La Presse Anarchiste

Cuba : qui a peur de la littérature ? Un romancier cubain sur un bateau gonflable dans le Gulf Stream

Un apo­lo­giste étran­ger du sys­tème cubain racon­ta, sans vou­loir intro­duire de double sens dans son his­toire, que lors­qu’il se ren­dit au bureau de Nico­las Guillen (pré­sident de l’U­NEAC, Union natio­nale des écri­vains et artistes cubains) pour un entre­tien, celui-ci fut fier de lui mon­trer un tank sovié­tique T‑54 doré, en minia­ture, dont Raul Cas­tro, (frère de Fidel, chef de l’ar­mée et per­son­nage si redou­table que l’on dit que Fidel n’a rien à craindre tant que Raul reste en vie) lui avait fait cadeau à l’oc­ca­sion de son 70e anni­ver­saire (en 72, une année après le Ier Congrès d’É­du­ca­tion et Culture, qui a clos le « cas Padilla »). Sur le petit tank figu­rait l’ins­crip­tion : « Toi et moi, nous sommes déjà la même chose. » Et il faut dire que Nico­las Guillen et son état-major se sont bien débrouillés dans l’«état de guerre » dont le pré­sident aimait rap­pe­ler l’exis­tence. L’his­toire de Rei­nal­do Are­nas le montre bien.

Lorsque Rei­nal­do Are­nas arri­va à La Havane, en 1961, (i] avait 18 ans), ce ne furent pas les lumières de ses nuits qui le sédui­sirent, comme Cabre­ra Infante. Dans un de ses romans, écrit en cachette dix ans plus tard, Are­nas raconte ain­si l’ar­ri­vée à La Havane, qui aurait pu être la sienne, de l’un de ses per­son­nages : «[…] oui, il y avait encore des caba­rets, des café­té­rias, quelques fêtes, il y eut même un car­na­val, mais Artu­ro remar­quait que presque tout le monde par­lait au pas­sé et ce qui le sur­pre­nait peut-être le plus (et même le fas­ci­nait) dans ce tour­billon d’a­ven­tures inache­vées, de conver­sa­tions, de ren­contres et de rap­ports inache­vés, c’é­tait de voir la vitesse à laquelle tout, y com­pris les rues, y com­pris les visages, et même le temps, tout se dété­rio­rait, se fen­dait, se bri­sait, s’é­ro­dait de jour en jour et de plus en plus ; une semaine, c’é­tait un ciné­ma qui fer­mait, la semaine sui­vante, un nou­veau pro­duit ration­né, la sui­vante, un local fer­mé, en une seule jour­née, tous les arbres de la rue abat­tus sans expli­ca­tion, sans deman­der l’a­vis de per­sonne, et la clar­té qui des­cen­dait sur la ville au fur et à mesure que l’eau venait à man­quer, et la clar­té qui deve­nait plus clar­té chaque jour. » Mais le fait d’être arri­vé à La Havane seule­ment après la révo­lu­tion et à un si jeune âge, auquel s’a­jou­tait le fait capi­tal d’être le fils d’une famille de pay­sans, fai­sait de lui le pur pro­duit de la lit­té­ra­ture cubaine d’a­près la révo­lu­tion, l’«espoir rouge » de l’U­NEAC. Mais cette étoile avait une par­ti­cu­la­ri­té aga­çante : il était homo­sexuel «[…] et dans une forme trop voyante, presque comme une folle du vieux port de La Havane », comme raconte Cabre­ra Infante. Mais cette « folle » avait un grand talent lit­té­raire (autre par­ti­cu­la­ri­té aga­çante, peut-être) qui lui a valu le second prix lit­té­raire de l’U­NEAC en 1967 pour son pre­mier roman, le Puits, dont on a dit qu’il était « un mael­ström de mots » (il est révé­la­teur que ce roman, qui raconte une enfance à la cam­pagne avant la révo­lu­tion, parle d’un enfant un peu fou qui écrit par­tout, sur n’im­porte quelle sur­face — notam­ment sur les branches blanches des arbres — et est tou­jours per­sé­cu­té par son grand-père qui, une hache à la main, abo­lit tout ce que l’en­fant écrit ; c’est peut-être à cause de cette his­toire ou bien à cause de sa trop grande liber­té d’é­cri­ture que le roman a été publié seule­ment à deux mille exem­plaires bien qu’il ait gagné le second prix) et sur­tout la recon­nais­sance de Leza­ma Lima, l’un des plus grands poètes en langue espa­gnole de ce siècle, le seul grand à res­ter à La Havane après la révo­lu­tion : il y vécut avec une grande dis­cré­tion dou­blée d’un grand cou­rage. Mais Rei­nal­do Are­nas avait aus­si ses idées sur les révo­lu­tions et les révo­lu­tion­naires et il en fera part dans son deuxième roman, le Monde hal­lu­ci­nant.

