La Presse Anarchiste

Quelques notes sur notre administration

Quelqu’un
m’a dit, la semaine dernière, après avoir lu
vraisem­blable­ment la cou­ver­ture du deux­ième numéro. À
quoi pensez-vous ? Pourquoi annon­cer que vous n’avez seulement
que 150 abon­nés ? Ah ! vous êtes jeune ;
vous ne savez donc pas qu’il ne faut jamais paraître pau­vre et
faible !


Comme vous y allez, lui répondis-je. Cela ne vous
sem­ble donc rien d’avoir recueil­li 150 abon­nés en quinze
jours ? Dia­ble ! nous ne voyons donc pas avec les mêmes
yeux. Pour mes cama­rades, comme pour moi, c’est un résultat
tout à fait excellent.


Non, croyez-m’en ; vous avez eu tort. D’ailleurs ne discutaillez
pas : je suis sûr qu’au fond vous en convenez.


Mais du tout, du tout !…

Notre
ami­cal censeur n’en écou­ta pas davan­tage. Il s’en alla
preste­ment, vis­i­ble­ment affligé que je ne lui aie point avoué
que nous avions fait réelle­ment une gaffe…

Une
gaffe ? Ah ! Non ! certes, nous n’avons pas pesé
pen­dant trente-six heures si nous avions avan­tage ou non à
pub­li­er la nou­velle qui nous comblait de con­fi­ance et de joie. Nous
étions heureux du résul­tat atteint et nous avons pensé
que notre joie, il fal­lait la faire partager à nos amis
loin­tains. Aujour­d’hui, nous récidi­vons en annonçant
que nous avons main­tenant 300 abonnés.

Seule­ment
300 ? dira encore le grincheux censeur. Oui : déjà
300 ! lui répondrons-nous.

Est-ce
vrai­ment être faible — ou l’ap­pa­raître
que d’avoir recueil­li 300 abon­nés en un mois ? Un des
cama­rades du noy­au, qui fréquente un peu les éditeurs,
nous répé­tait, à cha­cune des réunions
pré­para­toires. que nous n’ar­rive­ri­ons que laborieuse­ment au
chiffre de 300 abon­nés, que nous ne le dépasserions
jamais ; que jamais revue française ne l’avait dépassé ;
que c’é­tait folie de baser notre bud­get sur un chiffre de 1000
abonnés.

Voici
qu’au bout d’un mois d’ex­is­tence nous tenons les 300 abonnés.
Aus­si, gare la prochaine réu­nion du noy­au ! Le sceptique
pren­dra quelque chose pour ses pré­dic­tions. Mais voilà
un cama­rade, au moins, qui ne dira pas, que nous don­nons une
impres­sion de faib­lesse et de pauvreté…

Évidem­ment,
il y a des cama­rades qui comptent plus facile­ment par dizaines de
mil­liers que par dizaines d’u­nités, pour qui toute oeuvre
n’ou­vrant pas de larges ailes n’of­fre aucun intérêt.
Évidem­ment aussi,
150 et 300, cela ne con­stitue pas, en soi, des chiffres imposants.

Mais
ces chiffres représen­tant les abon­nés recueil­lis en
quinze jours, puis en un mois, ces chiffres placés dans les
con­di­tions et au moment où ils sont obtenus, nous paraissent
tout bon­nement merveilleux.

Et
l’on dit que le syn­di­cal­isme tra­verse une crise très grave,
qu’il est frap­pé a mort ! Juste à ce moment,
quelques cama­rades songent à com­pléter ses moyens de
pro­pa­gande par une revue, et cette revue prend ; elle trou­ve en
un mois 300 abon­nés ; le cour­ri­er qui lui parvient est
aus­si nour­ri de nou­veaux abon­nés au trente et unième
jour de son exis­tence qu’au pre­mier, ce qui per­met d’espérer
que novem­bre ne lui apportera pas moins d’abon­nés qu’octobre.
Pour un mou­ve­ment épuisé, le syn­di­cal­isme possède
encore une sin­gulière vigueur ; vigueur qu’il n’avait pas
il y a quelques années, qu’il n’avait pas l’an dernier.

