La Presse Anarchiste

Repères bibliographiques autur de A. Bennigsen

Les évé­ne­ments récents en Trans­cau­ca­sie nous indiquent com­bien les ques­tions natio­nales res­tent aiguës en Union sovié­tique. Pour ce qui concerne les répu­bliques musul­manes, l’un des meilleurs connais­seurs est sans conteste en France Alexandre Ben­nig­sen. Sa dis­pa­ri­tion récente (il est mort le 7 juin 1988) nous donne l’oc­ca­sion de pré­sen­ter l’es­sen­tiel de ses tra­vaux rela­tifs à ces ques­tions. Sui­vront, en com­plé­ment, les réfé­rences des ouvrages écrits par d’autres auteurs sur le même sujet ain­si qu’une brève sélec­tion d’ou­vrages en anglais. Il faut signa­ler en effet que de nom­breux cher­cheurs anglo-saxons se sont consa­crés aux rap­ports entre com­mu­nisme et natio­na­lisme en Orient, et notam­ment en Union sovié­tique. Ben­nig­sen lui-même fré­quen­ta pen­dant de nom­breuses années les uni­ver­si­tés amé­ri­caines (en par­ti­cu­lier celle de Chi­ca­go, de 1971 à 1982) où existe une impor­tante école his­to­rique d’é­tudes orien­tales. Il y a tenu pen­dant plu­sieurs années un sémi­naire sur les théo­ries et les pra­tiques de la poli­tique sovié­tique des natio­na­li­tés avec le pro­fes­seur Jere­my R. Azrael. Beau­coup de ses tra­vaux furent publiés en langue anglaise aux États-Unis ou en Grande-Bre­tagne, cer­tains de ses ouvrages ayant aus­si été publiés d’a­bord en anglais (quelques-uns n’ont pas été tra­duits). Sou­li­gnons aus­si que le domaine de recherche dans lequel s’est illus­tré A. Ben­nig­sen requiert un ensemble de connais­sances très diverses dif­fi­ciles à réunir pour un Occi­den­tal, puis­qu’il est néces­saire de connaître à la fois le monde russe et la civi­li­sa­tion musul­mane, les doc­trines mar­xistes et la phi­lo­so­phie isla­mique, la langue russe et les dif­fé­rentes langues turques (celles des dif­fé­rentes mino­ri­tés lin­guis­tiques : ouz­beke, kirghize…)

Né à Péters­bourg en 1913, de parents baltes (son père, offi­cier du tsar, com­bat­tit dans les rangs des géné­raux blancs au cours de la guerre civile et fut aus­si un orien­ta­liste répu­té), Alexandre Ben­nig­sen arrive en France en 1924 avec toute sa famille. Après une car­rière d’of­fi­cier de cava­le­rie, il entre en 1950 à la VIe sec­tion de l’É­cole pra­tique des hautes études (qui devien­dra ensuite l’É­cole des hautes études en sciences sociales) où il demeu­re­ra jus­qu’à sa retraite défi­ni­tive en 1983. Il se spé­cia­li­se­ra alors, comme his­to­rien, dans l’é­tude des mou­ve­ments natio­naux des musul­mans de l’Em­pire russe au début du siècle, fai­sant sor­tir de l’ombre où les avait plon­gées la dic­ta­ture sta­li­nienne, dès les années vingt, quelques figures émi­nentes du com­mu­nisme natio­nal musul­man, au pre­mier rang des­quelles Sul­tan Galiev. À l’É­cole des hautes études, il fonde le « groupe turc » qui com­prend alors Gilles Vein­stein, J. L. Bac­qué-Gram­mont, M. Lesure, Mih­nea Berin­dei, D. Desaive et Chan­tal Lemer­cier-Quel­que­jay, déve­lop­pant ain­si une véri­table école de pen­sée sur l’is­lam sovié­tique. Après s’être inté­res­sé aux riches archives du Musée Top­ka­pi d’Is­tan­bul et avoir publié une série de contri­bu­tions sur l’his­toire du monde tur­co­phone à l’é­poque otto­mane, il se tour­ne­ra, dans les années 80, vers des recherches sur la situa­tion de l’is­lam contem­po­rain en Union sovié­tique. Dépouillant en par­ti­cu­lier les publi­ca­tions offi­cielles des dif­fé­rentes répu­bliques musul­manes, il met en évi­dence l’im­por­tance actuelle d’un islam paral­lèle et clan­des­tin por­té par les confré­ries sou­fies, islam bien dif­fé­rent et autre­ment dyna­mique que ne l’est l’is­lam offi­ciel mis en place à l’é­poque sta­li­nienne. Ces der­nières années, Ben­nig­sen fut sur­tout atten­tif aux consé­quences de l’en­ga­ge­ment sovié­tique en Afgha­nis­tan. Il fut l’un des rares sovié­to­logues à pré­dire, dès 1980, la défaite sovié­tique (cf. l’ar­ticle men­tion­né ci-des­sous). Sou­te­nant réso­lu­ment la résis­tance afghane, il disait attendre pour mou­rir le départ des troupes sovié­tiques du pays…