Le Monde hallucinant

Ce roman est basé sur la vie d’un révo­lu­tion­naire mexi­cain, moine domi­ni­cain, appe­lé Ser­van­do Tere­sa de Mier, ayant vécu à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Are­nas a pris comme point de départ l’au­to­bio­gra­phie de Ser­van­do, sur laquelle il a tra­vaillé avec une grande liber­té, en en fai­sant une espèce de patch­work qu’il rem­plit de ratures, de flèches, de taches, d’in­di­ca­tions ; cer­tains pas­sages sont racon­tés comme des bandes des­si­nées, d’autres rap­pellent les tableaux de Bosch, d’autres encore la lit­té­ra­ture pica­resque espa­gnole. Il y tra­vaille avec une encre phos­pho­res­cente, pleine d’hu­mour et de ten­dresse. Le texte ini­tial a dis­pa­ru, mais le récit essen­tiel de la vie de Ser­van­do a été conser­vé. Dans la dédi­cace du livre, il y a une phrase reten­tis­sante. S’a­dres­sant à Ser­van­do, Are­nas écrit : « Toi et moi, nous sommes la même per­sonne. » (Cha­cun choi­sit son camp, je pense à la phrase du petit T‑34.)

Tout — dans la vie poli­tique de Ser­van­do, pas dans le roman — com­men­ça le jour de la fête de la Vierge de Gua­da­lupe, lors­qu’en qua­li­té de meilleur pré­di­ca­teur du pays, Ser­van­do affir­ma dans son temple que la vierge n’é­tait qu’un masque de Quet­zal­coatl, dieu aztèque, qui à son tour est une divi­ni­té essen­tiel­le­ment chré­tienne. Le chris­tia­nisme pré­exis­tait donc à l’ar­ri­vée des Espa­gnols. Ceci enle­vait toute légi­ti­mi­té à la pré­sence des Espa­gnols en Amé­rique. (À leurs yeux, les Espa­gnols étaient là pour évan­gé­li­ser les Indiens.) La renom­mée de Ser­van­do comme pré­di­ca­teur le sau­va du bûcher : il fut conduit dans les pri­sons d’Es­pagne. Il s’é­va­da pour arri­ver à Paris juste après la révo­lu­tion. Il devint l’a­mi de Cha­teau­briand, de l’ab­bé Gré­goire, mais sur­tout de Ben­ja­min Constant, de Hum­boldt, de Simon Rodri­guez — juif d’A­mé­rique, père spi­ri­tuel de toute une géné­ra­tion de révo­lu­tion­naires, dont Simon Boli­var — de Simon Boli­var et de Madame de Staël. (Un jour celle-ci, dans l’in­ti­mi­té, fumant un cigare, allon­gée sur sa chaise-longue, lui tînt ses pro­pos : « Nous avons man­qué la grande occa­sion. Peut-être la seule. Une révo­lu­tion ne se fait pas en dix ans ni en un siècle. C’est l’ac­cu­mu­la­tion des époques et des hommes qui la pro­duisent. Et puis le point culmi­nant arrive enfin. Et alors nous l’a­bî­mons, nous la salis­sons, nous la défor­mons, ce qui est man­quer de res­pect à l’hu­ma­ni­té toute entière. […] mais alors je me dis : si nous avions res­pec­té nos posi­tions […] si tout s’é­tait pas­sé comme cela aurait dû se pas­ser, est-ce qu’on aurait donc conquis le bon­heur ? ») Il quit­ta Paris, fuyant Napo­léon, le « voleur de peuples », selon l’ex­pres­sion du « vrai » Ser­van­do. Après avoir pas­sé par Rome (« La cità è sanc­ta ma il popo­lo cor­ru­to »), par l’Es­pagne (où il fut à nou­veau empri­son­né) et par Lis­bonne (« Il n’y a que silence dans toute cette ville. Silence et famine »), il arri­va fina­le­ment à Londres (« le ren­dez-vous de tous les conspi­ra­teurs révo­lu­tion­naires de l’Eu­rope »). Il y ren­con­tra José Maria Blan­co et Fran­cis­co Javier Mina, deux révo­lu­tion­naires espa­gnols fan­tas­tiques. Il orga­ni­sa avec eux une inva­sion du Mexique (en 1810 : la révo­lu­tion venait de com­men­cer). Ils débar­quèrent dans un port du nord du Mexique. Après quelques batailles, ils furent vain­cus par l’ar­mée roya­liste. Ser­van­do, fait pri­son­nier, s’é­chap­pa à nou­veau alors qu’il était déjà sur la route des pri­sons d’Espagne.

