La Presse Anarchiste

Le Parti doit être repris en main

Le texte dont nous pro­po­sons ici une tra­duc­tion, serait, croit-on savoir, une cir­cu­laire éma­nant du Comi­té cen­tral expé­diée par le bureau des affaires cou­rantes du Par­ti com­mu­niste chi­nois, à des­ti­na­tion de tous les cadres de l’ap­pa­reil jus­qu’au niveau des cadres moyens (soit jus­qu’au dix-sep­tième rang). Inti­tu­lé : « les Points impor­tants d’une conver­sa­tion entre le cama­rade Deng Xiao­ping et les cama­rades Yang Shang­kun, Wan Li, Jiang Zemin, Li Peng, Qiao Shi, Yao Yilin, Song Ping et Li Rui­huan », il repro­duit le dis­cours pro­non­cé par Deng Xiao­ping devant les membres du nou­veau Comi­té per­ma­nent du Bureau poli­tique. L’in­ter­ven­tion a vrai­sem­bla­ble­ment été faite avant que ne soit réuni le qua­trième ple­num du XIIIe Comi­té cen­tral (23 – 24 juin 1989), mais à un moment où les déci­sions enté­ri­nées par ledit ple­num avaient déjà, visi­ble­ment, été arrê­tées. Le texte a paru dans la presse de Hong Kong. Nous avons uti­li­sé la ver­sion don­née par le Zhon­gyang ribao [quo­ti­dien cen­tral] de Tai­wan, en date du 14 juillet 1989. Le titre et les inter­titres sont de nous, de même que les notes.

S’a­gis­sant de l’au­then­ti­ci­té du docu­ment, rien ne per­met, à prio­ri, d’en dou­ter. D’une part, parce que les recom­man­da­tions qu’il ren­ferme ont été sui­vies d’ef­fets immé­dia­te­ment per­cep­tibles. Il n’est que de consta­ter le tapage mené alors sur le thème de la lutte contre la cor­rup­tion, pour ne rien dire des encou­ra­ge­ment répé­tés à l’in­ves­tis­se­ment étran­ger ou de la répres­sion qui, si elle était déjà deve­nue silen­cieuse, n’en per­du­rait pas moins. On en rele­vait, d’autre part, dans la presse offi­cielle chi­noise de l’é­poque, quan­ti­té d’ex­traits ano­nymes, cita­tions qua­si lit­té­rales ou non. Un exemple : l’é­di­to­ria­liste du Quo­ti­dien du peuple (édi­tion d’outre-mer), en date du 22 juillet 1989, a repris à son compte, et tex­tuel­le­ment, plu­sieurs phrases.

Ce dis­cours, outre qu’il confirme défi­ni­ti­ve­ment que Deng Xiao­ping reste bien l’empereur de Chine — et voi­là qui met­tra un terme à toutes les sup­pu­ta­tions imbé­ciles selon les­quelles on lui aurait for­cé la main pour qu’il adopte telle ou telle mesure — et qu’il nous livre les axes de son pro­gramme de redres­se­ment à court terme, ce dis­cours, donc, peut être tenu, sans exa­gé­ra­tion aucune, pour le tes­ta­ment poli­tique de la gloire du Sichuan, soit, pour reprendre ses propres mots, pour le der­nier expo­sé de sa « posi­tion politique ».

Huang S. — A. Pino

Dans l’his­toire de notre Par­ti com­mu­niste chi­nois, à comp­ter d’au­jourd’­hui, nous devons éta­blir une direc­tion col­lé­giale de la troi­sième géné­ra­tion. Avant la Confé­rence de Zunyi 1La Confé­rence de Zunyi s’est tenue en jan­vier 1935. Mao s’y est vu confier la direc­tion du Par­ti en deve­nant le pré­sident du Comi­té cen­tral. notre Par­ti ne dis­po­sait pas encore d’un centre mûr. De Chen Duxiu, Qu Qiu­bai, Xian Zhong­fa, Li Lisan, jus­qu’à Wang Ming, nous n’é­tions pas par­ve­nus à consti­tuer un centre com­pé­tent. La direc­tion col­lé­giale de notre Par­ti a com­men­cé à s’é­ta­blir à la Confé­rence de Zunyi. Il s’a­gis­sait de Mao, Liu [Shao­qi], Zhou [Enlai] et Zhu [De], rejoints par la suite par le cama­rade [Ren] Bishi, et, après le décès du cama­rade [Ren] Bishi, par le cama­rade Chen Yun. Jus­qu’au VIIIe Congrès du Par­ti 2La pre­mière ses­sion s’est tenue en sep­tembre 1956, la seconde en mai 1958., nous avons for­mé un Comi­té per­ma­nent, com­po­sé de Mao, Liu [Shao­qi], Zhou [Enlai], Zhu [De], Chen [Yun] et Deng [Xiao­ping]. Par la suite, nous avons inté­gré Lin Biao. Cette direc­tion col­lé­giale s’est main­te­nue jus­qu’à la Révo­lu­tion culturelle.

