Le cadre de la vie humaine comporte des éléments de sociologie et de démographie qu’il est indispensable d’étudier à la lueur du passé.
Grâce aux travaux sur la préhistoire et à l’étude des sociétés primitives vivant encore en marge de nos civilisations[[De larges emprunts ont été faits dans cet article au savant ouvrage du professeur Paul Carnot, La Famille dans les races humaines primitives (Baillière Ed.)]], il nous est possible de comprendre la mentalité de nos lointains ancêtres orientée vers un but presque strictement matériel : vivre, c’est-à-dire lutter sans relâche contre les éléments à peine assagis des récentes fureurs cosmiques, les bêtes féroces et contre les rivaux des proies convoitées, ardemment disputées et durement conquises.
Mais un instinct presque aussi puissant que celui de se maintenir leur dicte en même temps sa loi et impose la perpétuation de l’espèce.
Les unions se multiplient au gré du hasard la promiscuité sexuelle régnant dans la horde où les mâles, à l’instar des animaux, se répartissent les femelles, surtout au moment du rut saisonnier, brutal et impulsif.
La subsistance des jeunes est assurée par la mère, ensuite ces derniers se débrouillent et la sélection naturelle opérant, laisse place aux mieux adaptés.
Au communisme sexuel intégral des groupements initiaux succède une tendance vers les associations génophylactiques stables.
Avant de parvenir au stade monogamique, sanctionné par l’institution du mariage, l’humanité a traversé des états intermédiaires : la polygamie ou polygynie, la polyandrie et le matriarcat, qu’il est intéressant d’envisager successivement.
La polygamie (du grec poly [plusieurs] et guué aikos [femmes]) a été très rependue chez les peuples primitifs et apparaît à toutes les époques en Asie, en Afrique, en Océanie. Elle fut plus tard reconnue officiellement en Islam. Elle est déterminée par des raisons biologiques et sociales.
Raisons biologiques : il est incontestable qu’il existe une activité sexuelle différente chez le mâle, qui se renouvelle constamment et ne connaît pas le frein de la menstruation, de la grossesse et de l’allaitement, nécessités physiologiques de la femme. Par ailleurs, la vie génitale de celle-ci est plus courte, ce qui incite le mâle à rechercher des femelles toujours jeunes, aptes et fécondes.
L’instinct de l’homme est donc essentiellement polygynique et seules des considérations religieuses, sentimentales ou spirituelles sont parvenues à le rendre plutôt monogamique, du moins en Occident.
Le facteur social prépondérant est d’ordre économique, la femme représentant un objet de richesse et d’orgueil pour le possesseur.
Plus le roi ou chef de tribu a de femmes, plus il est considéré, tel Salomon, de fastueuse mémoire, à la tête de 700 femmes et 300 concubines…
Par contre, la polyandrie (poly [plusieurs], andres [hommes]), plus rare, semble en partie due au surcroît des naissances masculines, aggravé dans certains pays par le massacre des filles. Elle revêt certains aspects pittoresques à signaler : ainsi au Thibet (Kulas de l’Himalaya), la polyandrie est fraternelle, la femme appartient pendant un mois au frère aîné, puis le mois suivant au second, etc. Il ne s’ensuit pas de drames de jalousie, si la cohabitation n’est pas permanente et si les maris n’essayent pas d’empiéter sur leurs droits. La paternité. est dévolue au mari principal, c’est-à-dire l’aîné.
Le lévérat ou mariage avec le beau-frère, préconisé par les Hébreux, en cas de mort de l’époux, est une forme de l’endogamie.
L’inceste, anathématisé dans l’Antiquité (Œdipe), était plus qu’admis en Égypte où le mariage du frère et de la sœur était obligatoire et rituel.
Vérité en deçà, erreur au delà…
Le matriarcat (latin mater [mère] et et grec arkhê [commandement]) ou coutume, en vertu de laquelle chez certaines peuplades, les femmes donnent leur nom aux enfants et exercent une autorité prépondérante dans la famille, est une conséquence sociale inévitable de la polyandrie. Sans parler d’autres pays, où le matriarcat était le régime exclusif, nous signalerons qu’en Grèce les enfants nés des unions libres portaient le nom de leur mère. Ne serait-il pas plus logique, soit dit en passant, de donner aux enfants le nom maternel, la filiation étant certaine et la femme ayant su conquérir au foyer une place égale à celle du chef de famille ?
Chez les Barbares, le rapt et le viol étaient la coutume, mais ils inclinèrent peu à peu vers une plus grande pureté de mœurs, que Tacide admirait déjà chez les Germains.
Dans un prochain article, nous verrons l’évolution dans la monogamie et nous étudierons la sélection dans les unions familiales.
Dr Yvonne Menneret