­dre. Dans chaque cas, nous nous deman­dons : « Que pou­vons-nous faire ? »

Nous ne croyons pas aux fron­tières. Nous croyons que des indi­vidus, agis­sant de con­cert dans tous les pays, peu­vent arrêter les guer­res et garan­tir les droits les plus fon­da­men­taux. Nous sommes déter­minés à résis­ter à la tyran­nie par des moyens non vio­lents, et nous nous efforçons, par les mêmes moyens, d’aider ceux qui résis­tent à la tyran­nie ou à l’injustice dans d’autres par­ties du monde.

Nous croyons que les sit­u­a­tions de con­flit sont du domaine de notre respon­s­abil­ité. Au-delà de la protes­ta­tion morale, nous essayons d’agir de façon con­struc­tive en vue de leur solution.

Être con­tre la guerre n’est pas suff­isant. Nous nous intéres­sons aux prob­lèmes que pose l’édification d’une société nou­velle et non vio­lente. Nous pen­sons qu’il est essen­tiel de les abor­der, même à l’ombre de la guerre et des pré­parat­ifs de guerre. Par exem­ple, nous nous occupons active­ment à dégager de nou­velles idées en ce qui con­cerne l’éducation, le loge­ment, la san­té, les com­mu­ni­ca­tions, les trans­ports et les rela­tions industrielles.

Nous avons rompu avec la poli­tique des par­tis. Nous croyons à la respon­s­abil­ité mutuelle et au jour le jour des indi­vidus et des groupes. Nous avons cessé de croire que nous pou­vions compter sur des représen­tants et des fonc­tion­naires. En con­séquence, nous nous opposons à la ten­dance actuelle vers la cen­tral­i­sa­tion du gouvernement.

Nous encour­a­geons les nou­velles expéri­ences d’administration régionale, locale et « fonc­tion­nelle », dans lesquelles l’individu compte plus que « la machine ».

Nous croyons que nos idées sur la non-vio­lence et l’action directe (la respon­s­abil­ité per­son­nelle de l’individu en ce qui con­cerne sa sit­u­a­tion) four­nissent une base nou­velle pour pren­dre des déci­sions inter­na­tionales et nationales.

Nous ne con­sid­érons pas ces idées comme des doc­trines sec­taires qui nous soient pro­pres. Nous sommes con­scients du fait que nous sommes les héri­tiers de tra­di­tions par­v­enues jusqu’à nous à tra­vers des généra­tions de lutte. Ce que nous avons fait au Comité des Cent, c’est accorder une atten­tion par­ti­c­ulière au prob­lème de la vio­lence et de son con­traire, à celui de l’autoritarisme et de son con­traire, parce que ces ques­tions ont été nég­ligées au XXe siè­cle. Cette nég­li­gence explique en grande par­tie, croyons-nous, l’impuissance des politi­ciens face à deux guer­res mon­di­ales et à la men­ace d’une troisième.

Nous espérons avoir des rela­tions meilleures et plus étroites avec toutes les autres organ­i­sa­tions et tous les indi­vidus qui se rat­tachent au mou­ve­ment paci­fiste indépendant.

Nous pro­posons des dis­cus­sions com­munes, des plans d’action et des man­i­fes­ta­tions aux­quels des per­son­nes de con­vic­tions dif­férentes pour­raient par­ticiper, cha­cun à sa manière, sans porter préju­dice à leurs pro­pres valeurs et à nos objec­tifs communs.

Pour le moment, notre mou­ve­ment manque d’expérience et ne peut encore faire face à tous les prob­lèmes. Nous croyons dis­cern­er ses pos­si­bil­ités et avons essayé de les indi­quer ici. Nous ne mécon­nais­sons pas les difficultés.

Il faut que ceux qui se joignent à nous soient beau­coup plus nombreux.

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À l’origine, « comité d’action directe », il fut lancé par Bertrand Rus­sel et une cen­taine de per­son­nal­ités et de mil­i­tants pour­suiv­ant le même but que la CND (cam­pagne pour le désarme­ment nucléaire, équiv­a­lent du MCAA français), mais désir­ant des actions plus fortes, plus mil­i­tantes et envis­ageant la désobéis­sance civile, alors que la CND entendait rester dans la légalité.

Son action se traduisit par l’organisation de man­i­fes­ta­tions non vio­lentes de masse.

Les par­tic­i­pants à de telles man­i­fes­ta­tions s’engageaient individuellement :

– À men­er jusqu’au bout l’action entreprise ;

– À s’asseoir sur la chaussée en cas d’intervention de la police ;

– À accepter la prison plutôt que de pay­er les amendes (rel­a­tive­ment peu élevées) aux­quelles ils étaient condamnés.