J’ai été le noyau de la deuxième génération des leaders

Durant la longue période qui a pré­cé­dé la Révo­lu­tion cultu­relle, quelles qu’aient été les erreurs com­mises par notre Par­ti, quels qu’aient été les chan­ge­ments sur­ve­nus par­mi ses membres, du début jus­qu’à la fin, nous avons tou­jours main­te­nu une direc­tion col­lé­giale, avec, comme noyau, le cama­rade Mao Zedong. Voi­là quels ont été les lea­ders de la pre­mière géné­ra­tion de notre Parti.

Le troi­sième ple­num du XIe Comi­té cen­tral 3Ple­num qui a consa­cré la vic­toire de Deng Xiao­ping sur Hua Guo­feng. Il s’est tenu du 12 au 18 décembre 1978. a mis en place un nou­veau col­lec­tif direc­teur, le col­lec­tif direc­teur de la deuxième géné­ra­tion. Dans ce col­lec­tif, en fait, on peut esti­mer que j’ai occu­pé la poste cru­cial. Dès l’é­ta­blis­se­ment de ce col­lec­tif, je me suis sans cesse pré­oc­cu­pé du pro­blème de la suc­ces­sion. Bien que deux suc­ces­seurs ne soient pas par­ve­nus à tenir 4Allu­sion à Hu Yao­bang, tom­bé à l’is­sue du mou­ve­ment étu­diant de l’hi­ver 1986, et à Zhao Ziyang, limo­gé consé­cu­ti­ve­ment aux évé­ne­ments d’a­vril-juin 1989., au moment où ils avaient été choi­sis — en fonc­tion de leur expé­rience dans la lutte, des suc­cès rem­por­tés dans leur tra­vail et de leur niveau idéo­lo­gique —, nous ne pou­vions que faire ce choix. En outre, les indi­vi­dus sont changeants.

Toute col­lec­ti­vi­té a besoin d’un noyau. On ne sau­rait se fier à une direc­tion dépour­vue de noyau. Le noyau du col­lec­tif direc­teur de la pre­mière géné­ra­tion était le pré­sident Mao. C’est parce que nous avions le pré­sident Mao comme noyau de la direc­tion que la Grande Révo­lu­tion cultu­relle n’a pas fait som­brer le Par­ti com­mu­niste. Pour ce qui concerne la deuxième géné­ra­tion, c’est moi qui en ai été le noyau. Et c’est parce que nous pos­sé­dions ce noyau que lorsque nous avons chan­gé à deux reprises de diri­geant cela n’a exer­cé aucune influence sur la direc­tion de notre Par­ti. La direc­tion du Par­ti est tou­jours demeu­rée stable. Le col­lec­tif direc­teur de la troi­sième géné­ra­tion doit avoir un noyau. Cela, tous les cama­rades ici pré­sents doivent le com­prendre et s’en pré­oc­cu­per avec une conscience extrême. Il faut pro­té­ger conscien­cieu­se­ment le noyau, c’est-à-dire le cama­rade Jiang Zemin 5Agé de soixante-trois ans, maire de Shan­ghai depuis 1985, il vient d’être nom­mé secré­taire géné­ral du Par­ti., sur lequel tout le monde est d’ac­cord pour l’ins­tant. Tout doit faire l’ob­jet de com­pa­rai­sons. Toutes com­pa­rai­sons faites, son tour est venu. Expo­sons pré­ci­sé­ment les grandes lignes du sujet. À comp­ter du jour où le nou­veau Comi­té per­ma­nent va com­men­cer son tra­vail, il fau­dra prendre garde à affer­mir, puis à pro­té­ger, ce noyau. Il suf­fit de dis­po­ser d’un bon Bureau poli­tique, et sur­tout d’un bon Comi­té per­ma­nent, il suf­fit que leurs membres res­tent unis, qu’ils tra­vaillent avec ardeur et qu’ils donnent l’exemple — l’exemple, c’est-à-dire tra­vailler dur et entre­prendre, et s’op­po­ser à la cor­rup­tion —, et alors, quel que soit le chaos, on par­vien­dra à en venir à bout. Cette affaire a mon­tré que la classe ouvrière était digne de confiance, que les pay­sans étaient dignes de confiance, que l’Ar­mée de libé­ra­tion était digne de confiance. Mais si le centre lui-même est en proie à la confu­sion, on ne peut rien affir­mer. Il s’a­git là d’un pro­blème cru­cial. Le des­tin du pays, le des­tin du Par­ti, le des­tin du peuple, ont besoin d’un tel col­lec­tif directeur.