Il va vivre aux États-Unis. La révo­lu­tion triomphe au Mexique. Il s’empresse tant d’y ren­trer qu’il tombe à nou­veau aux mains des roya­listes. En pri­son, il étu­die la nou­velle consti­tu­tion du Mexique et se rend compte qu’elle n’est qu’«un long pané­gy­rique de l’in­tri­gant Itur­bide » (Itur­bide a été le prin­ci­pal lea­der poli­tique de la der­nière étape de la révo­lu­tion de 1810, qui finit en 1821), qui ne tarde pas à se pro­cla­mer empe­reur. Ser­van­do rédige sa Lettre d’a­dieu aux Mexi­cains. La Lettre ayant été inter­cep­tée, il est libé­ré par la cou­ronne espa­gnole qui ne savait pas pour qui il était plus dan­ge­reux, pour elle ou pour Iturbide.

Après un entre­tien irré­vé­rent avec l’«empereur », il est empri­son­né par le régime issu de la révo­lu­tion. En pri­son, « à la lueur d’une bou­gie qui filait, je me suis mis à écrire contre lui et à pré­pa­rer la vraie révo­lu­tion. » La foule enthou­siaste qui ren­ver­sa Itur­bide et ins­tau­ra la Répu­blique libé­ra Ser­van­do. Il relan­ça sur le champ le débat poli­tique, en s’op­po­sant au fédé­ra­lisme exces­sif qui ris­quait de mener la Répu­blique à la ruine devant les risques de guerre immi­nente. Ser­van­do décla­ra : « Je ne suis pas un franc-maçon, parce que la franc-maçon­ne­rie est un par­ti et je déteste ce genre de regrou­pe­ments. » Gua­da­lupe Vic­to­ria, le pré­sident de la Répu­blique, l’a­me­na dans son palais pré­si­den­tiel, où Ser­van­do désespérait.

Il écrit sur ce ton à José Maria de Héré­dia, jeune poète cubain alors exi­lé au Mexique : « Que sommes-nous d’autre dans ce palais que des objets inutiles, des reliques pour musées, des pros­ti­tuées réha­bi­li­tées. Ce que nous avons fait ne sert à rien si nous ne dan­sons pas sur le der­nier air de cla­ri­nette. Ça ne nous sert à rien. Et si tu pré­tends rec­ti­fier des erreurs, tu n’es qu’un traître, et si tu pré­tends chan­ger quelque chose à la plus énorme bêtise, tu n’es qu’un cynique révi­sion­niste, et si tu luttes pour la vraie liber­té, tu es tou­jours au bord de la mort, […] et il paraît que c’est cela la vraie liber­té, […] de ser­vir cette racaille bru­tale qui sché­ma­tise tout, ces gens qui confondent la démo­cra­tie avec l’ab­sence d’é­du­ca­tion, qui croient que la démo­cra­tie, c’est de se pro­me­ner à moi­tié nu en mon­trant tous ses attri­buts à la foule ido­lâtre qui est capable de les bai­ser. Est-ce cela tout ? Cette hypo­cri­sie constante avec laquelle on n’ar­rête pas de répé­ter que nous sommes au para­dis […] et sin­cè­re­ment […] un tel para­dis existe-t-il ? Et s’il n’existe pas, pour­quoi essayer de l’in­ven­ter ? Pour­quoi nous leur­rer ? » Ser­van­do meurt dans ce palais. Il paraît que, dans l’his­toire « vraie », lorsque le par­ti libé­ral triom­pha au Mexique et que les églises furent fer­mées, beau­coup de gens ouvrirent les tom­beaux des moines dans l’es­poir de trou­ver des tré­sors. La momie de Ser­van­do aurait ain­si été volée et ven­due à un cirque ita­lien qui l’emporta en Argen­tine, puis en Europe. Ser­van­do aurait ain­si été exhi­bé en Bel­gique vers le troi­sième quart du XIXe siècle en tant que « vic­time de l’Inquisition ».