Bibliographie d’Alexandre Bennigsen

Pas­sé tur­co-tatar, pré­sent sovié­tique : Tur­co tatar past, soviet pré­sent : études offertes à Alexandre Ben­nig­sen /​ éd. Chan­tal Lemer­cier-Quel­que­jay, Gilles Vein­stein, S. Enders-Win­bush – Peters, École des hautes études en sciences sociales, 1986 – 563 p.

Cer­tains articles de la troi­sième par­tie « Pou­voir sovié­tique et natio­na­lismes musul­mans » concernent direc­te­ment notre sujet. Ils sont signés P. Dumont, A. Besan­çon, M. Hel­ler, S. Enders-Win­bush, M. Fer­ro, O. Roy… On trou­ve­ra aus­si dans cet ouvrage une bio­gra­phie détaillée (en anglais) de Bennigsen.

Les Mou­ve­ments natio­naux chez les musul­mans de Rus­sie — Paris, Mou­ton et Cie.

1. – Le Sul­tan­ga­lié­visme au Tatars­tan /​ col­lab. C. Lemer­cier-Quel­que­jay ‑1960 – 285 p.

Pré­sen­ta­tion du natio­na­lisme tatar avant 1917, les rap­ports de ce natio­na­lisme avec le par­ti bol­che­vik, la figure de Sul­tan Galiev, adjoint de Sta­line au Com­mis­sa­riat aux natio­na­li­tés, son oppo­si­tion après 1923. Ce livre pré­sente un grand inté­rêt docu­men­taire : il donne en effet les grands textes du com­mu­nisme natio­nal musul­man des années 1917 – 1923. Maxime Rodin­son en a don­né une ana­lyse : « Com­mu­nisme et tiers monde, sur un pré­cur­seur oublié » in Les Temps modernes, n°177 (déc.1960-jan.1961) repris in Mar­xisme et monde musul­man (Seuil, 1972). Ben Bel­la, qui a lu le livre, décla­ra en 1964, alors qu’il était pré­sident de la Répu­blique algé­rienne, qu’il avait été très impres­sion­né par les idées de S. Galiev (News­week, 13 janv. 1964).

2. – La Presse et le mou­ve­ment natio­nal chez les musul­mans de Rus­sie avant 1920 /​ col­lab. C. Lemer­cier-Quel­que­jay – 1964 – 386 p.

La presse pério­dique musul­mane appa­raît en même temps que les pre­miers réfor­mistes musul­mans de Rus­sie (vers 1870). Une ana­lyse très docu­men­tée pré­sen­tant les dif­fé­rentes ten­dances poli­tiques et les com­po­santes natio­nales (périodes 1905 – 1917 puis 1917 – 1920). Nom­breux docu­ments repro­duits. Les archives uti­li­sées sont celles de la Biblio­thèque natio­nale d’ Hel­sin­ki com­plé­tées par les col­lec­tions d’Istanbul.