En aucune façon, on ne doit m’attribuer de titre officiel

Je l’ai déjà indi­qué aux cama­rades Li Peng et [Yao] Yilin 6Li Peng, soixante et un ans, pre­mier ministre depuis avril 1988, fils adop­tif de Zhou Enlai. Yao Yilin, soixante-douze ans, vice-pre­mier ministre et pré­sident de la Com­mis­sion du plan d’É­tat.: une fois que la nou­velle direc­tion aura com­men­cé à mettre de l’ordre dans son tra­vail, je ne m’en occu­pe­rai plus. Je ne sou­haite plus inter­ve­nir dans vos affaires. Je leur ai dit que c’é­tait ma posi­tion poli­tique. Bien sûr, si vous avez besoin de moi, je ne me récu­se­rai pas. Mais ne faites pas comme par le pas­sé. Je ne sou­haite pas qu’a­près la créa­tion du nou­veau Bureau poli­tique, puis du nou­veau Comi­té per­ma­nent, on annonce que je dois encore jouer un rôle quel­conque. Pour­quoi cela ? Ce n’est nul­le­ment par modes­tie ou pour tout autre rai­son. Mais main­te­nant il est clair que je pèse d’un poids trop lourd, et cela n’est bon ni pour le pays ni pour le Par­ti. Et un jour cela devien­dra dan­ge­reux. La poli­tique amé­ri­caine à l’é­gard de la Chine, actuel­le­ment, parie sur ma mala­die ou sur ma mort. Et, sur la scène inter­na­tio­nale, nom­breux sont les pays qui, dans leur poli­tique à l’é­gard de la Chine, parient sur ma vie. Voi­là plu­sieurs années que j’ai pris conscience de ce pro­blème : quand le des­tin d’un pays repose sur la répu­ta­tion d’une ou deux per­sonnes, cela est mal­sain et très dan­ge­reux. Tant qu’il n’y a pas d’in­ci­dent, aucun pro­blème ne se pose. Mais en cas d’in­ci­dent, il n’est plus pos­sible d’ar­ran­ger les choses. Une fois la nou­velle direc­tion mise en place, elle doit assu­mer toute la res­pon­sa­bi­li­té. Que vous com­met­tiez des erreurs ou que vous agis­siez cor­rec­te­ment, quels que soient vos mérites, ce sont vos affaires. Ain­si, vous agi­rez à votre guise. C’est une bonne chose pour le col­lec­tif direc­teur que de s’en­traî­ner. De plus, les méthodes du pas­sé n’ont pas beau­coup réus­si. Main­te­nant, j’ai quatre-vingt-cinq ans. Quand on par­vient à cet âge, on doit se mon­trer lucide. Le pro­blème le plus impor­tant est celui de la situa­tion géné­rale. Si les fac­teurs indi­vi­duels influent sur la sta­bi­li­té de la situa­tion, influent sur le déve­lop­pe­ment har­mo­nieux des affaires, il sera très dif­fi­cile de le résoudre. Si quelque chose se pro­duit, vous me trou­ve­rez à vos côtés pour vous appor­ter mon aide. Mais, en aucune façon, on ne doit m’at­tri­buer de titre officiel.