Le roman est plein de mou­ve­ment (un peu comme des châ­teaux pyro­tech­niques dans la nuit) de part l’ac­tion qu’il raconte et sur­tout de part les mou­ve­ments de l’é­cri­ture. Are­nas dit de ses romans qu’ils sont « plu­tôt comme des esquisses d’autres romans ». Il dit aus­si que sa façon de nar­rer « est basée sur le fait d’a­me­ner une situa­tion don­née à son carac­tère extrême, jus­qu’au point où cet extrême-là devient pres­qu’une libé­ra­tion ». Ailleurs, il dit que ses romans « ne suivent en aucun moment la tra­di­tion du roman au sens que le dix-neu­vième siècle a don­né à ce mot. Il n’y a pas de nœud, il n’y a pas d’ar­gu­ment, il n’y a pas de dénoue­ment, je dirai même qu’il a pas de deve­nir dans le temps. Il y a des éclats, sans cesse, comme des moments d’une explo­sion à carac­tère poé­tique, à carac­tère violent. » De ce roman, qu’il a publié à 26 ans, on a dit qu’il était une sorte de « cata­clysme lit­té­raire », « un vaste exer­cice d’a­nar­chie pure ». Le roman a été immé­dia­te­ment mis sur le même plan que Trois Tristes Tigres de Cabre­ra Infante, Para­di­so de Leza­ma Lima, le Siècle des Lumières de Car­pen­tier et De donde son los can­tantes de Seve­ro Sar­duy. Il a été tra­duit, dans les années qui sui­virent sa pre­mière publi­ca­tion en espa­gnol (1969), en anglais, fran­çais, alle­mand, hol­lan­dais, ita­lien et en d’autres langues encore, mais il n’a pas encore été publié à Cuba. Publi­que­ment, on a dit que le Monde hal­lu­ci­nant avait été inter­dit à cause de cer­tains pas­sages éro­tiques, mais il est évident que ce sont les idées que ce livre exprime sur les révo­lu­tions — et la figure exem­plaire du révo­lu­tion­naire qu’il pré­sente — qui ont déran­gé le plus les gué­rille­ros du pou­voir. Et bien sûr, le régime de Cas­tro n’a pas vu d’un bon œil que ce roman, inter­dit à Cuba, ait été publié à l’é­tran­ger : Rei­nal­do Are­nas n’a plus publié dans l’île et il fut l’ob­jet d’une stricte vigi­lance de la part des gar­diens de la Révo­lu­tion. Mais il a conti­nué à écrire. Le Monde hal­lu­ci­nant est en fait un roman excen­trique par rap­port au plan géné­ral de son œuvre, qui est celui d’un Bil­dung­sro­man — un « roman d’ap­pren­tis­sage » — en plu­sieurs volumes qui raconte la for­ma­tion et la défor­ma­tion du poète.

Are­nas vécut dix ans d’«exil inté­rieur » à Cuba. Ce qu’il publia (même à l’é­tran­ger) n’est qu’une par­tie de ce qu’il a écrit. Il est remar­quable, le silence que l’on a gar­dé pen­dant ces dix années au sujet de la situa­tion d’A­re­nas (et de la lit­té­ra­ture en géné­ral) à Cuba. Même lors de la paru­tion de ses œuvres en France, par exemple, c’est à peine si l’on men­tion­nait qu’elles n’a­vaient pas été publiées dans l’île. Extrê­me­ment rares sont ceux qui ont par­lé des per­sé­cu­tions dont l’é­cri­vain fai­sait l’ob­jet dans son pays.

Qui va payer Shakespeare ?

Lorsque les Espa­gnols débar­quèrent en Amé­rique, ils se deman­dèrent avec éton­ne­ment ce que pou­vaient bien être les socié­tés qui se trou­vaient là, qui étaient ces hommes et com­ment se défi­nir par rap­port à eux. Pour trou­ver une réponse, ils reprirent les idées de Saint-Tho­mas (qui, à son tour, repre­nait, d’une façon très par­ti­cu­lière, les idées d’A­ris­tote sur la ver­tu). Ils en firent une énorme construc­tion concep­tuelle hié­rar­chi­sée. Tout en haut, se trou­vait l’i­dée de la ver­tu la plus pure et tout en bas, le monde des pas­sions : l’en­semble s’in­té­grait dans une pyra­mide rigou­reuse. Or, à chaque étage de cette pyra­mide, devait cor­res­pondre, point par point, une figure sociale de l’empire colo­nial ; tout en haut, la figure du mis­sion­naire catho­lique qui aban­donne son siècle pour aller prô­ner la parole de Dieu dans des contrées incon­nues ; tout en bas, les Indiens de ces contrées incon­nues, dont les âmes seraient domi­nées par les pas­sions. Ce genre de pen­sée a été la légi­ti­ma­tion de l’empire colo­nial espa­gnol (res­sem­blant à une église baroque) pen­dant trois siècles. On dirait que Fidel a repro­duit le même bâti­ment concep­tuel en sub­sti­tuant tout sim­ple­ment à la ver­tu chré­tienne la ver­tu révo­lu­tion­naire et en pla­çant tout en haut de la construc­tion non pas le mis­sion­naire mais le gué­rille­ro mar­xiste-léni­niste qui donne sa vie à la révo­lu­tion. Tout en bas se trou­ve­raient toutes les pas­sions qui séparent l’in­di­vi­du de l’É­tat. Aux attaques idéo­lo­giques s’a­joutent des réformes d’ordre maté­riel qui tendent à rendre impos­sible l’exis­tence de l’é­cri­vain : les droits d’au­teur ont été abo­lis à Cuba ; ces droits sont per­çus par l’É­tat, par l’in­ter­mé­diaire de son agence CENDA ; il n’y a pas de copy­right (Fidel : « Qui va payer à Cer­van­tès ses droits de pro­prié­té intel­lec­tuelle ? Qui va payer Sha­kes­peare ? Qui va payer ceux qui ont inven­té l’al­pha­bet ? » L’Ins­ti­tut cubain du Livre cen­tra­lise tous les fac­teurs qui inter­viennent dans la pro­duc­tion d’un livre à Cuba (bien qu’il reste encore for­mel­le­ment quelques mai­sons « auto­nomes » comme… l’U­NEAC ou la Mai­son des Amériques!)