L’Is­lam en Union sovié­tique /​ col­lab. C. Lemer­cier-Quel­que­jay – Payot,1968 – 263 p. (Biblio­thèque historique)

Un pano­ra­ma his­to­rique et socio­lo­gique de l’is­lam sovié­tique au XXe siècle : le com­mu­nisme natio­nal musul­man (1917 – 1923), la poli­tique sovié­tique à l’é­gard de l’is­lam (1920 – 1941), l’is­lam sovié­tique dans les années 60 (les dif­fé­rents peuples, la conscience natio­nale, la famille musul­mane, l’intelligentsia…)

Mus­lim natio­nal com­mu­nism in the Soviet Union : a revo­lu­tio­na­ry stra­te­gy for the colo­nial world /​collab. S. Enders-Win­bush – The Uni­ver­si­ty of Chi­ca­go, 1979-267 p.

Consa­cré dans sa tota­li­té au com­mu­nisme natio­nal musul­man des années 1917 – 1928, « la voie musul­mane » vers le com­mu­nisme. Un cha­pitre impor­tant est consa­cré à l’in­fluence qu’il a pu exer­cer sur les idéo­logues du mou­ve­ment révo­lu­tion­naire dans le tiers monde (sur les diri­geants du PC chi­nois quand ils repre­naient l’i­dée que le com­mu­nisme devait trou­ver sa forme natio­nale pour réus­sir à s’im­plan­ter dans un pays ou quand ils met­taient en avant la révo­lu­tion pay­sanne, sur les diri­geants algé­riens dans les années 60, sur le mar­xiste péru­vien José Car­los Maria­te­gui…). L’ou­vrage reprend les grands textes théo­riques du mou­ve­ment, donne les bio­gra­phies des prin­ci­paux lea­ders et pré­sente, sous forme de dic­tion­naire, les diverses orga­ni­sa­tions pou­vant être rat­ta­chées à ce mou­ve­ment. Un compte ren­du du livre existe in Annales ESC, mai-août 1980, n°3 – 4, Recherches sur l’is­lam, his­toire et anthro­po­lo­gie, par Marc Fer­ro (pp. 666 – 669).

Les Musul­mans oubliés : l’is­lam en URSS aujourd’­hui /​ col­lab. C. Lemer­cier-Quel­que­jay – F. Mas­pe­ro, 1981 – 316 p. (Petite coll. Maspero)

Dans la lignée de L’Is­lam en Union sovié­tique mais aus­si une par­tie his­to­rique beau­coup plus courte et un pano­ra­ma très déve­lop­pé de la situa­tion de l’is­lam sovié­tique vers la fin des années 70. Pré­sen­ta­tion de cha­cune des répu­bliques musul­manes et des dif­fé­rents groupes eth­niques de l’A­sie cen­trale. Traite aus­si des rela­tions de l’is­lam sovié­tique avec le reste du monde musulman.

Sul­tan Galiev, le père de la révo­lu­tion tiers-mon­diste /​ col­lab. C. Lemer­cier-Quel­que­jay – Fayard, 1986 – 305 p. (Les Incon­nus de l’Histoire)

Bio­gra­phie de Mir Sayid Sul­tan Galiev (1880 – 1941 ou 1942?). Condam­né à 10 ans de tra­vaux for­cés en 1929, Galiev aurait été libé­ré en 1939 mais on perd sa trace après cette date. Avec son arres­ta­tion en 1928, puis sa condam­na­tion, c’est le rêve qu’il avait cares­sé d’une conci­lia­tion pos­sible entre natio­na­lisme pan­turc et mar­xisme à la mode russe qui s’ef­fon­drait définitivement.

Le Sou­fi et le com­mis­saire : les confré­ries musul­manes en URSS /​ col­lab. C. Lemer­cier-Quel­que­jay – Seuil, 1986 – 311 p.