Nous avons vraiment commis des erreurs

Les évé­ne­ments qui se sont pro­duits nous indiquent s’il faut ou non per­sé­vé­rer dans la voie socia­liste et sous la direc­tion du Par­ti. Ce sont là deux points cru­ciaux. Tout l’Oc­ci­dent impé­ria­liste a ten­té de faire quit­ter aux pays socia­listes la voie socia­liste pour les pla­cer sous la domi­na­tion du capi­tal mono­po­liste inter­na­tio­nal et les pla­cer sur la voie du capi­ta­lisme. Il faut main­te­nant que nous résis­tions à ce cou­rant. Notre dra­peau ne doit pas prê­ter à équi­voque. Parce que si nous ne per­sé­vé­rons pas dans le socia­lisme, en fin de compte, même si nous nous déve­lop­pons, nous res­te­rons un pays subor­don­né. Au demeu­rant, quand bien même nous vou­drions nous déve­lop­per, cela ne serait pas chose facile. À l’heure actuelle, le mar­ché inter­na­tio­nal est engor­gé et il n’est pas facile d’y accé­der. Seul le socia­lisme est à même de sau­ver la Chine. Seul le socia­lisme est à même de déve­lop­per la Chine.

Sur ce point, la pré­sente émeute nous a pré­sen­té des sug­ges­tions nom­breuses et impor­tantes qui ont éveillé notre conscience. Si la Chine n’emprunte pas la voie du socia­lisme, elle n’a aucun ave­nir 7L’é­di­to­rial du Quo­ti­dien du peuple (édi­tion d’outre-mer), en date du 22 juillet 1989, cite, presque mot pour mot, ces der­nières lignes.. Et le grand tri­angle Chine – Union sovié­tique – États-Unis n’exis­te­ra plus. En fait, la Chine est un pays pauvre. Pour­quoi ce grand tri­angle existe-t-il ? Mais parce que la Chine est un pays indé­pen­dant et auto­nome. Pour­quoi dis-je que nous sommes indé­pen­dants et auto­nomes ? Mais parce que nous per­sis­tons à nous tenir sur la voie socia­liste. Sinon, nous nous conten­te­rions d’a­gir sous les cou­leurs amé­ri­caines, sous les cou­leurs des pays déve­lop­pés. Quelle indé­pen­dance, alors, que la nôtre ! En ce moment, l’o­pi­nion inter­na­tio­nale exerce des pres­sions sur nous. Mais nous avons la conscience tran­quille. Nous ne céde­rons pas à ses pro­vo­ca­tions. Tou­te­fois, nous devons nous occu­per sérieu­se­ment de nos affaires. En réa­li­té, cet évé­ne­ment a mis suf­fi­sam­ment en évi­dence nos erreurs. Car nous avons vrai­ment com­mis des erreurs ! Et pas de minces erreurs !

Nos taches immédiates

Je vais, ensuite, trai­ter de la ques­tion des tâches immé­diates à accom­plir. Nous ne devons pas attendre que l’é­meute soit tota­le­ment écra­sée. S’il faut main­te­nant, d’un côté, écra­ser à fond l’é­meute, il faut aus­si, d’un autre côté, loca­li­ser les erreurs que nous avons com­mises par le pas­sé, envi­sa­ger le moyen de les cor­ri­ger, et cer­ner les pro­blèmes qu’il faut résoudre d’ur­gence. Pour l’heure, cent choses lais­sées à l’a­ban­don demandent à être remises en état. Mais il est impos­sible de tout faire, et de tout faire en même temps. Ouvrir en ce moment un débat sur un pro­blème théo­rique quel­conque, par exemple le débat sur le mar­ché ou le débat sur la pla­ni­fi­ca­tion, non seule­ment cela ne pro­fi­te­rait pas à la sta­bi­li­té, mais cela nui­rait à nos affaires. Nous devons nous concen­trer sur l’ac­com­plis­se­ment de quelques actes propres à satis­faire le peuple et à lui plaire, et, en même temps, nous devons prendre garde rapi­de­ment à ce qui porte pré­ju­dice à notre avancée.

