SOLIDARNOSC n°2 du 24.08.80
Sommaire :
- Message du Saint Père Jean-Paul II au cardinal Wyszynski, primat de Pologne.
- Visite d’une délégation du MKS de Szczecin.
- Les revendications (voir plus haut).
- Les négociations avec la délégation gouvernementale (La rédaction).
- Lettre du secrétariat du comité central du POUP du 19.08.80 (présentation sans commentaire d’extraits d’un document officiel du Parti sur les grèves)
§§§§§§
Visite d’une délégation du MKS de Szczecin
Hier, le 23 août, une délégation du Comité Inter-entreprises de Grève de Szczecin est arrivée tard dans la soirée aux Chantiers Navals de Gdansk. Voici les informations obtenues des délégués :
Le MKS de Szczecin s’est formé le 18 août dernier Au 23 août, 134 entreprises s’étaient jointes au MKS de Szczecin. Depuis jeudi, le 21 août, le MKS de Szczecin mène des négociations avec une commission gouvernementale sous la présidence de K. Barcikowski. La liste des revendications avancées est très semblable à celle de Gdansk. la milice et le Service de la Sécurité – au contraire de la situation à Gdansk – ne troublent pas le déroulement de la grève. Il n’y a pas eu et il n’y a pas de blocage des communications téléphoniques. La position de K.Barcikowski – d’après la relation des délégués de Szczecin – se caractérise par une beaucoup plus grande inclination aux concessions que celle du président de la commission gouvernementale de Gdansk, M.Jagielski.
La visite de la délégation de Szczecin est sans doute le début d’un échange constant d’informations entre les deux MKS, et nous avons l’espoir qu’il se transformera aussi en une collaboration constante entre les deux centres.
LA RÉDACTION
SOLIDARNOSC n°3 du 25.08.80
Sommaire :
- Déclaration de la rédaction sur des tracts officiels.
- Composition de la commission d’experts auprès du MKS de Gdansk – Comité inter-entreprises de grève.
- Lettre de soutien d’intellectuels de Poznan.
- Appel d’intellectuels polonais du 20 août 1980.
- L’information est due aux gens, les gens veulent des informations – Jozef Kusnierek (extraits d’un article paru dans le n°5 du Bulletin
d’information du KSS « KOR »).
§§§§§§§
Aujourd’hui, 24 août, au matin un tract signé du Comité de Voîvodie du Front d’Unité Nationale a été distribué dans toute la ville. Ces tracts accusent le MKS de rejeter les négociations avec la commission gouvernementale « bien qu’elles soient menées a son invitation ».
La perfidie de cette action et des reproches envoyés à l’adresse des grévistes qui sont contenus dans le tract est d’autant plus grande qu’il a été diffusé deux heures à peine après le départ des Chantiers Navals de Gdansk de la commission gouvernementale présidée par M.Jagielski. Cette commission est venus chez les grévistes à l’invitation du MKS. Ainsi les paroles du vice-premier ministre Jagielski, se référant à plusieurs reprises aux déclarations de la veille comme quoi il préparait les négociations de conciliation dans une atmosphère de sincérité se sont avérées mensongères à la lumière de l’incident décrit plus haut. Il a suffit de quelques heures pour que les paroles du vice-premier ministre se révèlent être un ensemble de phrases vides.
LA RÉDACTION
§§§§§§
Composition de la commission d’experts auprès du MKS de Gdansk
Président : Tadeusz Mazowiecki
Membres : Bronislaw Geremek, Jadwiga Staniszkis, Tadeusz Kowalik, Waldemar Kuczynski, Andrzej Wielowieyski, Bohdan Cywinski.
Les personnes citées ci-dessus représentent les spécialités suivantes : droit et science politique, économie, sociologie et politique sociale. La commission reste constamment en contact avec les autres spécialistes de tout le pays.
COMITÉ INTER-ENTREPRISES DE GRÈVE
§§§§§§
Lettres d’intellectuels du Poznan du 22.08.80 au Comité Inter-entreprises de Grève de Gdansk et de Szczecin et à tous les ouvriers en grève de Pologne.
Nous soutenons vos justes revendications. Le sort de nous tous et de chacun en particuliers y est écrit. Nous admirons votre fermeté et votre dignité avec lesquelles vous luttez pour vos droits qui sont aussi les nôtres.
Votre action prouve que comme la nation nous sommes prêts à un travail de réparation économique, social et politique.
Suivent les signatures de 34 intellectuels de Poznan.
L’Appel des intellectuels polonais du 20 août 1980 a été publié en français dans le Monde du 23/08/80.
SOLIDARNOSC n°4 du 25.08.80
Sommaire :
- Le monument aux ouvriers des chantiers navals tués en 1970.
- Par quoi commencer – Club « Expérience et Avenir » (extraits d’un document du club « DiP », groupe informel de discussion comprenant des opposants et des membres du Parti).
