La Presse Anarchiste

La femme bulgare un jour pour tout paiement

La fête de la femme, le 8 mars, fait par­tie des célé­bra­tions de valeurs sociales et morales dou­teuses. Dès la mi-février, il est presque impos­sible de réser­ver une table dans les res­tau­rants d’un cer­tain niveau la plu­part des entre­prises les ont rete­nues pour leurs ban­quets du 8 mars. Une telle « célé­bra­tion entre col­lègues » est un curieux spec­tacle. Les femmes ont une nou­velle per­ma­nente, l’or­chestre joue une mélo­die folk­lo­rique à deve­nir sourd, les mes­sieurs un peu saouls invitent les dames à dan­ser. Pour la majo­ri­té des femmes, mal­heu­reu­se­ment, c’est la seule fois de l’an­née où elles sortent au res­tau­rant. Le bud­get fami­lial ne leur per­met pas de le faire sou­vent, car la femme bul­gare ne vit pas assez bien.

Que lui a appor­té cette éman­ci­pa­tion com­mu­niste tant van­tée, sinon de nou­veaux sou­cis ? Cette pré­ten­due « éga­li­té » dans le domaine du tra­vail est effec­tive, car le niveau de vie des Bul­gares est tom­bé si bas qu’il est impos­sible à un époux de nour­rir sa famille avec son salaire. Le tra­vail de la femme dans le sec­teur public ne l’a pas libé­rée, bien au contraire il n’a fait que s’a­jou­ter à ses pré­oc­cu­pa­tions fami­liales Comme l’al­lè­ge­ment effec­tif des tra­vaux domes­tiques en est res­té à un stade pri­mi­tif, la femme bul­gare n’y a gagné que huit heures de tra­vail et deux heures de trans­port en plus.

Des ins­ti­tuts socio­lo­giques ont fait de très rares enquêtes sur l’emploi du temps des femmes en Bul­ga­rie. Les résul­tats sont si tristes qu’on pré­fère ne pas les publier. On ver­rait alors clai­re­ment com­bien de temps est per­du pour faire les courses, conduire les enfants à la crèche, aller au tra­vail, par­ti­ci­per à l’é­du­ca­tion poli­tique obli­ga­toire, etc. Un cal­cul simple montre que la femme ne dis­pose pra­ti­que­ment pas de temps pour elle-même, pour s’ins­truire, lire, aller au ciné­ma. Comme elle n’a pas de temps non plus pour se qua­li­fier pro­fes­sion­nel­le­ment, elle fait les tra­vaux les moins payés, où le tra­vail est des plus pénibles. On peut voir que les femmes, dans les champs, sont de dix à cent fois plus nom­breuses que les hommes. La situa­tion dans les usines n’est pas meilleure. La presse avait consta­té une fois que les femmes qui vou­laient amé­lio­rer leur qua­li­fi­ca­tion pro­fes­sion­nelle avaient des dif­fi­cul­tés dans la pro­duc­tion et dans les tra­vaux ména­gers, et que pour la période 1965 – 69, 73,8% des femmes tra­vaillant en usine n’a­vaient pas de qua­li­fi­ca­tion pro­fes­sion­nelle ni sui­vi de cours de for­ma­tion. Les sta­tis­tiques montrent que les femmes par­ti­cipent gran­de­ment aux pro­fes­sions qua­li­fiées, méde­cine, édu­ca­tion, biblio­gra­phie, ingé­nie­rie, etc. Cet opti­misme dis­pa­raît quand on sait que les trois pre­miers sec­teurs sont par­mi les moins payés et que les femmes qui exercent dans le qua­trième sont rare­ment admises à des postes de res­pon­sa­bi­li­té. Les sta­tis­tiques montrent aus­si qu’il y a trop de postes de siné­cure au détri­ment des femmes, sur­tout dans l’é­du­ca­tion et dans les orga­ni­sa­tions de masse. Par exemple, il arrive que la direc­trice d’un musée his­to­rique n’ait pas de for­ma­tion en his­toire ou bien que le chef d’un comi­té local de la culture ait une for­ma­tion éco­no­mique (de l’Ins­ti­tut éco­no­mique Karl Marx)! Cela arrive parce que ce genre de poste est occu­pé par des membres de l’é­lite du par­ti com­mu­niste, soit local, soit cen­tral, et les femmes qua­li­fiées dans ces domaines n’y trouvent pas de tra­vail cor­res­pon­dant à leurs capacités.

Mal­gré les esca­lopes vien­noises et les nom­breuses bou­teilles de vin, un seul jour peut-il com­pen­ser le vide des 364 autres jours de l’an­née pen­dant les­quels la femme bul­gare subit une dis­cri­mi­na­tion et une exploi­ta­tion sans merci ?

R. Stoi­chov
(Tra­duit de Iztok bulgare)


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