Nous repar­le­rons du pro­blème des res­pon­sa­bi­li­tés dans deux ou trois ans.
L’é­co­no­mie ne doit pas dégringoler

Pre­miè­re­ment. L’é­co­no­mie ne doit pas dégrin­go­ler. Tout ce qui peut accé­lé­rer la vitesse du déve­lop­pe­ment mérite d’être sou­te­nu acti­ve­ment. Bien enten­du, nous ne pou­vons deman­der autant que nous le vou­lions aupa­ra­vant. Pour l’ins­tant, l’im­por­tant réside dans le fait que les sec­teurs indus­triels de base sont trop faibles. Nous man­quons d’élec­tri­ci­té et de matières pre­mières. Dans la répar­ti­tion des matières pre­mières, les petites entre­prises ont man­gé les grosses. Résul­tat, l’É­tat a subi de gros dom­mages. Cette fois-ci, pour évi­ter que l’é­co­no­mie ne dégrin­gole, nous devons mettre à plat les pro­blèmes pour déter­mi­ner l’ordre des urgences et accé­lé­rer leur règle­ment. Il faut tran­cher cet éche­veau embrouillé avec un cou­teau acé­ré, et cela sans tar­der. Si des déci­sions s’im­posent et qu’on ne les prend pas, cela nuit aux affaires. Pour l’ins­tant, nous ne devons pas nous embrouiller dans le pro­blème des res­pon­sa­bi­li­tés. Nous repar­le­rons du pro­blème des res­pon­sa­bi­li­tés dans deux ou trois ans. Il n’est pas néces­saire, main­te­nant, de gas­piller de l’éner­gie pour cela. Tous les objec­tifs visés qui sont posi­tifs et qui favo­risent le déve­lop­pe­ment doivent être atteints immé­dia­te­ment. Il faut que dans les onze années et demie à venir, nous nous effor­cions d’at­teindre un rythme de crois­sance éco­no­mique rela­ti­ve­ment satis­fai­sant. Même si nous ne par­ve­nons pas à 7%, nous pou­vons nous conten­ter de 6%. Le rythme moyen au cours de notre pre­mier dou­ble­ment a été de 9%8Il s’a­git du dou­ble­ment du Pro­duit natio­nal brut. Il a été pré­vu de réa­li­ser le deuxième dou­ble­ment en douze ans.. Pour réa­li­ser le deuxième dou­ble­ment, un rythme de 6% suf­fi­ra. Si nous effec­tuons encore un dou­ble­ment, un réel dou­ble­ment, à ce moment-là, le peuple s’a­per­ce­vra de la pros­pé­ri­té et du déve­lop­pe­ment de notre pays et de notre œuvre socia­liste. Il faut fer­mer de façon intran­si­geante les entre­prises des bourgs et des vil­lages qui gas­pillent l’élec­tri­ci­té et les matières pre­mières. Nous devons nous mon­trer inflexibles sur ce point. Les cama­rades sur place doivent s’en por­ter garants, par conscience de Par­ti. Le Comi­té cen­tral du Par­ti et le Conseil des affaires d’É­tat doivent avoir auto­ri­té et com­pé­tence. Sans auto­ri­té, cela ne mar­che­ra pas. Je pro­pose qu’on mette sur pied une équipe char­gée d’é­tu­dier la stra­té­gie du déve­lop­pe­ment et la pla­ni­fi­ca­tion des cin­quante pre­mières années du siècle pro­chain. Sa tâche essen­tielle consis­te­ra en l’é­ta­blis­se­ment d’un plan de déve­lop­pe­ment pour les sec­teurs indus­triels de base et les trans­ports. Nous devons prendre des mesures dra­co­niennes pour que notre déve­lop­pe­ment par­vienne à se pour­suivre sans pui­ser dans les réserves. Sans sec­teurs indus­triels de base, le déve­lop­pe­ment éco­no­mique ne dis­po­se­ra pas de réserves, et, tôt ou tard, un chaos éco­no­mique se pro­dui­ra. L’é­co­no­mie, alors, stag­ne­ra, voire même régres­se­ra. Il faut trou­ver un moyen pour résoudre le pro­blème des trans­ports. Nous ne pou­vons le lais­ser sans solu­tion. Il faut se pen­cher sur le pro­blème des entre­prises sidé­rur­giques, de l’in­dus­trie du bois et de celle des matières plas­tiques. Pour résoudre ces pro­blèmes, il est pos­sible d’ab­sor­ber des capi­taux étran­gers, c’est-à-dire de pra­ti­quer l’ou­ver­ture. Main­te­nant, dans les pays déve­lop­pés, on trouve beau­coup d’é­qui­pe­ments de deuxième main. Nous devons réunir des infor­ma­tions pré­cises à leur sujet et, dès que l’oc­ca­sion s’en pré­sente, les ache­ter pour réfor­mer ain­si nos vieilles entre­prises. Sur ce point, nous devons concen­trer nos efforts et ins­tal­ler des ser­vices d’é­tudes spé­ciaux, des ser­vices spé­ciaux de ren­sei­gne­ments, pour agir promp­te­ment. Je l’ai déjà dit, grâce à cet évé­ne­ment, il suf­fit que nous tirions sérieu­se­ment les leçons du pas­sé et que nous réflé­chis­sions à l’a­ve­nir, pour que, peut-être, non seule­ment notre déve­lop­pe­ment se sta­bi­lise et s’a­mé­liore, mais pour qu’il s’ac­cé­lère pro­ba­ble­ment. Les pos­si­bi­li­tés existent pour que cette vilaine affaire se trans­forme en une bonne. Il faut aus­si étu­dier le pro­blème de l’a­gri­cul­ture. En fin de compte, c’est pro­ba­ble­ment la science qui résou­dra ce pro­blème. À l’o­ri­gine, la pro­duc­tion de riz dans le Hunan aug­men­tait de 15% à 20%. Mais, récem­ment, grâce à de nou­velles décou­vertes, son aug­men­ta­tion a atteint 20% de plus. Cela prouve que des poten­tia­li­tés existent. La science est vrai­ment for­mi­dable. On doit en faire grand cas.