Ver­sion élar­gie et aug­men­tée de l’é­di­tion anglaise Mys­tics and com­mis­sars (Londres, Ber­ke­ley). Tra­vail fon­dé sur des sources sovié­tiques, prin­ci­pa­le­ment sur les publi­ca­tions de pro­pa­gande anti­re­li­gieuse (évi­dem­ment mal­veillante à l’é­gard des musul­mans) ain­si que sur des témoi­gnages oraux de voya­geurs en Asie cen­trale sovié­tique. Les confré­ries reli­gieuses, nous dit Ben­nig­sen, n’ont ni idéo­lo­gie ni pro­gramme poli­tique. Mais elles pos­sèdent une struc­ture orga­ni­sa­tion­nelle redou­ta­ble­ment effi­cace. Face aux direc­tions spi­ri­tuelles offi­cielles, sans réelle influence, elles jouent le rôle de hié­rar­chie de rem­pla­ce­ment. Le pou­voir sovié­tique est confron­té à un dilemme : pour affai­blir le sou­fisme il doit ren­for­cer l’es­ta­blish­ment offi­ciel musul­man (ce qui signi­fie ouver­ture de nou­velles mos­quées, de nou­velles écoles reli­gieuses, etc.) et c’est ce qu’il cherche jus­te­ment à évi­ter. D’autre part, la pro­pa­gande anti­re­li­gieuse favo­rise, dans ces régions, la mon­tée de l’is­lam paral­lèle. Rap­pe­lons que pour une popu­la­tion de 27 mil­lions d’ha­bi­tants en 1979 en Asie cen­trale, 3 mil­lions étaient décla­rés « croyants fana­tiques » par les auto­ri­tés. Sou­li­gnons, enfin, qu’en dépit de son sujet qui peut paraître a prio­ri très spé­cia­li­sé, ce livre réunit toutes les don­nées néces­saires à la com­pré­hen­sion des pro­blèmes abor­dés et que sa lec­ture en est d’au­tant facilitée.

Deux autres ouvrages, sur les­quels nous n’a­vons pas d’autres infor­ma­tions, sont à mentionner :

The Mus­lim threat to the Soviet State /​ col­lab. Marie Broxup – Londres, Croom Helm, 1982.

A Hand­book of soviet islam /​ col­lab S. Enders-Win­bush – Londres, C. Hurst.

A. Ben­nig­sen a publié seul ou en col­la­bo­ra­tion de très nom­breux articles, en par­ti­cu­lier dans les Cahiers du monde russe et sovié­tique et dans Cen­tral Asian review.

Par­mi ces tra­vaux, signa­lons pour leur actualité :

Les Musul­mans de l’URSS et la crise afghane in Poli­tique étran­gère, 45e année, n°1, mars 1980.

À pro­pos des réper­cus­sions pro­bables de la crise afghane en URSS, Ben­nig­sen sou­li­gnait : « La pré­sence d’une masse musul­mane en Asie cen­trale oblige Mos­cou à ter­mi­ner l’af­faire afghane vite et bien. Sinon, la gué­rilla afghane pour­rait réveiller des vel­léi­tés d’in­dé­pen­dance ; les rebelles afghans pour­raient deve­nir un modèle et leur com­bat inégal une pro­messe et une preuve qu’on peut tenir tête au « frère aîné » les armes à la main. Un échec sovié­tique en Afgha­nis­tan serait com­pa­rable, par ses consé­quences immé­diates et loin­taines, à la défaite de la Rus­sie tsa­riste en 1905. »

Islam sovié­tique, le déto­na­teur cau­ca­sien in Ara­bies, n°19 – 20, juillet-août 1988

Ben­nig­sen est mort peu de temps après avoir remis cet article. Après avoir res­ti­tué les évé­ne­ments de ces der­niers mois dans une pers­pec­tive his­to­rique, il ana­lyse la poli­tique des auto­ri­tés, les solu­tions à long terme qu’elles envi­sagent : ren­ver­ser le pro­ces­sus démo­gra­phique, rus­si­fier les cadres, assu­rer la cohé­sion de l’empire autour du patrio­tisme et de la tra­di­tion his­to­rique et cultu­relle de l’an­cienne Rus­sie. Mais cette trans­for­ma­tion de fac­to de l’URSS en un État natio­nal grand-rus­sien ne pré­sente-t-elle pas de grands dan­gers au moment où les Russes sont deve­nus minoritaires ?