Oh !
nous ne nous embal­lons pas. Nous savons ce qu’a demandé
d’ef­forts et d’ar­gent l’en­voi de notre pre­mier numéro à
5000 exem­plaires et de notre deux­ième à 3000. Beaucoup
d’ef­forts et pas mal d’ar­gent. Beau­coup plus d’ef­forts et de travail
qu’on ne se fig­ure. Pas mal d’ar­gent, moins cepen­dant que de bonnes
langues le col­por­tent. Nous racon­terons prochaine­ment, sans doute à
la fin de notre pre­mier trimestre, com­ment nous avons pu assur­er le
lance­ment et la vie de la revue. Nous tenons à faire faire le
tour financier de notre mai­son à nos abon­nés et à
nos amis. Il est légitime qu’ils sachent de quoi et comment
elle est faite. Nous le leur dirons chaque trimestre leur présentant
une sorte de bilan ; par la cou­ver­ture, nous les tien­drons plus
régulière­ment aus­si au courant de notre vie matérielle.

Du
moment que nous voulons leur deman­der de nous, aider à tous
points de vue : matérielle­ment en recher­chant de nouveaux
abon­nés ; morale­ment en nous don­nant, quand ils le
pour­ront, une étude sur des événe­ments sociaux
impor­tants aux­quels ils auront été mêlés,
une mono­gra­phie de leur région ou de leur indus­trie, une
con­tri­bu­tion à nos enquêtes sur les graves ques­tions, ne
faut-il pas que nous leur don­nions la preuve que leur con­cours ne va
pas plus à oeu­vre d’in­térêt per­son­nel qu’à
une entre­prise capitaliste ?

Aurons-nous,
au 31 décem­bre, les 1000 abon­nés qui nous sont
néces­saires pour join­dre les deux bouts ? Nous n’avons
pas une telle ambi­tion. Pour­tant, si les mois de novem­bre et de
décem­bre nous appor­taient cha­cun, comme octo­bre, trois cents
abon­nés, nous n’en seri­ons pas bien loin et nul doute qu’avec
le nou­veau lance­ment que nous pro­je­tons pour fin décem­bre nous
n’ayons en jan­vi­er ce mil­li­er nécessaire.

Nous
l’au­rons un jour, ce mil­li­er. Mais quand ? À
la fin décem­bre, peut-être, si nos amis se don­nent un
peu de peine. Com­bi­en ne nous ont pas encore envoyé le montant
de leur abon­nement, sans par­ler de nous avoir trou­vé d’autres
abon­nés ? Nous savons qu’ils lisent ; qu’en
par­ti­c­uli­er ils ont lu avec intérêt le numéro de
la Vie Ouvrière que nous leur avons envoyé. Mais
alors, pourquoi ne sont-ils déjà abonnés ?
Et la bonne paresse d’écrire, de pass­er à la poste
pren­dre un man­dat, qu’en faites-vous ? Et le pitoy­able budget
ouvri­er sur lequel il paraît plus tourd de prélever
2 fr50 pour 6 numéros de revue, que 2 fr50 pour
quelques tournées devant un comp­toir de chand de vin. Et le
plus pitoy­able bud­get encore de la famille ouvrière chargée
d’en­fants ? Et surtout la crainte que la revue ne vive pas et
que le mon­tant d’un abon­nement soit de l’ar­gent jeté.

Nous
com­prenons toutes ces craintes et dif­fi­cultés, causes
d’ir­ré­so­lu­tion à s’abon­ner. Nous forcerons, aisément
cette irré­so­lu­tion. La Vie Ouvrière a de la vie
plein le corps ; ah ! non, elle ne songe pas à
tourn­er de l’oeil !

Nous
sommes cer­tains de trou­ver dans les 3000 syn­di­cats confédérés,
dans les cer­cles d’é­tudes, dans les groupes social­istes, parmi
les mil­liers de mil­i­tants qu’il y a par le pays, le pau­vre petit
mil­li­er d’abon­nés qui per­me­t­tra à la Vie Ouvrière
de boucler son bud­get sans déficit. Nous nous lais­sons même
aller à espér­er que le mil­li­er enflera et qu’un jour le
syn­di­cal­isme français aura sa revue sur toutes les tables de
ses mil­i­tants et que nous pour­rons, tout comme la Neue Zeit,
des social­istes alle­mands, par­ler de nos 10.000 abonnés.

Pour
l’in­stant, n’ou­blions pas cepen­dant que nous sommes seule­ment 300 ;
qu’il manque 700 unités pour join­dre les deux bouts et 9.700 —
pas une de moins — pour faire belle fig­ure dans le mouvement
ouvri­er international.

P.
Monatte


P.-S..
— Rap­pelons que les lun­di, mar­di, jeu­di et same­di il y a —
sup­plé­men­taire­ment à la per­ma­nence de jour — une
per­ma­nence du soir, de 9 à 11 heures.


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