Le Congrès de Sonvilliers, dont se sont occupés la plupart des organes de l’Internationale, les uns pour approuver ses résolutions, les autres pour les blâmer, a été une réunion de seize délégués, mandataires réguliers de neuf sections de l’Internationale. Ces sections qui avaient appartenu, pour la plupart, à l’ancienne Fédération romande, scindé en deux, en 1870, à la suite du Congrès de la Chaux-de-Fonds, se sont constituées en une fédération nouvelle qui a pris le nom de Fédération jurassienne, et dont le premier acte a été d’adresser à toutes les fédérations de l’Internationale une circulaire que nos lecteurs connaissent.
Dans cette circulaire, la fédération jurassienne protestait contre les décisions de la Conférence de Londres, parce que cette Conférence avait été irrégulièrement convoquée, et que les décisions prises par elle, étaient de la compétence d’un congrès, et non d’une simple conférence. Mais en même temps, pour donner une preuve éclatante de son esprit de conciliation, la fédération adoptait spontanément le titre de Fédération jurassienne que la Conférence de Londres avait prétendu lui imposer, et par là, les sections jurassiennes montraient que tout en restant fermement attachées au principe d’autonomie et en réservant intact les droits des sections au sein de l’Association, elles étaient disposées, d’autre part, à faire des concessions sur tous les points, par amour de la paix, et par attachement au pacte international.
La fédération jurassienne, justement alarmée, et des tendances autoritaires du Conseil général, et de la résolution XV de la conférence de Londres1Cette résolution est ainsi conçue : « La Conférence de Londres laisse à l’appréciation du Conseil général le soin de fixer, selon les événements, le siège et la date du prochain Congrès, ou de la Conférence qui le remplace. » qui semblait menacer l’Internationale de la suppression des Congrès généraux, insistait en même temps pour qu’un congrès général fut convoqué. Dans la pensée du Congrès de Sonvilliers, le Congrès général devait être convoqué, à teneur des statuts, par le Conseil général, seulement, le Conseil général n’ayant pas convoqué de Congrès en 1871, il était permis de croire qu’il ne se montrerait pas très empressé à en convoquer de son propre chef en 1872 ; aussi la circulaire de Sonvilliers invitait-elle les Fédération à se joindre à la Fédération jurassienne « pour provoquer la convocation d’un Congrès général » c’est-à-dire pour adresser au Conseil général une demande de convocation.
Quant à l’époque du Congrès général, les uns parmi les délégués jurassiens, pensaient que le Congrès régulier de 1871, qui n’avait pas eu lieu, et avait été remplacé par la Conférence de Londres, devait être convoqué, et cela avant la fin de 1871, les autres pensaient qu’il valait mieux attendre le Congrès régulier de 1872. Sans trancher cette question, on résolu de laisser aux autres fédérations l’initiative des propositions touchant l’époque du Congrès général.
Tels sont les actes du Congrès de Sonvilliers.
Maintenant résumons brièvement ce que nous connaissons à cette heure de l’opinion des autres fédérations.
La fédération espagnole dans son ensemble, ne s’est pas encore prononcée, mais la Fédération de Barcelone a reproduit, en l’approuvant, la circulaire de Sonvilliers, à laquelle une fédération locale, celle de Palma de Majorque, a donné une adhésion formelle.
Les organes de l’Internationale en Italie : le Proletario de Turin , le Gazzetino rosa de Milan, le Fascio operario de Bologne, la Campana de Naples, l’Eguaglianza de Girgenti (Sicile) ont reproduit la circulaire de Sonvilliers. Nous avons reçu l’adhésion formelle de la section de Turin, de celle de Milan, de celle de Pise, du Fascio operario, de la Romagne et de la section de Girgenti. Toutes ces sections se prononcent pour la convocation à bref délai d’un Congrès général.
La fédération belge, dans un Congrès tenu le jour de Noël à Bruxelles, a adopté une résolution dont l’esprit est entièrement conforme à celui de la circulaire de Sonvilliers ; pour l’époque du Congrès, la fédération belge propose que le Congrès ait lieu régulièrement en septembre prochain.
La section de Zurich a adhéré à la résolution du Congrès belge.
La section française de 1871 à Londres nous a envoyé son adhésion à la circulaire de Sonvilliers.
En France, nous n’avons encore recueilli que des adhésions individuelles, nos correspondances avec les groupes reconstitués étant loin d’être aussi régulières qu’elles le deviendront par la suite, espérons-le.
Nous n’avons pas de nouvelles des autres fédérations, et nous ignorons également l’accueil fait par le Conseil général de Londres à notre circulaire.
Tel est l’état des choses.
En résumé on peut dire que tous les groupes vraiment vivants dans l’Internationale, ont élevé la voix pour affirmer ce principe : que l’Internationale ne doit pas être un état gouverné autoritairement, mais la libre fédération de libres associations, dont chacune doit continuer à exister, dans la plénitude de son autonomie, sur les bases qui lui sont propres.
- 1Cette résolution est ainsi conçue : « La Conférence de Londres laisse à l’appréciation du Conseil général le soin de fixer, selon les événements, le siège et la date du prochain Congrès, ou de la Conférence qui le remplace. »