Le 8 mai dernier, les sirènes ont mugi pour la dernière fois, mêlant leurs notes déchirantes au son des cloches sonnant à toute volée. Elles annonçaient la fin de la guerre en Europe, cette boucherie au regard. de laquelle celle de 1914 – 1918 n’était qu’ébauche. On voudrait se réjouir à la pensée qu’en Europe, pour débuter, c’en est fini des hécatombes sur les champs de bataille de toute espèce, des capitales, des villes, des quartiers, des maisons, rasés, éventrés, réduits à l’état de décombres, des malheureux courant dans les rues, flambant comme des torches vivantes, des réfugiés mitraillés impitoyablement le long de leur exode, des ponts, des gares, des trains de munitions sautant en ébranlant les airs et cela au grand dam des habitants des alentours. A la pensée, dis-je, que c’en est fini des camps de concentration, des polices d’état, des otages, des tortures, des déportations, des fusillades, des chambres létales, des fours crématoires, des écartèlements des familles, des exclusives racistes, des délations, des infamies de toutes sortes, celles qu’on connaît et celles qu’on ignore. Mais on ne peut réfléchir sans frémir à la trace que laisseront ces années terribles sur la mentalité des survivants. Car on ne peut nier que pendant cinq ou six ans on a respiré une atmosphère chargée d’appels à la haine, à l’extermination, une atmosphère d’excitation, de terreur, d’humiliation, de débrouillage intempestif. Secouerons-nous le poids de cet étouffement moral, nous arracherons-nous à l’influence mortelle de la psychose qu’il a engendrée ? Que vaudrait un redressement économique ou politique sans un renouveau de l’esprit, sans un rafraîchissement du cœur ?
Qui Cé.