Faire quelque chose pour satisfaire le peuple

Deuxiè­me­ment. Faire quelque chose pour satis­faire le peuple. Le plus impor­tant, c’est, d’a­bord, une réforme et une ouver­ture encore plus auda­cieuses. C’est, ensuite, punir avec sévé­ri­té la corruption.

Pour ce qui est du tra­vail de l’ou­ver­ture, le Conseil des affaires d’É­tat, pour l’es­sen­tiel, s’en charge. Il faut faire quelque chose et agi­ter un coup la ban­nière de l’ou­ver­ture. Il ne faut pas man­quer de cou­rage. En gros, pour le moment, nous devons per­mettre que des pertes soient consen­ties. Nous ne devons pas craindre les pertes. Dès lors que des béné­fices sont tirés à long terme, on peut s’en­ga­ger. Il faut faire quelque chose de plus en faveur de la réforme et de l’ou­ver­ture. Il faut faire des affaires en asso­cia­tion avec le capi­tal étran­ger. Nous pou­vons créer, un peu par­tout, des zones de déve­lop­pe­ment pour absor­ber les capi­taux étran­gers. Et si les capi­taux étran­gers réa­lisent des béné­fices, en fin de compte, nous aus­si, nous en tire­rons cer­tai­ne­ment pro­fit. Nous pour­rons pré­le­ver plus d’im­pôts et des socié­tés au ser­vice des capi­taux étran­gers pour­ront être créées. Nous pou­vons, éga­le­ment, créer dans ces zones des entre­prises qui gagne­ront de l’argent. Notre éco­no­mie, de cette façon, gagne­ra en vita­li­té. À l’heure actuelle, sur la scène inter­na­tio­nale, on craint que nous ne nous fer­mions. Nous devons donc faire quelque chose qui montre que notre poli­tique de réforme et d’ou­ver­ture n’a pas chan­gé et même qu’elle s’est ren­for­cée. Sur le plan de la réforme du sys­tème poli­tique, l’ob­jec­tif le plus haut consiste à sta­bi­li­ser l’en­vi­ron­ne­ment. J’ai expli­qué aux Amé­ri­cains que l’in­té­rêt le plus grand de la Chine était sa sta­bi­li­té. Tout ce qui pro­fite à la sta­bi­li­té de la Chine consti­tue une bonne affaire. Sur les quatre prin­cipes, je n’ai jamais, en aucune cir­cons­tance, cédé 9Les « quatre prin­cipes fon­da­men­taux » sont : 1) main­tien de la voie socia­liste ; 2) main­tien de la dic­ta­ture du pro­lé­ta­riat ; 3) main­tien de la direc­tion exer­cée par le Par­ti ; 4) main­tien du mar­xisme-léni­nisme et de la pen­sée de Mao Zedong. Sur ce point, voir, par exemple : Deng Xiao­ping, « Main­te­nir les quatre prin­cipes fon­da­men­taux » (30 sep­tembre 1986), Textes choi­sis (1975 – 1982), édi­tions en langues étran­gères, Pékin, 1985, pp. 169 – 195.. Nous ne pou­vons aban­don­ner la dic­ta­ture démo­cra­tique du peuple. Tou­te­fois, s’a­gis­sant de cette dic­ta­ture, il est pos­sible d’en par­ler moins, voire d’en user sans le dire. Les Amé­ri­cains ont dit de nous pis que pendre, ils ont répan­du des rumeurs sur notre compte. Mais cela ne revêt aucune impor­tance. Sup­pri­mer les lour­deurs de l’ap­pa­reil, punir la cor­rup­tion, ren­for­cer la léga­li­té : voi­là autant de réformes.