Ouvrages en français d’autres auteurs

Car­rère d’En­causse Hélène — Réforme et révo­lu­tion chez les musul­mans de l’Em­pire russe : Bukha­ra, 1867 – 1924 ― Fon­da­tion natio­nale des sciences poli­tiques, 1966 ― 312 p. (Nouv. éd. chez le même édi­teur en 1981) Sovié­to­logue aujourd’­hui média­trice, H. Car­rère d’En­causse a com­men­cé sa car­rière uni­ver­si­taire par cette thèse de 3e cycle sou­te­nue en 1963. Elle y retra­çait l’his­toire de la péné­tra­tion russe et capi­ta­liste dans l’é­mi­rat de Bou­kha­ra au cours de la seconde moi­tié du XIXe siècle, l’his­toire du déve­lop­pe­ment du réfor­misme musul­man au Tur­kes­tan, l’ef­fer­ves­cence natio­na­liste, l’al­liance des natio­na­li­tés et des bol­che­viks après 1917, la pro­cla­ma­tion de Bou­kha­ra en répu­blique indé­pen­dante, l’al­liance avec les bas­mat­chis, puis avec Enver Pacha, enfin la des­truc­tion de l’É­tat de Bou­kha­ra avec les purges mas­sives de 1924 au cours des­quelles fut anéan­tie l’é­lite intellectuelle.

Car­rère d’En­causse Hélène — Uni­té pro­lé­ta­rienne et diver­si­té natio­nale : Lénine et la théo­rie de l’au­to­dé­ter­mi­na­tion in Revue fran­çaise des sciences poli­tiques, n°2, avril 1971.

Une brève ana­lyse his­to­rique des théo­ries mar­xistes de la nation et leur appli­ca­tion en URSS notam­ment dans les répu­bliques musul­manes. Un article de syn­thèse dense et passionnant.

Car­rère d’En­causse Hélène — L’Em­pire écla­té : la révolte des nations en URSS ― Flam­ma­rion, 1978 — repris en LGF (Livre de poche), 1981 — 380 p.

Le livre qui a assu­ré le suc­cès à son auteur. En dépit de son titre polé­mique lar­ge­ment exploi­té par les médias, il pré­sente un grand inté­rêt et a connu, à notre avis, un suc­cès méri­té. Il est ici ques­tion de l’en­semble de l’empire (répu­bliques musul­manes, mais aus­si pays baltes, Ukraine, Armé­nie…) Nom­breuses infor­ma­tions sur les par­ti­cu­la­ri­tés de cha­cun des peuples com­po­sant l’U­nion sovié­tique. Selon l’au­teur, il est mani­feste que l’i­den­ti­té de cha­cun de ces peuples demeure et est même reven­di­quée en tant que telle mal­gré soixante années de régime communiste.

Car­rère d’En­causse Hélène — Le Grand défi : bol­che­viks et nations, 1917 – 1930 ― Flam­ma­rion, 1987 — 333 p. (Nou­velle biblio­thèque scientifique)

Une syn­thèse sur les doc­trines et les poli­tiques natio­nales en URSS entre 1917 et 1930. L’au­teur sou­ligne le divorce entre les prin­cipes et les pra­tiques de la révo­lu­tion russe d’une part et ceux de la révo­lu­tion se dérou­lant dans le même temps à la péri­phé­rie de l’empire : pour les uns, la révo­lu­tion est d’a­bord poli­tique, elle est l’œuvre d’une élite natio­nale dont les valeurs sont celles du chan­ge­ment, du pro­grès natio­nal et cultu­rel ; pour les autres, la révo­lu­tion est un com­bat pour que s’é­pa­nouisse une iden­ti­té natio­nale et dans ce cadre, les élites et les valeurs tra­di­tion­nelles sont à res­pec­ter ou à ména­ger. L’i­dée de Lénine selon laquelle la moder­ni­sa­tion (le pro­grès cultu­rel et maté­riel, l’ou­ver­ture sur l’ex­té­rieur…) devait pro­duire un éro­sion de la conscience natio­nale, cette idée-là n’a pas été confir­mée par l’his­toire, loin s’en faut.

