Ce que n’ont pas ces individus, et que nous possédons nous, c’est un idéal, puissant et généreux, qui fait battre notre cœur, trouble notre cerveau, et nous pousse irrésistiblement. Cet idéal nous voulons en faire partager l’espérance à ceux qui souffrent des mêmes maux que nous, qui ont le cou pris dans le même collier.
Il est superflu de dire que nous sommes loin d’être riches ; ce n’est que grâce à nos gros sous péniblement amassés, rognés sur un salaire mesquin, que l’Idée Ouvrière doit de naître. Nous n’avons pas et ne voulons pas de bailleur de fonds (et en voudrions-nous, que nous n’en trouverions pas) qui nous imposerait ses manières de voir et dirigerait le journal dans la voie la plus fructueuse à ses intérêts.
L’Idée Ouvrière est un organe d’avant-garde, qui au lieu de prêcher le calme et la résignation aux travailleurs, leur fera honte de leur avachissement et démontrera que pour se faire rendre justice, il faut non quémander, mais parler en maître. Il faut que le peuple acquière la conscience de sa force et remplace la servilité par l’esprit de révolte.
Ce qu’on pense à l’Idée Ouvrière, c’est que tout n’est pas dit en fait de progrès ; que par cela seul que les Révolutions passées ont émancipé la bourgeoisie, lui ont donné le pouvoir sous toutes ses formes, l’Humanité doive s’astreindre au piétinement et renoncer à toute marche en avant.
Au dessous de la Bourgeoisie, il y a le peuple. Le peuple ! légions innombrables, tombe de vaincus, plutôt que cohorte d’hommes libres, d’où les râles des mourrants s’élèvent seuls. Le prolétaire moderne est aussi au dessous du bourgeois que l’esclave antique l’était du citoyen, que le serf du moyen-âge l’était du seigneur féodal.
Ce sont ces légions, ces masses confuses que nous appelons à la liberté. Elles qui de leur sang fécondant la nature produisent toutes les richesses que sans vergogne gaspillent leurs maîtres. Et, pour les rémunérer de ce bienfait incommensurable, elles n’ont à espérer qu’une vie d’angoisse et de misère ; la vie pour elles n’est qu’une sanglante ironie et n’est autre qu’une longue agonie. Leurs pères ont trimé du berceau à la tombe ; eux travaillent sans trêve ni repos, et c’est un aussi sombre avenir qui attend leurs enfants — à moins que demain la miche manquant à la huche, la camarade ne vienne disputer et enlever sa proie au vampire capitaliste.
C’est à briser cette société criminelle qui vous à la mort les meilleurs de ses fils que convergent nos efforts.
Nous attaquerons vigoureusement toutes les institutions humaines, politiques, religieuses, juridiques ou économiques, nationales ou internationales démontrant que c’est d’elles que vient le mal et que nous n’avons d’amélioration à espérer que de leur renversement absolu.
Nous prouverons combien est vaine la croyance à une réforme aussi minime soit-elle, accordée par les exploiteurs à leurs esclaves salariés ; par les gouvernants aux gouvernés.
Surtout nous mettrons nos camarades de bagne en garde contre les trompeux mirages de l’agitation électorale : soupape de sûreté du système actuel et dont le suel résultar certain est de diviser les travailleurs et de créer dans leurs rangs une horde d’ambitieux qui ne visent qu’à se hisser sur les fortes épaules du peuple et à prendre rang parmi ses ennemis.
Nous ferons toucher du doigt que le développement toujours croissant du machinisme, loin d’être pour le travailleur une amélioration n’est qu’une aggravation, par ce que la machine est l’apanage d’une classe exploitrice et par cela seul entre en concurrence avec la machine vivante au lieu de lui venir en aide.
Nous frapperons de tous côtés dru et ferme, partout où il y aura exploitation ; partout où il y a crime de lèse-humanité ; jusqu’au jour où nos efforts ayant donné au prolétariat la vitalité nécessaire aux déshérités pour faire table rase des monstruosités sociales que nous subissons aujourd’hui.
Nous tiendrons haut et ferme le drapeau des revendications prolétariennes, ne demandant aux travailleurs que de ne pas nous laisser isolés et aux prises sans soutien avec nos ennemis.