- Rapport du comité de Voïvodie du Parti Ouvrier Unifié Polonais de Gdansk au Comité Central ( brièvement commenté).
- Poème anonymes sur la lutte
Le monument aux ouvriers des chantiers navals tués en 1970
Le projet de monument aux ouvriers des Chantiers Navals tués en 1970 est né le 14 août 1980, le premier jour de la grève avec occupation des travailleurs des Chantiers Navals Lénine de Gdansk. Le monument est une construction haute de 30 m, formée de 4 croix se joignant par les bras et d’ancres sur le tronc commun. Le chiffre 4 symbolise les premiers ouvriers des Chantiers Navals tués en décembre 197O près de la porte 2 des Chantiers Navals de Gdansk. Dans la symbolique nationale polonaise, depuis un millénaire la croix est toujours le symbole de la foi et du martyre, l’ancre au contraire – de l’espoir. En décembre 1970, on a crucifié cet espoir. La flamme sous les croix représente la vie. Que ce monument reste dans la mémoire de tous ceux qui voudraient nous réaliser ces symboles.
§§§§§§
Le document dont nous publions ci-dessous un extrait présente les idées de gens de différentes professions et de différentes opinions. Ces gens ont créé en novembre 1976, sous les auspices du Collège de l’Université Libre Polonaise, le groupe de discussion « Expérience et Avenir » (DiP). Hélas, l’activité normale du groupe, dont l’unique but était une libre discussion sur les affaires les plus vitales de notre nation et de notre État, a été paralysée par les autorités. On a ainsi diffusé parmi les participants au DiP une enquête touchant les problèmes les plus importants de notre nation et de notre État. Résultats de son travail, le groupe DiP a élaboré deux documents : « Sur l’état de la République et les voies menant à sa remise en ordre » et « Comment en sortir ». Ces documents, de même que celui dont nous publions un extrait, non seulement tentent d’analyser la situation économico-politique de notre pays, mais proposent des solutions sûres, sur lesquelles les membres du DiP ont discuté valablement.
Suit un texte du groupe Expérience et Avenir : « Par quoi commencer »
§§§§§§
Nous publions ci-dessous un texte confidentiel du secrétariat du omité de Voîvodie de Gdansk du Parti Ouvrier Unifié Polonais au Comité Central. Dans ce texte, la situation qui règne actuellement. sur le Littoral était présentée et analysée. Dans ce tableau vu par les yeux des militants du Parti des trois villes (Gdansk, Sopot, Gdynia) les accents sur le dramatique embarras et le manque de contact de toutes les organisations idéologiques et du Parti avec les ouvriers de la côte Baltique dominent. Ce texte destiné au plenum du Comité Central d’hier est, à notre sens, un appel aux Camarades de Varsovie à la réflexion et se présente comme la plus rapide, la plus efficace introduction à l’accord avec les grévistes. Seul l’engagement de négociations. réelles peut amener, selon l’appréciation du Comité de Voïvodie de Gdansk du POUP, une chance de voir la grève s’achever.
Suit le rapport du Comité de Voîvodie du POUP au Comité Central, signé par Henryk Bartoszewski le 24 août 1980
§§§§§§§
Recette à la polonaise
Prendre ce qu’il n’y a pas
Ajouter du sel et du cumin
Ensuite mélanger avec ce
Qui manque momentanément sur le marché
Mélanger longuement et exactement
Comme on s’ennuie, on arrêter
Et le verser sur ce
Qui ne reste absolument pas chez nous
On peut le cuire soit en le faisant frire
Soit en le faisant rôtir à la broche
En l’enduisant de ce dont
On ne peut même pas rêver
Tout le monde chez nous fait cela
Pour chacun ça suffit
Sur cela justement se fonde
Le miracle économique polonais
Pour les femmes
Une fois chez le médecin arrive une femme
Monsieur le docteur, examinez-moi.
Vous vous trompez, je suis
Vétérinaire. En général je ne reçoit
Pas les humains. Monsieur le docteur, mais je
Me sens justement comme une bête.
Quand je me lève le matin, croyez-moi,
Je cours à travers la maison comme un chat énervé.
Je cours au travail comme un cheval au trot,
Je m’accroche à l’autobus comme un singe.
Je suis surmenée comme un âne,
Je suis chargée comme un chameau.
Je défends ma vie conjugale comme une lionne,
Quand je reviens le soir du travail.
Et quand je m’endors, au dessus de ma tête,
Mon mari chuchote – pousse-toi hibou.
Aussi peut-être avec un remède miraculeux,
vous me ferez redevenir un ÊTRE HUMAIN.
SOLIDARNOSC n°6 du 27.08.80
Sommaire :
- De la salle des débats (un compte-rendu des négociations de la veille).
