La Presse Anarchiste

Relation d’un participant à la grève d’Ursus (juillet 1980)

La grève aux Ate­liers Méca­niques URSUS a com­men­cé le mar­di 1er juillet. Les tra­vailleurs de la deuxième équipe de quelques sec­tions se sont mis en grève. Le bruit d’une aug­men­ta­tion des prix en était la cause directe. La ten­sion aug­men­ta du fait du manque d’in­for­ma­tions officielles. 

Mer­cre­di, il n’y avait pas de viande au buf­fet d’en­tre­prise. Ce jour-là et les sui­vants les dépar­te­ments de pro­duc­tion se sont mis l’un après l’autre en grève. Pen­dant ce temps, seules deux sec­tions tra­vaillaient : la fon­de­rie qu’une brusque extinc­tion des four­neaux menace de la des­truc­tion et de plu­sieurs mil­lions de perte, et le cen­trale élec­trique ther­mique qui four­nit l’éner­gie à la ville et à l’usine. 

Le dérou­le­ment des évè­ne­ments le 3 juillet était le même dans tous les dépar­te­ments de pro­duc­tion. Les ouvriers ces­saient le tra­vail, débran­chaient les machines et se regrou­paient dans leurs « repaires » pour com­men­cer à for­mu­ler leurs reven­di­ca­tions. L’é­ten­due de la grève s’é­lar­gis­sait peu à peu, les repré­sen­tants de la direc­tion et les acti­vistes du par­ti entrèrent en action. Ils s’ap­pro­chaient des groupes d’ou­vriers en appe­lant à la reprise du tra­vail, et dans le cas des membres du par­ti à la conscience du par­ti – sans résul­tats. Cer­tains mili­tants se fai­saient par­ti­cu­liè­re­ment remar­quer par leur acti­vi­té. Le contre­maître Kras­niews­ki du dépar­te­ment des chas­sis mena­ça ses subor­don­nés de sanc­tions pénales, et le contre­maître Pic­wierz du dépar­te­ment de mon­tage des moteurs de licen­cie­ments dis­ci­pli­naires. Simul­ta­né­ment la direc­tion entre­prit d’i­so­ler les gré­vistes, les Ate­liers Méca­niques ont été iso­lés du reste du monde et les portes de chaque dépar­te­ment ont été fer­mées. Le télé­phone a été cou­pé pour que les dépar­te­ments n’aient pas la pos­si­bi­li­té de s’en­tendre entre eux. 

Les gré­vistes du dépar­te­ment de mon­tage des moteurs PS ont élu une délé­ga­tion de dix membres, de même qu’au dépar­te­ment des chas­sis PB où la délé­ga­tion comp­tait 20 per­sonnes. Au dépar­te­ment répa­ra­tion-éner­gie PR, les ouvriers ont orga­ni­sé une assem­blée géné­rale, ils ont rédi­gé des reven­di­ca­tions et ils ont élu un comi­té de grève de 7 membres. 

La direc­tion essayait de maî­tri­ser la situa­tion en orga­ni­sant des réunions de contre­maîtres, de chefs de bri­gade et de mon­teurs qui ensuite appe­laient les ouvriers à reprendre le tra­vail. Comme ça n’a­me­nait aucun résul­tat, la direc­tion cen­trale et les direc­teurs de chaque dépar­te­ment com­men­cèrent à négo­cier soit avec les délé­ga­tions, soit avec tout le per­son­nel. D’a­bord la direc­tion crut qu’il suf­fi­sait de dire aux tra­vailleurs que les tra­vailleurs de l’Ouest sont encore plus mal lotis et de pro­mettre vague­ment une aug­men­ta­tion au 1er sep­tembre à ceux qui la mériteraient. 

Dans la plu­part des dépar­te­ments, les deuxième et troi­sième équipes se sont jointes à la grève. les jours sui­vants la grève s’est pour­sui­vie. la situa­tion se dérou­lait un peu dif­fé­rem­ment au dépar­te­ment PR grâce sur­tout à l’ac­tion adroite du comi­té de grève qui avait pré­sen­té par écrit les reven­di­ca­tions des grévistes : 

  1. Aug­men­ta­tion de la prime pour tra­vail nocif de 0,5 à 1,5 zlo­tys de l’heure 
  2. Fixa­tion d’une prime de 10% pour le tra­vail en deuxième équipe
  3. Aug­men­ta­tion des salaires pour com­pen­ser la hausse des prix et intro­duc­tion d’une prime de vie chère. 

