Quelques-uns des membres de l’Union autonome des ouvriers de Pékin, qui ont réussi à échapper aux griffes de la Sécurité publique, vivent aujourd’hui à l’étranger. À l’initiative des militants qui se sont réfugiés en France, et avec l’accord de ceux qui résident dans d’autres pays, à Hong Kong notamment, une section provisoire de l’Union autonome des ouvriers de Chine en exil se met en place qui s’est donné pour tâche de rassembler l’ensemble des Chinois se trouvant hors de leur pays. Le groupe parisien, actuellement hébergé dans les locaux de la Confédération générale du travail – Force ouvrière, a proposé le programme d’action provisoire qu’on va lire.
Huang S. — A. Pino
Préambule
Au cours du gigantesque mouvement pour la démocratie en Chine de 1989, afin de soutenir les justes revendications et les actions patriotiques des étudiants, et dans le but de conquérir des droits légaux pour la classe ouvrière, des ouvriers venus de tous les coins de Chine ainsi que des ouvriers de Pékin ont créé, le 18 mai 1989, dans la capitale, l’Union autonome des ouvriers de Pékin. Rapidement, dans tout le pays, d’autres organisations similaires ont également vu le jour.
À l’issue du grand massacre du 4 juin, un grand nombre de responsables et de membres de ces Unions ont été arrêtés et, pour certains, exécutés. Mais quelques-uns d’entre eux sont parvenus à s’enfuir et à trouver refuge à l’étranger.
Ceux-ci sont déterminés à poursuivre l’œuvre commencée dans leurs pays. Ils entendent travailler à promouvoir la démocratie en Chine et à obtenir la reconnaissance des droits légaux des ouvriers.
Nous nous proposons de créer une section provisoire de l’Union autonome des ouvriers de Chine en exil, section qui aura pour tâche de convoquer une assemblée de tous les travailleurs chinois qui vivent aujourd’hui à l’étranger. Cette section provisoire de l’Union autonome des ouvriers de Chine fonctionnera donc comme une commission préparatoire de l’assemblée générale des ouvriers chinois demeurant hors de Chine, laquelle assemblée aura pour tâche de mettre sur pied une organisation permanente, l’Union autonome des ouvriers de Chine en exil, organisation dont elle élaborera les statuts.
I. Notre objectif général
Nous avons pour objectif général la promotion du mouvement pour la démocratie en Chine. Nous voulons conquérir des droits légaux pour la classe ouvrière et ce dans tous les domaines (politique, économique, social, culturel, etc.): le droit de créer des syndicats libres, le droit de grève, le droit de négocier avec l’employeur, le droit de choisir librement son emploi et son unité de travail, la garantie de l’emploi et la garantie de la protection au travail.
II. Nos buts
À court terme, nous poursuivons le but suivant : organiser, en Chine même, des sections clandestines de l’Union autonome des ouvriers de Chine destinées à organiser la classe ouvrière.
À long terme, nous poursuivons cet autre but : obtenir une reconnaissance légale de l’Union autonome des ouvriers de Chine, à l’instar de nos camarades polonais de « Solidarnosc » aujourd’hui.
III. Nos méthodes
Nos méthodes sont les suivantes :
- Créer, à Paris, un bureau de liaison chargé de la préparation et de l’organisation de l’assemblée fondatrice de l’Union autonome des ouvriers de Chine en exil. Ce bureau aura pour tâche de contacter, bien sûr, tous les ouvriers chinois qui sont actuellement réduits à l’exil, mais aussi tous ceux des ouvriers chinois que leur travail amène à travailler hors de Chine (mariniers, ouvriers en déplacement, transporteurs internationaux, ouvriers faisant partie du personnel d’ambassade, etc.), de même que tous les autres ouvriers chinois qui seraient à même d’adhérer à l’Union autonome.
- Installer, dans tous les pays (en Europe, en Amérique, au Japon, en Australie, etc.), des antennes de l’Union.
- Publier un bulletin de liaison de l’Union autonome des ouvriers de Chine en exil, bulletin qui ne sera pas un organe interne mais qui aura pour vocation d’informer les ouvriers chinois des buts et des méthodes de l’organisation, et qui les informera des activités en cours et des progrès accomplis. Ce bulletin livrera, en outre, des informations sur la situation en Chine et des informations concernant le mouvement syndical dans le monde.
- Produire une émission de radio qui sera diffusée sur une station émettant à destination de la Chine. Cette émission sera, en quelque sorte, l’équivalent oral du bulletin.
- Maintenir, par tous les moyens, des liens avec nos camarades qui sont restés en Chine, cela en vue de les assister dans leur action.
- Venir en aide aux ouvriers qui ont été arrêtés ou venir en aide à la famille des prisonniers ou des ouvriers qui ont été exécutés.
- Entrer en contact avec les syndicats ouvriers des pays étrangers afin de les tenir informés de la situation en Chine et d’obtenir d’eux un soutien effectif. Nous désirons, aussi, entrer en contact avec les structures syndicales internationales pour faire entendre au niveau international la véritable voix des ouvriers chinois. Pour ce faire, nous allons adhérer à la CISL (Confédération Internationale des Syndicat Libres).
- Dévoiler le vrai visage de la Fédération des syndicats chinois [syndicat officiel], qui a prêté main forte au gouvernement chinois lorsqu’il s’est agi de réprimer les ouvriers chinois.
- Mettre sur pied un groupe de réflexion, associant aux ouvriers des intellectuels chinois, dont la fonction serait d’étudier le mouvement ouvrier chinois.
- Étudier l’histoire du mouvement ouvrier international. Former des militants. Nous aguerrir sur le plan théorique. Ainsi, lorsque le jour viendra où notre syndicat aura une existence légale en Chine, nous pourrons jouer un rôle.
Paris, le 15 janvier 1990,
Section provisoire de l’Union autonome des ouvriers de Chine en exil.
[Traduit du chinois par Huang San et Angel Pino]