L’inconvénient de ces man­i­fes­ta­tions, c’est que de nom­breux par­tic­i­pants ne pou­vaient aller jusqu’au bout, et au plus cri­tique de l’action non vio­lente les effec­tifs se clairse­maient. Cepen­dant, nom­breux aus­si étaient ceux qui « tenaient le coup » : la police dut une fois arrêter un mil­li­er de man­i­fes­tants pour « obstruc­tion de la voie publique », ce qui plongea le sys­tème judi­ci­aire et péni­ten­ti­aire dans un cer­tain désarroi.

Aujourd’hui, l’expérience prou­ve que ces actions de masse ne sont plus possibles :

– Les effec­tifs ont fondu ;

– Les march­es de Pâques qui attirent tou­jours beau­coup de monde ont per­du tout car­ac­tère de désobéis­sance civile, les organ­isa­teurs CND y invi­tent même des députés… !

Le Comité des 100 opère donc un retour aux sources en pré­con­isant des actions directes par petits groupes se con­cen­trant sur des objec­tifs spé­ci­fiques et ne s’arrêtant que l’action ter­minée et gag­née ou les par­tic­i­pants empris­on­nés (voir l’action récente à Brighton).

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Organisation actuelle

Les groupe régionaux désig­nent tous les ans un comité nation­al (siège : 13 Good­win Street, Lon­don N 4). Ils se ren­con­trent avec ce comité un week-end par trimestre dans un endroit dif­férent à chaque fois, de façon à dévelop­per les groupes exis­tants et à en sus­citer là où n’existent que des isolés.

À côté de ce comité coor­di­na­teur exis­tent un cer­tain nom­bre de « sous-comités » se chargeant cha­cun d’un tra­vail précis :

Le sous-comité inter­na­tion­al, en con­tact avec les mou­ve­ments et les indi­vidu­els à l’étranger, qui organ­ise la par­tic­i­pa­tion de groupes anglais à des actions loin­taines ou à car­ac­tère inter­na­tion­al (marche de Marathon, action au Pak­istan, en Inde).

Le sous-comité aux études biologiques et chim­iques, qui s’attache à repér­er les étab­lisse­ments mys­térieux à voca­tion bac­téri­ologique ou autres, qui ser­vent de lab­o­ra­toire ou de ter­rain de recherch­es militaires.

Secré­taire du sous-comité « biologique » : Eddie Hill­man, 106 Regents Par­ty Road, Lon­don NW 1.

Sous-comité d’études juridiques et économiques, qui entre en action quand il y a juge­ment ou empris­on­nement de militants.

Secré­taire : Bren­da Jor­dan, 32 Elm Park, Man­sions Park Walk, Lon­don S.W. 10.

Comité chré­tien qui fait pénétr­er dans les milieux chré­tiens un appel à vivre en accord avec la parole du Christ et surtout avec leur con­science et à refuser l’attitude hyp­ocrite qui accepte le mal du moment qu’il sert la cause du bien (soi-dis­ant) en con­damnant toute vio­lence où qu’elle soit et d’où qu’elle vienne.

Secré­taire : Mrs Den­ny, 27 Fair­field Grove, Lon­don S.E. 7.

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Quelques positions du Comité des 100

Viet­nam

Le comité nation­al et la plu­part des groupes obser­vent le non-aligne­ment, mais cer­tains sou­ti­en­nent ouverte­ment le Vietcong.

Paci­fisme

Tous les mem­bres du comité ne sont pas paci­fistes bien que la majorité le soit et qu’un cer­tain nom­bre, dont les anar­chistes, ail­lent beau­coup plus loin que de s’attaquer aux seules struc­tures militaires.

Poli­tique

Le comité se situe en dehors et con­tre tous les par­tis poli­tiques. Générale­ment, ses mem­bres ne votent pas, étant don­né qu’ils se regroupent ici juste­ment parce qu’ils n’ont pas con­fi­ance dans l’action parlementaire.

En résumé

Le Comité des 100 rassem­ble tous ceux qui se sen­tent directe­ment respon­s­ables de leur con­di­tion et enten­dent agir directe­ment pour la mod­i­fi­er en met­tant l’accent sur les oppo­si­tions : violence–non-violence, autorité–liberté, passivité–responsabilité.

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Types d’actions directes réalisées

ou “ inspirées ” par le Comité des 100

Les espi­ons de la paix

En févri­er 1963, les dif­férents groupes du comité pré­paraient une action à dévelop­per au cours de la marche de Pâques Lon­dres-Alder­mas­ton organ­isée par la CND. Une rumeur cir­cu­la alors, selon laque­lle il exis­tait un abri souter­rain mys­térieux sur le tra­jet de la marche.