La direc­tion avait deux heures pour étu­dier ces reven­di­ca­tions. Après l’é­cou­le­ment de ce temps, le direc­teur du dépar­te­ment, le 1er secré­taire de la cel­lule du par­ti de l’en­tre­prise et les chefs de sec­tions appa­rurent. Ils com­men­cèrent comme d’ha­bi­tude par des menaces. « Les tra­vailleurs ne sont pas irrem­pla­çables, ils doivent s’en sou­ve­nir » dît le secré­taire. Les ouvriers rajou­tèrent aux reven­di­ca­tions la garan­tie signée que per­sonne ne serait pour­sui­vi pour la grève. Le direc­teur pro­mit de pré­sen­ter les reven­di­ca­tions « en haut » et appe­la à la reprise du tra­vail. Comme per­sonne ne bou­geait, il mon­tra du doigt les ouvriers qu’il connais­sait et les appe­la par leur nom. Ce fut le moment déci­sif : per­sonne ne céda et il était clair que les gré­vistes devaient gagner. La direc­tion pro­mit de répondre aux reven­di­ca­tions dans les deux heures. Le sou­hait de la direc­tion était que le comi­té de grève change de nom pour évi­ter la mal­son­nance aux oreilles du mot grève. Les gré­vistes acce­ptèrent que leurs repré­sen­tants uti­lisent pour les négo­cia­tion le terme de « com­mis­sion ouvrière ». 

En atten­dant la réponse on com­men­ça les pré­pa­ra­tifs tech­niques pour inter­rompre le tra­vail à la cen­trale élec­trique ther­mique. On pré­vint ain­si le direc­teur de la fon­de­rie qu’il arrête à temps le pro­ces­sus tech­no­lo­gique car il y aura un arrêt de la four­ni­ture en énergie. 

Après deux heures de négo­cia­tion, le direc­teur géné­ral Szymc­zak, direc­teur de l’en­tre­prise, le 1er secré­taire et une per­sonne incon­nue des gré­vistes arri­vèrent. En résul­tat de la dis­cus­sion, la direc­tion s’en­ga­gea à satis­faire les reven­di­ca­tions 1 et 2 dans la semaine qui sui­vrait et la reven­di­ca­tion 3 au 15 août. Elle refu­sa par contre de signer la garan­tie que per­sonne ne serait pour­sui­vi. Les gré­vistes votèrent : la grève ne s’ar­rê­te­ra pas avant d’a­voir obte­nu cette assu­rance. La direc­tion céda à 16h30. 

Le jour sui­vant le direc­teur Szymc­zak vint de nou­veau dans le dépar­te­ment et il cer­ti­fia que toutes les reven­di­ca­tions étaient satis­faites et que l’aug­men­ta­tion des salaires par­ti­rait du 1er juillet. En sup­plé­ment la prime de ren­de­ment a été aug­men­tée de 10%. Les tra­vailleurs syn­di­qués seront payés au tableau V (près de 400 zlo­tys d’aug­men­ta­tion). On accor­da aus­si 5% de prime extra­or­di­naire et une prime fixe d’émulation. 

Ce même jour la direc­tion com­men­ça de négo­cier avec les autres dépar­te­ments. Au dépar­te­ment PS, vou­lant empê­cher une ren­contre avec la délé­ga­tion du per­son­nel, la direc­tion prit seule la déci­sion desaug­men­ta­tions. Cette déci­sion fut com­mu­ni­quée aux contre­maîtres, chefs de bri­gades et mon­teurs. Les ouvriers obtinrent 10% de prime et 150 zlo­tys de prime d’é­mu­la­tion. Dans les dépar­te­ments PB et PC on par­vint à un accord avec l’as­sem­blée géné­rale. Les aug­men­ta­tions furent les mêmes qu’au dépar­te­ment PS. Au dépar­te­ment PB on obtint de plus le pas­sage du tableau III au tableau IV. Au dépar­te­ment PC aus­si on réus­sit à obte­nir une conces­sion supp1émentaire.Dans tous les dépar­te­ments on com­men­ça bien­tôt à reprendre le travail. 

« Robot­nik »
(l’Ou­vrier) du 12 juillet 1980, numé­ro spé­cial sur les grèves


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