La Presse Anarchiste

Réalités, vérités

    Après cinq ans d’ex­il, je reprends mes Réal­ités – Vérités. Pen­dant ce temps, j’ai accu­mulé notes et doc­u­ments, vous vous en doutez bien. Ça fera un fameux bouquin si toute­fois le papi­er reparait et si « Anas­tasie » a ren­du l’âme ! Ce que j’en ai vu et enten­du durant ces cinq années mau­dites et ce que j’en­tends et vois depuis 24 heures que j’ai remis les pieds sur le sol de la cap­i­tale. Depuis trente ans que parais­sent ces Réal­ités – Vérités, je n’ai cessé d’an­non­cer les périls qui nous menaçaient ; mes antic­i­pa­tions ont été con­fir­mées par les faits. Ce que j’ai prédit est arrivé.

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    On est sou­vent plus près d’un adver­saire que d’un pré­ten­du sym­pa­thisant. Il nous com­prend mieux. Dans le domaine des idées, impos­si­ble de s’en­ten­dre si l’on n’a pas pris soin aupar­a­vant de renon­cer au sec­tarisme, au fanatisme et a la haine.

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    On peut tou­jours s’en­ten­dre entre gens intel­li­gents. Mais avec des brutes, inutile de dis­cuter, c’est peine per­due. On a tou­jours tort.

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    Ils m’a­musent les gens qui vont procla­mant : « Ce n’est pas nous qui avons changé, ce sont les événe­ments ». Piètre excuse ! Ils croient pou­voir ain­si jus­ti­fi­er leurs « sincérités suc­ces­sives ». Ils ne jus­ti­fient que leur mau­vaise foi qui les a guidés dans leurs combinaisons.

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La sincérité est le moteur de tout pro­grès moral. La société actuelle repose sur le men­songe. C’est pourquoi elle est en régression.

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    La poli­tique est un com­merce ; ne nous éton­nons pas si elle use de for­mules pub­lic­i­taires. Comme tous ces gens-là sont pressés de pren­dre en main l’assi­ette au beurre !

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    N’at­ten­dons pas des autres notre libéra­tion. Ne l’at­ten­dons que de nous-même

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L’u­sine à slo­gan n’a jamais autant fonc­tion­né que depuis que nous sommes libres (méth­ode Coué). Les déc­la­ra­tions des can­di­dats sont les mêmes qu’autre­fois. Sous ce rap­port rien de changé. Comme tou­jours ils promet­tent la lune. Pau­vres gens ! Encore plus pau­vres ceux qui les écoutent !

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    De toutes les exploita­tions, celle de la bêtise humaine est la plus fructueuse pour les politi­ciens et leurs comparses.

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    Deux human­ités vivent côte à côte, dont l’une n’est qu’une sous-human­ité qui entend par pro­grès le pro­grès matériel unique­ment ; dont l’autre entend par pro­grès le pro­grès moral, qu’elle n’isole point du premier.

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    Tout ce qui rap­proche de la nature est dans le vrai, tout ce qui s’en éloigne est dans le faux. Art et vie naturelle sont les seuls moyens de renou­vel­er l’e­spèce humaine abâ­tardie en lui appor­tant un autre idéal que le meurtre et la guerre.

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    Puisse le mot « lib­erté » ne plus sig­ni­fi­er son con­traire, et l’an­tifas­cisme ne plus se servir des méth­odes su fascisme !

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    L’in­di­vid­u­al­iste respecte toutes les croy­ances, mais il défend les siennes avec la dernière énergie.

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    Bien sou­vent, le décourage­ment m’en­vahit. En présence de tant de laideurs, je me prends à douter de tout. A quoi bon essay­er de con­va­in­cre les incré­d­ules ? Ils ne veu­lent rien savoir. Cepen­dant, une voix secrète me crie : « Marche ! » Et je prends ma plume, poussé par une force incon­nue, qui me con­damne à vivre pour une idée.

Gérard De Lacaze-Duthiers.