Un petit groupe se con­sti­tua pour se met­tre à la recherche de cet abri. Ils furent assez heureux pour le décou­vrir près de War­ren Row à 12 km de Read­ing. Ils réus­sirent à y pénétr­er, la porte de la chauf­ferie étant restée ouverte. Avec toutes les pré­cau­tions d’usage pour éviter de laiss­er des traces de leur pas­sage, ils prirent des pho­tos, des notes, des cro­quis, qui per­mirent l’élaboration d’une brochure elle aus­si fab­riquée de façon à ne laiss­er aucune empreinte. Cette brochure dif­fusée à 3000 exem­plaires par­mi les sym­pa­thisants, les jour­naux et revues de gauche sus­cep­ti­bles de faire très vite beau­coup de bruit autour, arri­va quelques jours avant la marche, ce qui per­mit qu’elle fût copiée et tirée à un grand nom­bre d’exemplaires pour être dis­tribuée au cours de la marche et appel­er les marcheurs à faire un petit cro­chet du côté de l’abri des­tiné à plan­quer le gou­verne­ment en cas de con­flit nucléaire !

Ruis­lip

L’année suiv­ante, le Comité des 100 pro­po­sait une marche par­al­lèle à celle de la CND, dirigée non pas sur Lon­dres mais sur la base améri­caine de Ruis­lip. But de la marche : deman­der le retrait immé­di­at des forces améri­caines et l’utilisation de la base à des fins paci­fiques. Le car­ac­tère apparem­ment illu­soire de l’opération n’échappait à per­son­ne, il s’agissait d’attirer l’attention publique et de met­tre cha­cun devant ses responsabilités.

L’appel, après avoir rap­pelé la carence ou la duplic­ité des dif­férents par­tis et la néces­sité pour chaque indi­vidu d’agir lui-même, prévoy­ait qua­tre phas­es d’action :

1. Marche sur la base ;

2. Piquet tout autour de la base avec des ban­deroles et des panneaux ;

3. Accrocher des pan­neaux à l’extérieur de cette base à même le gril­lage et obstruer les entrées ;

4. Ten­ter de pénétr­er de façon non vio­lente (des échelles étaient prévues) et d’aller réclamer l’utilisation paci­fique de la base.

Action directe dans les ports

En 1963, Pat Arrow­smith et Wendy But­lin ont vis­ité un cer­tain nom­bre de ports européens et con­tac­té des dock­ers intéressés par l’action con­tre la guerre nucléaire. Le résul­tat de ces con­tacts a abouti à la for­ma­tion d’un « groupe de liai­son d’action directe des dock­ers » ayant pour but de réper­cuter et de généralis­er des actions pro­pres aux dock­ers : refus de décharg­er du matériel mil­i­taire ou du fret des­tiné à des pays ouverte­ment racistes et belliqueux ; ce genre d’action, en effet, n’est payant que s’il est inter­na­tion­al car les entre­pris­es d’import-export, elles, pos­sè­dent des antennes dans tous les ports.

Ces actions en 1963 et 1964 étaient des exem­ples d’action directe de masse, aujourd’hui pour des raisons divers­es, seules des actions impli­quant très peu de par­tic­i­pants sont envis­age­ables. Citons la dernière en date qui a eu lieu à Brighton.

Le 2 octo­bre 1966, Nico­las Wal­ter, Sue Abra­ham, Derek Rus­sel, Bernard Miles, Heather Rus­sel, Andy Ander­son, Meg Walsh, Jim Rad­ford, Faith Bar­ron man­i­fes­tent dans l’église de Brighton où le pre­mier min­istre Wil­son assiste à l’office religieux. Ils sont aus­sitôt arrêtés pour con­duite scan­daleuse, provo­ca­tion et agres­sion (fausse accu­sa­tion au demeu­rant puisque tout s’est passé ver­bale­ment et que le prêtre qui offi­ci­ait s’est refusé à porter plainte et à témoign­er con­tre les man­i­fes­tants jugeant que ce serait son atti­tude à lui qui serait scan­daleuse s’il le fai­sait). Leur procès suit son cours.

En con­clu­sion, les man­i­fes­ta­tions de désobéis­sance civile qu’elles soient soutenues ou non par des mass­es de sym­pa­thisants impliquent tou­jours qu’un noy­au de mil­i­tants accepte de subir procès, amendes et prison, que ceux-là seuls pour­suiv­ent l’action jusqu’au bout en sachant ce qu’ils risquent (le Comité des 100 à chaque fois qu’il appelle dans un tract à man­i­fester indique les pénal­ités encou­rues suiv­ant le niveau d’engagement des manifestants).

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L’Internationale des résis­tants à la guerre a fait paraître un tract encour­ageant les mil­i­taires améri­cains à désert­er ou à se déclar­er objecteurs de conscience.

À titre d’information, citons quelques cas de mil­i­taires ayant refusé de servir au Vietnam :

L’été dernier à Fort-Hood (Texas), trois mil­i­taires améri­cains, Den­nis Mora, James John­son et David Samas, appelés au Viet­nam refusèrent de par­tir et inten­tèrent une action en jus­tice pour démon­tr­er l’illégalité de la guerre en ver­tu des accords de Genève de 1954. Le tri­bunal refusa de se pronon­cer sur ce point et les con­damna à trois et cinq ans de prison. Ces trois mil­i­taires ont décidé de faire appel.


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