S’emparer de dix ou de vingt affaires de corruption au moins

Pour punir la cor­rup­tion, il faut accom­plir sérieu­se­ment quelques actions. Il convient de s’emparer de dix ou de vingt affaires au moins et de les rendre tota­le­ment trans­pa­rentes. Je me suis récem­ment deman­dé pour­quoi nous n’é­tions tou­jours pas par­ve­nus à redres­ser la situa­tion. C’est pro­ba­ble­ment parce qu’elle concerne, en rela­ti­ve­ment grand nombre, des hauts cadres de notre Par­ti ou leurs familles. J’ai déjà évo­qué ce pro­blème par le pas­sé, à dif­fé­rentes reprises et durant plu­sieurs années. Pour­quoi cela n’a-t-il pas induit d’ef­fets notables ? La cause, pro­ba­ble­ment, doit être recher­chée à l’in­té­rieur du Par­ti, et à un haut niveau. Pour résoudre ce pro­blème, il faut écar­ter les obs­tacles. Nous pou­vons adop­ter une poli­tique au terme de laquelle ceux qui se dénon­ce­ront ou qui res­ti­tue­ront l’argent de la cor­rup­tion, dans un cer­tain délai, ne pas­se­ront pas en juge­ment et seront trai­tés avec clé­mence. Nous leur accor­de­rons un délai, nous leur don­ne­rons une occa­sion, et, dans le même temps, nous leur pro­di­gue­rons des conseils. Nous pou­vons aus­si entendre les dénon­cia­tions. Adop­tons une grande poli­tique pro­vi­soire. Je sup­pose que les dos­siers ne manquent pas, et si on compte à par­tir du niveau du dis­trict, ils sont encore plus nom­breux. Il faut trai­ter quelques affaires sérieu­se­ment. Nous ne pou­vons attendre pour régler ce pro­blème. Au cours de cet évé­ne­ment, il n’y a pas eu de slo­gans contre la réforme ou contre l’ou­ver­ture. Les slo­gans sont res­tés rela­ti­ve­ment concen­trés sur l’op­po­si­tion à la cor­rup­tion. Bien sûr, ces slo­gans ont ser­vi de pré­texte. On les a uti­li­sés pour exci­ter les pas­sions. Mais, pour ce qui nous concerne, nous devons rec­ti­fier le Par­ti pour atteindre notre but stra­té­gique. Si nous ne punis­sons pas la cor­rup­tion, au sein du Par­ti sur­tout, nous cou­rons réel­le­ment le dan­ger d’é­chouer. Aus­si, bien que les slo­gans contre la cor­rup­tion n’aient ser­vi que de pré­texte dans cette affaire, nous devons en tenir compte et résoudre le pro­blème. La nou­velle direc­tion se doit de trai­ter la ques­tion en prio­ri­té. Il faut que nous adop­tions une poli­tique per­met­tant de résoudre plus faci­le­ment cette affaire et de la faire abou­tir. Il s’a­git d’un pro­blème interne au Par­ti et c’est le thème prin­ci­pal de la rec­ti­fi­ca­tion du Par­ti. Si ici on tra­vaille dur et qu’on entre­prend, mais que là-bas on est cor­rom­pu et pour­ri, alors cela ne marche pas. Punir la cor­rup­tion, voi­là une ques­tion sur laquelle je vous invite à débattre tout particulièrement.

Occu­pons-nous d’une main de la réforme et de l’ou­ver­ture et, de l’autre, punis­sons la cor­rup­tion. Si nous menons les deux affaires en balance, notre poli­tique devien­dra claire, évi­dente, et gagne­ra la confiance du peuple.