- Communiqué commun entre la commission gouvernementale et le Comité Inter-entreprises de Grève.
- Avec qui négocions-nous ? (La rédaction.)
- La vois de la solidarité des syndicats français (l’intervention devant le MKS du délégué de la CFDT qui soutient totalement les grévistes)
- Télégramme du syndicat des électriciens de Nouvelle-Zélande (Message de soutien).
- Un concert aux chantiers navals de Gdansk
- Que font les autorités ? (La rédaction)
- Poèmes sur la grève
Communiqué
Le 26 les négociations entre la Commission Gouvernementale sous la présidence du vice-premier ministre Miecislaw Jagielski et le praesidium du Comité Inter-entreprises de Grève sous la présidence de Lech Walesa se sont poursuivies aux Chantiers Navals de Gdansk. Pendant les négociations on a présenté les propositions sur la première revendication, touchant les syndicats. Un groupe d’expert a été désigné pour élaborer, avec la participation de représentants de la Commission Gouvernementale et du Praesidium du MKS, des matériaux dans le but de préciser l’idée de la première revendication. Les négociations ont été poursuivies aujourd’hui.
Texte rédigé en commun par les portes-parole de la Commission Gouvernementale et du Praesidium du MKS le 26.08.80 à 15h30.
§§§§§§
Avec qui négocions-nous ?
Messieurs ! Vous négociez avec d’autres gens – pas avec ceux qui en décembre 1970 a la question « Nous aiderez-vous ? » ont répondu « Nous vous aiderons ! ».
Nous sommes différents surtout parce qu’en étant unis nous avons cessé d’être impuissants.
Nous sommes différents parce que depuis 30 ans on nous a appris que les promesses ne sont pas tenues.
Nous sommes différents car nous avons compris qu’en parlant du rétablissement : économique on pense à nous tromper.
Avec qui négocions-nous ? – nous avons mis cette question en titre. La réponse. semblerait simple : avec la Commission Gouvernementale. Avec le vice premier ministre de la Pologne. Peut-il y avoir quelqu’un de plus compétent ? Cependant dans la salle des débats la plus grande partie des paroles prononcées par monsieur le premier ministre était « je ne sais pas, je ne m’occupe pas de ces choses là, je n’ai pas eu le temps de m’informer ». On est arrivé à cela quand à la question de l’un des membres du Praesidium du MKS « Avez-vous lu Trybuna Ludu d’hier », Jagielski répondit « Je n’ai pas eu le temps ». Franche réponse ! La salle accueillit cette franche réponse par un éclat de rire. Est-ce que monsieur le premier ministre s’en tient seulement à de telles « franches » réponse ?…
La création de syndicats libres est la demande fondamentale des gens que le MKS représente, le dialogue sur ce thème semble extrêmement particulier. Voici un représentant du MKS qui dit : « nous Voulons des syndicats libres ». Le vice-premier ministre Jagielski répond : « d’accord, nous aussi nous sommes pour la modernisation du mouvement syndical ».
Le MKS répète avec obstination : « nous ne voulons pas une modernisation des anciennes structures syndicales sclérosées ».
Jagielski répond : « bien sur tout cela s’entend, mettons-nous d’accord sur les principes selon lesquels la réorganisation des syndicats s’effectuera ».
Cela rappelle la discussion de la vieille femme et du grand père dans le conte de Mickiewicz « Tondu, rasé ». La vieille femme – tondu, le grand père – rasé. Le grand père s’énerva et noya la vieille femme. En se noyant elle fait un mouvement des doigts comme des ciseaux – tondu. Cette petite digression ne suggère pas bien sur que quelqu’un noiera l’autre. Revenons toutefois à notre affaire.
Le dialogue, à vrai dire deux monologues séparés, fut commenté dans la salle par des ouragans d’explosions de rire. Quelle modernisation ? Quelle rénovation ? Pourquoi monsieur le premier ministre n’entend-il pas ce que dit le Praesidium du MKS ? Pourquoi n’entend-il pas le rire, le rire sincère et spontané qui vient du cœur des gens amusés rassemblés dans la salle des débats.
L’atmosphère dans cette salle est complètement différente qu’il y a quelques jours. On change beaucoup. De plus en plus fréquemment, les gens rient tout simplement. Franchement !
On pourrait se demander : « comment sont reçues les paroles de monsieur le premier ministre qui en rappelle continuellement la franchise et la véracité ? » La réponse est uniquement : « plus le premier ministre rappelle fréquemment sa franchise, plus un rire franc saisit les gens rassemblés dans la salle des débats ».
Est-ce que monsieur le premier ministre n’a effectivement rien vu des tracts calomniant les ouvriers en grève diffusés dans les trois villes (Gdansk, Sopot, Gdynia) ???
