La Presse Anarchiste

Éditorial

Deux sujets sont d’ac­tu­al­ité si l’on par­le des Pays de l’Est : la Pologne et le paci­fisme. Nous avons con­sacré un dossier à la sit­u­a­tion polon­aise dans notre précé­dent numéro, nous ne pou­vions pas faire moins que d’en con­sacr­er un au paci­fisme ici. Nous l’avons donc fait.

La pre­mière vague paci­fiste, dans les années 40–50, n’a con­cerné que l’Oc­ci­dent. À l’Est, toutes les activ­ités autour de la « lutte pour la paix », même les plus infimes, étaient télé­com­mandées et soigneuse­ment con­trôlées par le pou­voir, et n’avaient rien de spon­tané. La sec­onde vague que nous con­nais­sons actuelle­ment est très dif­férente. Un mou­ve­ment « offi­ciel » est réap­paru, mais beau­coup plus dis­cret. Par con­tre, un mou­ve­ment spon­tané et non con­trôlé, lié ou non aux dis­si­dences ou aux oppo­si­tions est apparu en RDA, en URSS, en Hon­grie, en Tché­coslo­vaquie et plus récem­ment en Pologne. Il a mod­i­fié la per­cep­tion que l’on pou­vait avoir du pacifisme.

Le mou­ve­ment paci­fiste traîne, à tort ou à rai­son, un gros boulet : il a la répu­ta­tion d’être manip­ulé par Moscou, ou au moins d’aller dans le sens de la poli­tique sovié­tique et donc de lui être très utile. Avec la nais­sance et le développe­ment d’un paci­fisme indépen­dant à l’Est, la sit­u­a­tion change. En Occi­dent, une par­tie des paci­fistes sou­ti­en­nent, bien sou­vent pra­tique­ment, leurs homo­logues ori­en­taux, et se retrou­vent donc dans le camp des anti-sovié­tiques, « objec­tive­ment » selon la langue de bois. Les Sovié­tiques et leurs valets sont bien embar­rassés de leur côté de cette indépen­dance d’e­sprit dont ils se seraient bien passés. La répres­sion qui s’a­bat sur les paci­fistes de l’Est entame en effet tous les gains amenés par le dis­cours « paci­fiste » des Russ­es vis-à-vis de l’Oc­ci­dent et les grandes man­i­fes­ta­tions en Europe et aux États-Unis, qui don­naient une image de pays épris de paix à l’URSS et au con­traire de fau­teur de guerre aux USA.

Cette émer­gence de mou­ve­ments paci­fistes indépen­dants à l’Est est lourde de con­séquences. Les liaisons qui se créent avec les paci­fistes occi­den­taux, la col­lab­o­ra­tion pra­tique qui s’est enclenchée et s’est déjà traduite par plusieurs actions com­munes, amè­nent à une sit­u­a­tion inédite. Pour la pre­mière fois depuis 1945, un mou­ve­ment par­ti de la base, indépen­dant en grande par­tie des par­tis poli­tiques et des intérêts des États et des régimes en place, se développe des deux côtés du rideau de fer. Aujour­d’hui, de par cette sit­u­a­tion, le paci­fisme peut lut­ter effi­cace­ment con­tre les deux blocs et non plus con­tre un seul. Mais pour cela, les paci­fistes de l’Ouest ne devront pas laiss­er écras­er ceux qui lut­tent à l’Est pour le même idéal.


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