On est ain­si arri­vé à une situa­tion qu’un apo­lo­giste du cas­trisme décrit triom­pha­le­ment de la façon sui­vante : « À Cuba, il n’y a pas d’é­cri­vains qui se dédient “seule­ment” à la lit­té­ra­ture. Ils tra­vaillent tous dans les orga­nismes du gou­ver­ne­ment ; et l’É­tat, quand il le croit utile et conve­nable, sub­ven­tionne la publi­ca­tion de leurs livres. Cette situa­tion s’est conso­li­dée prin­ci­pa­le­ment à par­tir du Congrès cultu­rel. » Ce Congrès est celui de 1971, l’a­po­lo­giste, Fer­nan­do Mar­ti­nez Lai­nez. C’é­tait le rêve de Cas­tro : la lit­té­ra­ture, ce sont les masses qui la font. L’un des résul­tats les plus visibles de cette réorien­ta­tion de la poli­tique cultu­relle est la qua­si-dis­pa­ri­tion de la lit­té­ra­ture cubaine : entre 1966 et 1970 ont été publiés plus de trente romans expé­ri­men­taux cubains ; en 1972 et 1973, il n’y a eu aucun roman (tout court); pour les prix UNEAC 1972 et 1973, per­sonne ne s’est pré­sen­té, de même que pour celui de la Mai­son des Amé­riques pour 1973 ; à par­tir de 1971, aucun écri­vain cubain n’a reçu ce der­nier prix. Cette crise a été si grave que pour l’an­née 1975 la Mai­son des Amé­riques a déci­dé de regrou­per les genres lit­té­raires sus­cep­tibles de par­ti­ci­per au prix en trois caté­go­ries : dans une seule caté­go­rie ils regrou­pèrent le roman, les nou­velles, la poé­sie et le théâtre (les prix étant décer­nés indis­tinc­te­ment), tan­dis que les deux autres caté­go­ries regrou­paient l’une les essais et les témoi­gnages, l’autre la lit­té­ra­ture enfan­tine (ce qui pou­vait inclure les livres didac­tiques). On publie à Cuba davan­tage de témoi­gnages que d’œuvres de créa­tion pro­pre­ment dites. Actuel­le­ment, tout le sou­tien de l’É­tat à la lit­té­ra­ture va au roman poli­cier (ce qu’on nomme à Cuba « petits romans »).

Au milieu de ce cata­clysme non lit­té­raire, Rei­nal­do Are­nas conti­nua à écrire son Bil­dung­sro­man sur la for­ma­tion du poète. A la suite de la publi­ca­tion du Monde hal­lu­ci­nant à l’é­tran­ger, il avait per­du son emploi à la Biblio­thèque natio­nale et il avait été empê­ché de rece­voir les visites de l’é­tran­ger. A la fin de 1974, il fut arrê­té pour « délit de mœurs » (homo­sexua­li­té); on l’ac­cu­sait d’a­voir « cor­rom­pu » un mineur (il paraît que le « mineur » en ques­tion était un gros gars de 35 ans avec une barbe impor­tante et, qui plus est, Are­nas a été sur­pris en décou­vrant au tri­bu­nal l’ex­tra­or­di­naire res­sem­blance de ce gar­çon, qu’il n’a­vait jamais vu aupa­ra­vant, avec Fidel Cas­tro). Il fut condam­né à quatre ans de pri­son. En jan­vier 1975, il fut inter­né dans un camp de tra­vail. En août 1975, on ne savait pas encore où il était. On dit qu’il était auto­ri­sé à ren­trer chez lui « tous les week-ends ». De sa peine, fina­le­ment, il n’ac­com­plît qu’une année. Peu de temps après être sor­ti de pri­son, un ami de Paris lui envoya par l’in­ter­mé­diaire d’un diplo­mate un bateau gon­flable pour qu’il puisse quit­ter l’île. Un soir, il s’a­ven­tu­ra dans les eaux du Golfe du Mexique, espé­rant trou­ver un peu plus de liber­té ailleurs, mais le caou­tchouc du bateau, des­ti­né aux calmes ondes médi­ter­ra­néennes, ne tînt pas dans le Gulf Stream. Are­nas fut ain­si obli­gé de ren­trer à la nage. Un autre jour (ou un autre soir?) il essaya de fran­chir le bras de mer qui sépare le ter­ri­toire cubain de la base mili­taire amé­ri­caine de Guan­ta­na­mo (c’est comme si on essayait de fran­chir la bande de terre qui longe le mur de Ber­lin). Il échoua encore, mais ne per­dit pas la vie dans ce nid de mitrailleuses auto­ma­tiques, de mines et autres engins. Il eut peur de ren­trer direc­te­ment chez lui et se cacha pen­dant des semaines dans un bois près de la ville de La Havane (qui s’ap­pelle Parque Lenin).

