Catégorie : Témoins n°27 (juin 1961)
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Autocritique
Lorsque, au début d’avril, pour arriver en Grèce — oui, ce voyage de Grèce : plus qu’un beau rêve une obsession, et je sais bien pourquoi — je me trouvai devoir traverser la Yougoslavie, non par les régions, touristiquement plus séduisantes j’imagine, de la côte, mais par celles, sans doute autrement révélatrices, de l’intérieur : Loubliana, Zagreb, Belgrade, j’eus, en même temps que la…
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Relire Camus
« Et certains passent ainsi, sans transition, des discours sur les principes d’honneur ou de fraternité à l’adoration du fait accompli ou du parti le plus cruel. Je continue cependant de croire, à propos de l’Algérie comme du reste, que de pareils égarements, à droite comme à gauche, définissent seulement le nihilisme de notre époque. S’il est vrai…
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La communication
D’une lettre à son ami Paul Géraldy, écrite pendant les années noires et touchant la question de la communication, notre camarade Georges Navel a extrait pour nous les pages suivantes. Saint-Etienne-les-Orgues, 29. 8. 43 […] Je ne suis réellement pas un écrivain, un de ces hommes qui peuvent écrire pour un public sans visage, et j’ai pour…
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Pages de journal
Zurich, 26 avril 1940 Assis à la terrasse du Palais des Congrès, nous ne pouvions, Gr. et moi, assez admirer les jeunes feuilles des arbres, le bleu proche du lac et les grands pans de neige des monts lointains, à peine plus solides, à distance, que les nuages, lorsque retentit le signal de l’alerte. D’une alerte pour…
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Couché sous les étoiles
Couché sous les étoiles Dans l’herbe de la nuit. Tous les insectes de la nuit Égrènent leurs petites voix Au loin, au loin, sous les étoiles. Couché sous les étoiles Dans l’herbe de la nuit. Roulent de lourds nuages noirs Voilant des archipels d’étoiles. Dans de lourds buissons d’arbres noirs Scintillent des grappes d’étoiles. Couché sous les étoiles…
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Rendre Grace — Saisons
Rendre grâce Rendre qu’ils Disent Grâce. Evertué d’azur Leur amour A vomir. Leurs mots Déserts. Leurs yeux Luisants Des bûchers De l’Histoire. Saisons Saisons d’Hiroshima Nul n’avait plus La tête A rien Qui se souvienne. La Mort avait brouté la mort et sa mémoire. Nul cri cardant Là-bas Sa laine épouvantable. Aux gibets de la pluie Un ciel neutre Pendait.…
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Quatre poèmes
De mille feux [[Ce texte, primitivement intitulé « Poème pour reprendre vie », a été entre-temps inséré par Pierre Boujut dans son recueil Pour marcher sur la mer (aux éditions de La Tour de Feu, Jarnac).]] L’effrayante faiblesse de la poésie brille de mille feux. Un poème n’empêche pas la guerre une rose non plus et toute la beauté…
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Parce que tu es droite comme la lame…
Parce que tu es droite comme la lame du premier canif rêvé par le jeune garçon Parce que tu es fière comme l’enfant de quatre ans qui partout m’accompagne et qui regarde grave le taureau s’endormir dans l’arène Parce que ce que tu ne connais pas encore tu le sais avec ton cœur malgré un…
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Témoins intemporels
Maintenant, s’il est vrai que les armes exigent, comme les lettres, la coopération de l’esprit, voyons lequel des deux esprits a le plus à faire, de celui de l’homme de lettres ou de celui de l’homme de guerre. Cela sera facile à connaître par la fin et le but que se proposent l’un et l’autre, car l’intention…
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Lucien Jacques
Sauf la promesse d’une mort douce, on croirait que les Fées, évoquées par lui-même dans sa charmante « Cendrillon », l’avaient à sa naissance généreusement prédestiné. De l’une il aurait tenu le plus précieux don, l’amour innocent de la vie, les suivantes ne pouvant que déposer dans son berceau tout ce qui découle nécessairement d’un tel amour lorsqu’il…