La Presse Anarchiste

Aux travailleurs

L’Idée Ouvrière, n’est pas l’œuvre d’hommes jour­na­listes de pro­fes­sion, avo­cats sans cause, fruits secs de la bour­geoi­sie, dont la convic­tion n’est faite que d’ap­pé­tits et ne voyant dans un jour­nal qu’un moyen de vivre aux dépens des naïfs, un trem­plin électoral. 

Ce que n’ont pas ces indi­vi­dus, et que nous pos­sé­dons nous, c’est un idéal, puis­sant et géné­reux, qui fait battre notre cœur, trouble notre cer­veau, et nous pousse irré­sis­ti­ble­ment. Cet idéal nous vou­lons en faire par­ta­ger l’es­pé­rance à ceux qui souffrent des mêmes maux que nous, qui ont le cou pris dans le même collier.

Il est super­flu de dire que nous sommes loin d’être riches ; ce n’est que grâce à nos gros sous péni­ble­ment amas­sés, rognés sur un salaire mes­quin, que l’Idée Ouvrière doit de naître. Nous n’a­vons pas et ne vou­lons pas de bailleur de fonds (et en vou­drions-nous, que nous n’en trou­ve­rions pas) qui nous impo­se­rait ses manières de voir et diri­ge­rait le jour­nal dans la voie la plus fruc­tueuse à ses intérêts.

L’Idée Ouvrière est un organe d’a­vant-garde, qui au lieu de prê­cher le calme et la rési­gna­tion aux tra­vailleurs, leur fera honte de leur ava­chis­se­ment et démon­tre­ra que pour se faire rendre jus­tice, il faut non qué­man­der, mais par­ler en maître. Il faut que le peuple acquière la conscience de sa force et rem­place la ser­vi­li­té par l’es­prit de révolte.

Ce qu’on pense à l’Idée Ouvrière, c’est que tout n’est pas dit en fait de pro­grès ; que par cela seul que les Révo­lu­tions pas­sées ont éman­ci­pé la bour­geoi­sie, lui ont don­né le pou­voir sous toutes ses formes, l’Hu­ma­ni­té doive s’as­treindre au pié­ti­ne­ment et renon­cer à toute marche en avant.

Au des­sous de la Bour­geoi­sie, il y a le peuple. Le peuple ! légions innom­brables, tombe de vain­cus, plu­tôt que cohorte d’hommes libres, d’où les râles des mour­rants s’é­lèvent seuls. Le pro­lé­taire moderne est aus­si au des­sous du bour­geois que l’es­clave antique l’é­tait du citoyen, que le serf du moyen-âge l’é­tait du sei­gneur féodal.

Ce sont ces légions, ces masses confuses que nous appe­lons à la liber­té. Elles qui de leur sang fécon­dant la nature pro­duisent toutes les richesses que sans ver­gogne gas­pillent leurs maîtres. Et, pour les rému­né­rer de ce bien­fait incom­men­su­rable, elles n’ont à espé­rer qu’une vie d’an­goisse et de misère ; la vie pour elles n’est qu’une san­glante iro­nie et n’est autre qu’une longue ago­nie. Leurs pères ont tri­mé du ber­ceau à la tombe ; eux tra­vaillent sans trêve ni repos, et c’est un aus­si sombre ave­nir qui attend leurs enfants — à moins que demain la miche man­quant à la huche, la cama­rade ne vienne dis­pu­ter et enle­ver sa proie au vam­pire capitaliste.

C’est à bri­ser cette socié­té cri­mi­nelle qui vous à la mort les meilleurs de ses fils que convergent nos efforts.

Nous atta­que­rons vigou­reu­se­ment toutes les ins­ti­tu­tions humaines, poli­tiques, reli­gieuses, juri­diques ou éco­no­miques, natio­nales ou inter­na­tio­nales démon­trant que c’est d’elles que vient le mal et que nous n’a­vons d’a­mé­lio­ra­tion à espé­rer que de leur ren­ver­se­ment absolu.

Nous prou­ve­rons com­bien est vaine la croyance à une réforme aus­si minime soit-elle, accor­dée par les exploi­teurs à leurs esclaves sala­riés ; par les gou­ver­nants aux gouvernés.

Sur­tout nous met­trons nos cama­rades de bagne en garde contre les trom­peux mirages de l’a­gi­ta­tion élec­to­rale : sou­pape de sûre­té du sys­tème actuel et dont le suel résul­tar cer­tain est de divi­ser les tra­vailleurs et de créer dans leurs rangs une horde d’am­bi­tieux qui ne visent qu’à se his­ser sur les fortes épaules du peuple et à prendre rang par­mi ses ennemis.

Nous ferons tou­cher du doigt que le déve­lop­pe­ment tou­jours crois­sant du machi­nisme, loin d’être pour le tra­vailleur une amé­lio­ra­tion n’est qu’une aggra­va­tion, par ce que la machine est l’a­pa­nage d’une classe exploi­trice et par cela seul entre en concur­rence avec la machine vivante au lieu de lui venir en aide.

Nous frap­pe­rons de tous côtés dru et ferme, par­tout où il y aura exploi­ta­tion ; par­tout où il y a crime de lèse-huma­ni­té ; jus­qu’au jour où nos efforts ayant don­né au pro­lé­ta­riat la vita­li­té néces­saire aux déshé­ri­tés pour faire table rase des mons­truo­si­tés sociales que nous subis­sons aujourd’hui.

Nous tien­drons haut et ferme le dra­peau des reven­di­ca­tions pro­lé­ta­riennes, ne deman­dant aux tra­vailleurs que de ne pas nous lais­ser iso­lés et aux prises sans sou­tien avec nos ennemis. 

La Presse Anarchiste