Arturo, l’étoile la plus brillante

Are­nas et les per­son­nages de ses romans, obsé­dés par l’é­cri­ture, avec un besoin presque bes­tial de la lit­té­ra­ture, vivent cette situa­tion comme une nuit sans issue. On les ima­gine comme les moines après la chute de l’Em­pire romain, qui, dans des abbayes per­dues au milieu de forêts sombres, essayaient de pré­ser­ver et de sau­ver la civi­li­sa­tion. Ils sou­tiennent de leurs épaules une tra­di­tion sécu­laire. Mais ce qu’une telle image ne peut rendre, c’est la révolte d’A­re­nas et de ses per­son­nages contre la bar­ba­rie impo­sée d’en haut. Le texte où ces ten­sions s’ex­priment avec peut-être le plus de den­si­té, c’est son Artu­ro, l’é­toile la plus brillante. Ce livre est une seule phrase de 80 pages. Il parle d’un écri­vain dans un camp de concen­tra­tion pour homo­sexuels. Il s’at­tarde moins sur les gar­diens (bru­taux) que sur la sou­mis­sion des autres déte­nus et leur totale iden­ti­fi­ca­tion au rôle de « folles » qui leur est attribué.

Ce livre a été écrit entre 1970 et 1971, à La Havane. Il a été écrit à la mémoire de Nel­son Rodri­guez, jeune écri­vain cubain qui, au milieu des années soixante, fut inter­né dans un camp de concen­tra­tion pour homo­sexuels. En 1971, il essaya de détour­ner un avion de la ligne cubaine d’a­via­tion vers la Flo­ride. Il avait une gre­nade à la main. Il fut maî­tri­sé et l’a­vion atter­rît à La Havane. Il fut fusillé. Rodri­guez Ley­va avait écrit un livre de récits sur son expé­rience du camp de concen­tra­tion. Le livre fut sai­si par la police. Dans Artu­ro, l’é­toile la plus brillante, ce n’est pas la dénon­cia­tion qui compte ; il y a même très peu de des­crip­tions de ce que peut être la vie dans un tel camp. C’est plu­tôt le récit de la ten­ta­tive de libé­ra­tion d’Ar­tu­ro par la lit­té­ra­ture. Les mots peuvent sau­ver, mais il y a tou­jours le doute.

Artu­ro se dit (ou « devine »): « Le réel n’est pas dans la ter­reur dont on souffre, mais dans les inven­tions qui l’ef­facent. » Il se met à écrire énor­mé­ment, sur des bouts de papier, tou­jours dans la clan­des­ti­ni­té ; il feint même de se sou­mettre afin de mieux pré­ser­ver son œuvre. Il est le démiurge d’un autre monde. Il se dit : « créer un nou­veau pré­sent, ça ne peut pas se faire avec des récits, avec des inven­taires, ni en ana­ly­sant minu­tieu­se­ment ou brillam­ment ce qui s’est pas­sé et ce qui arrive, toutes ces choses, en fait, n’ont d’autre effet que d’af­fer­mir, de situer, de jus­ti­fier, de mettre en évi­dence, enfin, de don­ner plus de réa­li­té à la réa­li­té subie, ce ne sont que des varia­tions sur la même ter­reur et toute varia­tion gran­dit l’ob­jet dont elle est issue. […] à l’i­mage que l’on subit, il faut sub­sti­tuer, réelle, l’i­mage que l’on désire, non en tant qu’i­mage, mais en tant que quelque chose de vrai dont on puisse jouir. » Mais la mort d’un des inter­nés (qui s’ap­pelle Celes­ti­no, comme l’en­fant pour­sui­vi par son grand-père à la hache dans le pre­mier roman d’A­re­nas) amène Artu­ro à se poser des inter­ro­ga­tions sur cet élan d’é­cri­ture. «[…] il s’a­per­çut avec épou­vante qu’il n’y avait pas d’is­sue, que tous ses efforts avaient été vains, et que les choses étaient là, agres­sives, fixes, into­lé­rables, mais réelles, que le temps était là, son temps, sa géné­ra­tion bafouée et abru­tie, […] et il se dit en cet ins­tant que les courtes trêves dont on béné­fi­cie par moment, où que ce soit ou presque (l’ombre d’un arbre, la vision d’un corps splen­dide, la fraî­cheur de l’eau qui passe sur la gorge assoif­fée), n’é­taient pas vrai­ment des trêves, mais une condi­tion néces­saire que doit res­pec­ter toute cala­mi­té, tout mal­heur, pour que sa vic­time puisse faire la dif­fé­rence et subir plei­ne­ment, consciem­ment, l’a­tro­ci­té. » Mais alors, il découvre un autre sens à l’é­cri­ture, celui de construire un lieu où la beau­té puisse venir habi­ter : le lieu où un jeune gar­çon idéal et rieur, qu’il ne connaît pas et qui vient par­fois les nuits à la cour du camp, lorsque tous les autres dorment, puisse venir habi­ter. Artu­ro s’a­donne pas­sion­né­ment à la construc­tion de ce lieu. Pour lui, c’est une ques­tion de vie ou de mort. Par­fois il voit le jeune gar­çon, par­fois il ne le voit pas. Lorsque l’œuvre est ache­vée et qu’il attend que le jeune gar­çon vienne y habi­ter défi­ni­ti­ve­ment, il est décou­vert par la police, qui tire sur lui, mais avant de mou­rir, Artu­ro voit que le beau gar­çon est par­mi les poli­ciers et en uniforme…