Est ce que monsieur le premier ministre ne sait réellement rien des fréquents passages à tabac et détentions par la milice et le Service de la Sécurité des personnes liées à l’opposition démocratique dans tout le pays.
Il reste à poser une question : « QUE SAIT NOTRE PREMIER MINISTRE ? !!!!!!!!!
Encore vendredi, des tracts signés par le Comité de Voïvodie du Front d’Unité Nationale ont été répandus dans la ville avec le texte suivant : « Les personnes participant aux grèves n’en subiront aucune conséquence si elles n’ont pas commis d’actes enfreignant les lois de la République Populaire de Pologne. »
Aujourd’hui personne ne s’étonnerait d’un tract au contenu suivant :
« LES PERSONNES QUI GOUVERNENT N’EN SUBIRONT AUCUNE CONSÉQUENCE SI ELLES N’ONT COMMIS AUCUN ACTE NON CONFORME A LA VOLONTÉ ET AUX INTÉRÊTS DES OUVRIERS POLONAIS ! ! ! ! ! »
La RÉDACTION
Télégrammes du Syndicat des Électriciens de Nouvelle Zélande
Le Syndicat des Électriciens de Nouvelle Zélande vous donne son appui qui vient du cœur, à vous et à tous les ouvriers, dans votre lutte pour la création d’un mouvement syndical polonais libre et indépendant. Votre lutte pour la justice sociale et économique trouvera l’appui de tous ceux qui aiment la liberté dans le monde entier.
Concert aux Chantiers Navals de Gdansk
Le 25.08.80 un concert de SOLIDARITÉ d’artistes de Gdansk a eu lieu aux Chantiers Navals Lénine de Gdansk. Des œuvres de Chopin et de Moniuszko ont été jouées. Ont pris part à ce concert : Elwira Hodinarowa – piano ; Elzbieta Hornung – chant ; Jan Gdaniec – chant ; Adolf Malinowski – présentation.
Ce concert a été chaleureusement accueilli par près de mille personnes.
Que font les autorités ?
Le Comité Inter-entreprises de Grève a posé comme condition préliminaire au commencement des négociations le rétablissement des communications téléphoniques. Pourquoi la réalisation de cette revendication a‑t-elle été reconnue si importante ?
Et bien dès le début de la continuation des grèves sur le littoral les autorités se sont efforcées – et à ce niveau elles l’ont dissimulé – « d’isoler » le reste de la Pologne d’une information quelconque sur se qui se passait vraiment sur la Côte Baltique.
La presse publie des articles mensongers, la radio et la télévision se taisent ou bien désinforment Dans cette situation, une bonne liaison téléphonique serait une mesure préventive. Les grévistes pourraient informer leurs connaissances dans d’autres villes sur la situation réelle sur le Littoral. Des informations vraies paraîtraient aussi dans les publications hors de portée de la censure.
Que font les autorités ? Elles interrompent la liaison téléphonique, et elles arrêtent les militants de l’opposition qui diffusent des informations sur les grèves.
Depuis le 19.08.80 on a arrêté à Varsovie 25 personnes – et ce sont à coup sûr des informations incomplètes – membres et collaborateurs du Comité d’Autodéfense Sociale « KOR », rédacteurs des publications indépendantes « Robotnik » et « Placowka », intellectuels s’étant solidarisés avec l’action des ouvriers. Comme la milice peut arrêter une personne pour 48 heures sans mandat, une partie des personnes – J. Kuron, W.Luczywo, H.Wujec, J.Sreniowski, J. Litynski, D.Kupiecki, A.Michnik – a été transférée après l’écoulement des 48 h dans un autre commissariat. Ces personnes séjournent depuis une semaine dans les commissariats de la milice. Deux personnes – H.Wujec et J. Sreniowski – ont réussi à s’enfuir pendant le transport grâce à des circonstances fortuites.
On ne peut pas communiquer par téléphone avec l’appartement des membres de l’opposition démocratique.
Il en est de même dans les autres régions du pays. On a mis aux arrêts chez lui Zdzislaw Mnich de Bielsko-Biala, il a été interrogé plusieurs fois. La raison en était qu’on voulait maintenir secrète l’information que l’entreprise FSM de Bielsko-Biala était en grève.
Il est arrivé de même à Stefan Kowalczyk, mineur de Nowa Ruda, Waclaw Mojek de Tarnow, Stefan Siekanowicz de Gorzow Wielopolski, Ludwik Werla de Wroclaw. A Cracovie, on a passé à tabac Pawel Witkowski et Wojciech Sikora, à Torun Stanislaw Smigel et Konrad Turzynski. Ce sont des militants de l’opposition démocratique.
En gardent les militants de l’opposition derrière les barreaux des prisons, les autorités pensent garder secrètes, derrière les grilles de la censure, les informations sur la situation sur la Côte Baltique. Y sont-elles parvenues ?
La Rédaction