Afa­na­syan Serge — L’Ar­mé­nie, l’A­zer­baïd­jan et la Géor­gie, de l’in­dé­pen­dance à l’ins­tau­ra­tion du pou­voir sovié­tique, 1917 – 1923, L’Har­mat­tan, 1981 — 265 p.

Un livre inté­res­sant, écrit par un Armé­nien d’o­ri­gine, pour mieux com­prendre les évé­ne­ments actuels en Trans­cau­ca­sie. L’au­teur a tra­vaillé sur les publi­ca­tions russes et armé­niennes nuan­cées par les archives du Minis­tère fran­çais des Affaires étran­gères. La situa­tion dans cette région est incom­pré­hen­sible si on n’a pas à l’es­prit les évé­ne­ments de ces années déci­sives. Après 1917, nombre de diri­geants cau­ca­siens jouent la carte des Alliés contre les bol­che­viks. Leurs peuples l’ont payé cher jus­qu’à aujourd’hui…

Mon­teil Vincent — Les Musul­mans sovié­tiques — Seuil, 1982 — 264 p.

Une pre­mière édi­tion est parue chez le même édi­teur en 1957. Un pano­ra­ma de l’Is­lam contem­po­rain en URSS. L’au­teur, qui s’est conver­ti à l’is­lam après avoir été long­temps un mili­tant du PCF, sol­li­cite sou­vent les ouvrages de Ben­nig­sen ain­si que les auteurs amé­ri­cains de l’é­cole de Chicago.

Dumont Paul — Articles dans les Cahiers du Monde russe et sovié­tique, notam­ment :
– Axe Mos­cou-Anka­ra, les rela­tions tur­co-sovié­tiques de 1919 – 1922 — vol. 18 – 3
– 1977.
– La Fas­ci­na­tion du bol­che­visme, Enver Pacha et le par­ti des Soviets popu­laires, 1919 – 1922 – vol 16 – 2 – 1975.
– Bol­che­visme et Orient — vol 19 — 1977.

Signa­lons enfin un roman ins­pi­ré à un écri­vain algé­rien par Sul­tan Galiev :

Ten­gour Habib — Sul­tan Galiev ― Sind­bad, 1985.

Quelques ouvrages en anglais :

Pipes Richard — The For­ma­tion of the Soviet Union : com­mu­nism and natio­na­lism 1917 – 1923 ― Cam­bridge (Mas­sa­chus­sets) — 1964. L’ou­vrage de réfé­rence, qua­si­ment, sur ces questions.

Conquest A. — The For­ma­tion of the Soviet Union — Cam­bridge (Mas­sa­chus­sets) ― 1966.

Kapur Harish — The Soviet Rus­sia and Asia — New-York ― 1967.

Spec­tor Ivar — The Soviet Union and the Mus­lim World ― 1917 – 1958 – Seat­tle ― 1959.

Davis Horace B. — Toward a mar­xist theo­ry of natio­na­lism. Month­ly review Press ― 1978.

Pour ceux que ces ques­tions inté­ressent et qui veulent se réfé­rer aux textes, sont à consul­ter en particulier :

Le Pre­mier congrès des peuples de l’O­rient ― Bakou ― 18 sept. 1920 : compte ren­du sté­no­gra­phique. Rééd. en fac-sim. F. Mas­pe­ro 1971.

Les idées des com­mu­nistes natio­naux musul­mans sont défen­dues par Narboutabekov.

Le Mar­xisme et l’A­sie ― 1853 – 1964 ― textes trad. et pré­sen­tés par H. Car­rère d’En­causse et Stuart Schram. A. Colin, 1965.

Jean-Pierre Ménage


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