Les romans d’A­re­nas sont des romans d’un noir trans­lu­cide. La déser­ti­fi­ca­tion appa­rem­ment totale pres­sen­tie par Are­nas à la fin de ce roman, on la voit venir en 1977, offi­ciel­le­ment « Année de l’Ins­ti­tu­tion­na­li­sa­tion ». Son héraut ne fut pas un beau gar­çon mais Hart, le ministre de la Culture, dont Cabre­ra Infante a écrit : « Il existe parce que je l’ai vu sur les pho­tos, très visible dans son cos­tume sombre à rayures blanches ver­ti­cales : rien, même pas le gilet, ne le dis­tingue d’un capo secon­daire du Par­rain. » Cabre­ra Infante nous décrit ain­si le Hart des pre­mières années d’a­près la révo­lu­tion : « très jeune, très inex­pert et très inculte, Arman­do Hart, célèbre aux temps de la révo­lu­tion pour son éva­sion de pri­son, qui a été sen­sa­tion­nelle, est main­te­nant, pour moi qui le connaît depuis de longues années, un médiocre zézayant qui disait inti­mi­der pour inti­mer et d’autres bar­ba­rismes que le temps, misé­ri­cor­dieux, m’a fait oublier. »

Fortifier l’autorité étatique

Cette année-là, il y a eu le deuxième Congrès de l’U­NEAC qui, selon Hart, révé­la « la grande uni­té idéo­lo­gique qui existe entre nos artistes et écri­vains […] c’est une uni­té sur les fon­de­ments de la poli­tique mar­xiste-léni­niste dans le champ cultu­rel. » On n’a peut-être pas besoin d’al­ler plus loin pour pré­ci­ser le sens de cette réunion. Hart a dit aus­si : « Les séances ont été carac­té­ri­sées autant par la dis­ci­pline que par l’ordre et la mesure dans les­quels elles ont été conduites. » Ce dis­cours, (où il a dit aus­si que « l’U­nion Sovié­tique est aujourd’­hui le pays le plus culti­vé de la terre et l’a­vant-garde du mou­ve­ment cultu­rel dans le monde ») était en fait la célé­bra­tion d’un triomphe. On y enten­dait des airs de gloire : « Pour tous les tra­vailleurs de l’art et de la lit­té­ra­ture qui ont tenu de pied ferme aux côtés de la Révo­lu­tion, du Par­ti et de Fidel, pour eux, dans cette heure d’exa­men, de jubi­la­tion et de réaf­fir­ma­tion révo­lu­tion­naire, nos dou­lou­reuses salu­ta­tions de cama­rades. » (Hart.) Ce sont des paroles d’enterrement.

On se trom­pe­rait si on vou­lait voir dans Hart un des­truc­teur bilieux et rin­gard. Il aspire aus­si à atteindre une cer­taine froi­deur scien­ti­fique dans sa tâche. Dans son dis­cours au deuxième Congrès de l’U­NEAC, il disait : « Il n’y avait pas assez de tra­di­tion orga­ni­sa­tion­nelle dans le ter­rain de l’art. His­to­ri­que­ment, d’autres sec­teurs pro­fes­sion­nels, tels que la méde­cine, l’en­sei­gne­ment et cer­taines branches de l’in­dus­trie par exemple, ont une plus grande tra­di­tion orga­ni­sa­tion­nelle et une sédi­men­ta­tion plus large de cri­tères sur la façon d’a­bor­der les pro­blèmes orga­ni­sa­tion­nels et l’ap­pli­ca­tion d’une poli­tique scien­ti­fi­que­ment conçue. » Il rêve donc d’or­ga­ni­ser l’art comme un hôpi­tal, comme une usine ou comme une école ! Après avoir essayé de défi­nir la « fonc­tion » et la « tech­nique » de la lit­té­ra­ture, il fal­lait, peut-être, s’at­tendre à ce rêve. Il pré­ci­sa cer­tains points pro­gram­ma­tiques pour arri­ver à la consti­tu­tion d’un réseau inter­dis­ci­pli­naire hau­te­ment tech­ni­ci­sé, à « un vaste sys­tème d’or­ga­ni­sa­tion et de direc­tion d’ins­ti­tu­tions, entre­prises et orga­nismes régis par des prin­cipes déter­mi­nés. » Il avance huit objec­tifs de ce réseau, dont le pre­mier est de « for­ti­fier l’au­to­ri­té éta­tique sur le ter­rain de la culture» ; le troi­sième d’«élaborer la poli­tique à suivre dans chaque branche spé­ci­fique de l’art et de la lit­té­ra­ture sur la base de la par­ti­ci­pa­tion des spé­cia­listes du plus haut niveau pro­fes­sion­nel et idéo­lo­gique» ; et le sixième d’«atteindre une direc­tion et un contrôle effi­cace dans l’exé­cu­tion de la poli­tique orien­tée, moyen­nant une juste ins­tru­men­ta­tion tech­nique et méthodologique. »