Il faut écraser l’émeute jusqu’au bout

Troi­siè­me­ment. Il faut écra­ser l’é­meute jus­qu’au bout. L’oc­ca­sion est belle. Nous pou­vons, d’un coup, inter­dire dans tout le pays les orga­ni­sa­tions illé­gales. Et c’est vrai­ment une bonne affaire. Si nous nous occu­pons sérieu­se­ment de cela, nous pou­vons obte­nir une vic­toire écla­tante. À l’é­gard de ceux qui ont com­mis des for­faits, pas de quar­tier. Bien enten­du, il faut faire la part du vrai et du faux, dis­tin­guer entre les cas graves et les cas bénins, se fon­der sur les faits et juger selon la loi. Il faut poser une limite aux exé­cu­tions et expli­quer la poli­tique de clé­mence envers ceux qui avouent et de sévé­ri­té envers ceux qui s’y refusent. Nous devons nous don­ner beau­coup de moyens incar­nant notre politique.

Les trois affaires dont je viens de vous entre­te­nir, nous devons main­te­nant concen­trer nos efforts des­sus pour les mener à bien. Je le répète : tous les débats doivent être, pour l’ins­tant, lais­sés de côté, au moins pour deux ans. La ligne, les prin­cipes et la poli­tique arrê­tés au XIIIe Congrès 10Congrès du Par­ti tenu en octobre 1987. n’ont pas chan­gé. Si cer­tains pro­pos ne sont pas appro­priés, il suf­fit de ne pas les pro­non­cer. Encore un point : les cama­rades du Comi­té per­ma­nent doivent concen­trer tous leurs efforts pour reprendre en main la construc­tion du Par­ti. Ce Par­ti doit être repris en main. Si nous ne le repre­nons pas en main, rien ne marchera.

Deng Xiao­ping
[Tra­duit du chi­nois par Huang San et Angel Pino.]

  • 1
    La Confé­rence de Zunyi s’est tenue en jan­vier 1935. Mao s’y est vu confier la direc­tion du Par­ti en deve­nant le pré­sident du Comi­té central.
  • 2
    La pre­mière ses­sion s’est tenue en sep­tembre 1956, la seconde en mai 1958.
  • 3
    Ple­num qui a consa­cré la vic­toire de Deng Xiao­ping sur Hua Guo­feng. Il s’est tenu du 12 au 18 décembre 1978.
  • 4
    Allu­sion à Hu Yao­bang, tom­bé à l’is­sue du mou­ve­ment étu­diant de l’hi­ver 1986, et à Zhao Ziyang, limo­gé consé­cu­ti­ve­ment aux évé­ne­ments d’a­vril-juin 1989.
  • 5
    Agé de soixante-trois ans, maire de Shan­ghai depuis 1985, il vient d’être nom­mé secré­taire géné­ral du Parti.
  • 6
    Li Peng, soixante et un ans, pre­mier ministre depuis avril 1988, fils adop­tif de Zhou Enlai. Yao Yilin, soixante-douze ans, vice-pre­mier ministre et pré­sident de la Com­mis­sion du plan d’État.
  • 7
    L’é­di­to­rial du Quo­ti­dien du peuple (édi­tion d’outre-mer), en date du 22 juillet 1989, cite, presque mot pour mot, ces der­nières lignes.
  • 8
    Il s’a­git du dou­ble­ment du Pro­duit natio­nal brut. Il a été pré­vu de réa­li­ser le deuxième dou­ble­ment en douze ans.
  • 9
    Les « quatre prin­cipes fon­da­men­taux » sont : 1) main­tien de la voie socia­liste ; 2) main­tien de la dic­ta­ture du pro­lé­ta­riat ; 3) main­tien de la direc­tion exer­cée par le Par­ti ; 4) main­tien du mar­xisme-léni­nisme et de la pen­sée de Mao Zedong. Sur ce point, voir, par exemple : Deng Xiao­ping, « Main­te­nir les quatre prin­cipes fon­da­men­taux » (30 sep­tembre 1986), Textes choi­sis (1975 – 1982), édi­tions en langues étran­gères, Pékin, 1985, pp. 169 – 195.
  • 10
    Congrès du Par­ti tenu en octobre 1987.

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