Paris, Éditions J.C. Lattès, 1980, 310 pages
Enfin ! suis-je tenté de dire. Oui, enfin la prose que j’attendais sur ce pays du « mensonge déconcertant » 1Autre livre qu’il faut avoir lu : Anton Ciliga, « Au pays du mensonge déconcertant », ed. Champs Libre.! Déconcertés, vous le serez, pédants analystes de « l’état ouvrier dégénéré » et slavophiles incorrigibles ; ici pas de lamentations sur les malheurs du peuple élu de Soljénitsyne… Une simple prise de vues, du réalisme (du vrai, pas du « socialiste »!). Après l’œuvre de Zinoviev, , voilà le coup de massue qui devrait faire taire tous les bavards et les menteurs assermentés ! Combien je pourrais être moi-mème bavard ! Les anecdotes du type de celles que raconte Dymov, chaque personne ayant résidé en URSS, s’y étant fait des amis et ayant ouvert tous grands ses yeux et ses oreilles peut en rapporter des dizaines ! Aventures scabreuses près de Zagorsk ou courses poursuites rocambolesques dans la banlieue de Tbilissi, vous vivrez sans temps morts, jeunes occidentaux !
Né à Moscou en 1944, Alexandre Dymov a fait tous les métiers avant de demander l’asile politique à la France en octobre 1979. Il est du monde des gens lucides ; effaré par l’ampleur du désastre tant économique que social engendré par 60 ans de dictature, il choisit la « démerde » individuelle. Car tant pour le livre que tu veux (pas forcément prohibé mais souvent introuvable) que pour t’habiller correctement, il faut te livrer à des trafics douteux. Si tu sais voler sans risques l’entreprise qui t’emploie, et écouler la marchandise, alors s’ouvre à toi la douce perspective d’une vie aisée. Il ne s’agit pas des brigands (du « blatnoï » ou du « houligan »), non Dymov parle de l’Homo Soviéticus :
«… Qui sont ceux qui ont survécu aux purges, aux guerres, à la famine?…
L’homme russe, le mutant soviétique » conclut un chapitre.
Peut-être ces camarades qui trouvaient trop schématique, voire « catastrophiste », ma contribution, certes trop succincte, au débat 2 Iztok français no1 : « URSS, 200 millions de Lumpen-prolétaires » et n°2 la lettre d’un lecteur. se repencheront-ils sur la question ?
Si l’on peut regretter que le problème de la criminalité ne soit qu’effleuré, celui de la prostitution me semble traité de manière exhaustive, et les variations sur l’arrivisme ne manquent pas de sel.
Enfin Dymov révèle un style concis et direct très agréable à lire.
Dierzky
P.S. Pour l’anecdote une formule de malédiction que l’on peut entendre en Géorgie : « tu vivras de ton salaire ».
- 1Autre livre qu’il faut avoir lu : Anton Ciliga, « Au pays du mensonge déconcertant », ed. Champs Libre.
- 2Iztok français no1 : « URSS, 200 millions de Lumpen-prolétaires » et n°2 la lettre d’un lecteur.