Dans la décla­ra­tion finale de ce Congrès, il n’y a pas une seule réfé­rence à l’art ou à la lit­té­ra­ture, mais il est ques­tion à plu­sieurs reprises du blo­cus amé­ri­cain et de la Révo­lu­tion d’Oc­tobre. Et voi­ci sa conclu­sion : « Nous, écri­vains et artistes cubains, au moment de mettre fin à notre Congrès, nous vou­lons lais­ser clai­re­ment constance, encore une fois, de notre adhé­sion, ferme et totale, au peuple dont nous sommes issus, à son Par­ti et à son gou­ver­ne­ment, à l’in­ter­na­tio­na­lisme pro­lé­ta­rien, au socia­lisme et à notre héroïque et bien-aimé Fidel. Dans aucune situa­tion il ne man­que­ra de notre pré­sence, les armes à la main, chaque fois que cela sera néces­saire, et tou­jours avec les ins­tru­ments de l’art et de la culture, au ser­vice d’une cause d’une digni­té suprême. »

Singing in the rain

Un jour de 1980, quelques Cubains esca­la­dèrent les grilles de l’am­bas­sade péru­vienne à La Havane, où ils trou­vèrent asile. Trois jours plus tard, ils étaient onze mille réfu­giés dans cette mai­son et les condi­tions dans les­quelles ils se trou­vaient allaient en s’ag­gra­vant. Il y eut des négo­cia­tions diplo­ma­tiques assez intenses et, dans une pan­ta­lon­nade, Fidel Cas­tro dit que tous ceux qui vou­laient quit­ter l’île se ren­dissent au port de Mariel ; les États-Unis étaient prêts à les accueillir. Ils furent plus de cent mille. Fidel Cas­tro les appe­la « les sco­ries de la socié­té » et, pour aller dans le sens de ces mots et essayer de dis­cré­di­ter ce mou­ve­ment de masse, il vida une par­tie de ses pri­sons et char­gea les Comi­tés de défense de la Révo­lu­tion (un par pâté de mai­sons) de contac­ter tous les « indé­si­rables » et de les ame­ner à Mariel. L’heure avait son­né pour Rei­nal­do Are­nas. « J’é­tais dans mon appar­te­ment de La Havane lorsque, à quatre heures du matin, on a frap­pé à ma porte et ils m’ont dit : “habille-toi et tire-toi”. Je leur ai dit que je n’a­vais pas deman­dé à sor­tir, que je pré­fé­rais res­ter à Cuba, mais ils m’ont dit : “Ne dis­cute pas et file à Mariel », raconte Rei­nal­do Are­nas. Quel­qu’un (il paraît que c’é­tait un oncle) l’a recon­nu au milieu de la foule qui débar­quait à Key-West. Il a été ain­si sau­vé des dépôts de l’Ar­kan­sas ou de Penn­syl­va­nie, où ces Cubains furent entas­sés. Seule­ment deux jours après, le gou­ver­ne­ment cubain reçut par télé­graphe la nou­velle que Rei­nal­do Are­nas était par­ti avec la foule de Mariel, saqué par ses propres Comi­tés de défense de la Révo­lu­tion. Très ner­veux, Hart s’empressa de décla­rer aux cor­res­pon­dants étran­gers qu’A­re­nas aurait pu quit­ter le pays « nor­ma­le­ment », avec un pas­se­port, s’il l’a­vait demandé…

En jan­vier 1981, Cabre­ra Infante ren­con­tra Are­nas à New-York. « Il avait l’air de l’homme le plus heu­reux de la pla­nète, il dan­sait pieds nus dans les rues de New York : “Regarde!” me criait-il, “comme Gene Kel­ly quand il chan­tait Sin­ging in the rain!” — sous la neige et non pas sous la pluie. »

Conra­do Tostado


Dans le même numéro :


Thèmes


Si vous avez des corrections à apporter, n’hésitez pas à les signaler (problème d’orthographe, de mise en page, de liens défectueux…

Veuillez activer JavaScript dans votre navigateur pour remplir ce formulaire.
Nom

La Presse Anarchiste